"Utena"...
La première chose à laquelle on peut penser en voyant cette série, c’est à la prise de risque. Tant dans les intentions que le traitement, elle joue sur la différence entre l’aspect de l’univers dépeint et la psychologie des protagonistes, élément déterminant provoquant de nombreux drames.
Si le campus de l’école Ohtori est un monde rose bonbon, aux murs ples, inondé par le soleil, parcouru par des légions d’étudiants et d’étudiantes (surtout d’étudiantes, en fait) de prime abord joyeux, le revers sentimental de la médaille n’est autre que l’ensemble de relations sombres, voire torturées, qu’entretiennent ces mêmes jeunes gens. Oui, « Utena » nous décrit un environnement cruel, sans merci.
Les épisodes regorgent de symboles plus ou moins clairs.C’est une plongée dans un monde inquiétant, sillonné par de véritables squales toujours en quête d’une nouvelle victime. Le récit semble se faire un devoir de dresser l’inventaire de toutes les manipulations d’individus et rapports de domination possibles et imaginables. Les perversions sont nombreuses, mais peu est exposé : la série travaille beaucoup sur les sous-entendus, dans la finesse, et les dialogues sont à l’image de cet angle d’attaque.
Ce côté fortement sordide n’est pas gratuit, bien sûr, c’est une dénonciation de ces manipulations.
Nanami sait fort mal dissimuler son embarras. Contrairement à « Silent Hill », où photographie, narration, dialogues, mise en scène, bande sonore convergent pour étouffer le joueur, sans pour autant servir des idées en rapport avec cet aspect malsain, « Utena » contrebalance l’horreur par des atours lumineux dont nous avons déjà parlé : des couleurs pastels, des décors vastes et clairs, de grandes bouffées d’air frais.
L’humour n’est pas omis, et c’est même une composante principale soulageant davantage le spectateur. En plus d’être une couverture pour le caractère « extrême » de l’œuvre, le côté « mignon », solaire, coloré, joyeux est un ingrédient indispensable sans lequel la mayonnaise deviendrait bien amère.
De nombreux délires décalés prennent place dans le quartier général des "méchants". Ici, des micros apparaissent sans rime ni raison pour mieux capter les paroles primordiales de Sayionji. Cette démarche que l’on pourrait croire paradoxale est servie par une grande rigueur scénaristique, une régularité d’horloge dont l’illustration la plus claire à l’écran est le processus des duels, très répétitif, ainsi que le rituel d’ascension qui les précèdent immanquablement. Le détournement des images de contes de fées pour critiquer au vitriol la misogynie et la phallocratie, visuel outrancier et autres facettes de l’œuvre sont cimentés et soutenus par cette maîtrise… rigidité apparente, puisque l’humour fait à l’occasion ployer la cohérence du monde (hein ? Un train passant sur un balcon très, très haut au-dessus du sol) et que les épisodes les plus marquants s’éloignent du schéma imposé (se concluant généralement par un duel rapide).
Lucifer, le grand manipulateur. Dernier élément que je me dois de mentionner, la musique ! Forte, originale, je n’y discerne pas la moindre faute.
Voilà , j’ai fini mon petit aperçu de cette série atypique. Aussi, je me résous à livrer en catastrophe le bataillon d’images que j’avais mis de côté pour mes vieux jours :
Photo... de famille ? Un espion est caché dans le repaire des "méchants". Saurez-vous le retrouver ?Dans ce monde particulier, le sport national des beaux jeunes hommes (bishônens
aux tendances yaoi
) est de dévoiler leurs torses à la moindre occasion et de rivaliser de lascivité dans les poses. Ca arrive souvent le matin. Toga à son téléphone portable : "Mais non, jamais je ne verrais une autre fille que toi !"