Et pourquoi ne pas redorer le blason du capitalisme ?
Ce système a quelque chose de profondément corrompu, et pas tant dans ses conséquences que dans son objet. A la limite, les inégalités qu'il engendre pourraient être moralement
supportables, s'il développait autre chose que des moyens complexes de faire jouir médiocrement, s'il cultivait autre chose que le merchandising de la bassesse humaine.
Pascal Bruckner a écrit:
Le nouveau bonheur implacable cumule deux intimidations : il a le pouvoir discriminant de la norme et la puissance imprévisible de la grâce. C’est une bénédiction d’autant plus sournoise qu’elle n’est jamais sûre et que ses titulaires provisoires – les beaux, les heureux, les fortunés – peuvent en être dépossédés à chaque instant. À la petite minorité des reçus s’oppose la grande masse des recalés, des hérétiques stigmatisés comme tels. Injonction d’autant plus féroce qu’elle est approximative et se dérobe à mesure que nous nous inclinons devant elle. Il faut souffrir pour afficher le sourire carnassier des vainqueurs qui en ont eux mêmes bavé pour arriver jusque là et redoutent d’être à leur tour détrônés. C’est d’ailleurs le rôle de la presse prétendue frivole, masculine ou féminine, que de nous rappeler semaine après semaine ce précepte. À la fois récréative, éducative et coercitive ou pour parler son langage « pratique, drôle et sympa », elle soutient en permanence deux choses contradictoires : que la beauté, la forme, le plaisir sont à la portée de tous si l’on veut bien en payer le prix. Mais que ceux qui les négligent seront seuls responsables de leur vieillissement, de leur laideur, de leur manque à jouir. Versant démocratique : nul n’est plus condamné à ses défauts physiques, la nature n’est plus une fatalité. Versant punitif : ne vous tenez jamais pour quitte, vous pouvez faire mieux, le moindre relâchement vous précipitera dans l’enfer des ramollis, des avachis, des frigides. Cette presse dite légère alors qu’elle est terriblement sévère bruit page après page d’impératifs catégoriques discrets mais prégnants : non contente de nous offrir des modèles d’hommes et de femmes toujours plus jeunes, plus parfaits, elle suggère à chacun un contrat tacite : fais comme je le dis et tu t’approcheras peut être de ces êtres sublimes qui peuplent chaque numéro. Elle joue sur des peurs bien naturelles, vieillir, s’enlaidir, grossir, et ne les apaise que pour mieux les réveiller.
Le capitalisme est, à juste titre, une lutte carnassière pour afficher la réussite. Mais cette réussite, ne s'affiche qu'à travers les apparats du bonheur. Et ce
bonheur... ce n'est hélas pas autre chose que de se décomposer lentement au soleil de Tahiti ou dans une piscine de champagne. A ce rythme-là , on se retrouvera bientôt à stimuler directement les centres du plaisir, faute de s'être trouvé des fins à la hauteur de ses moyens. Il y a une disproportion affolante entre l'efficacité redoutable des techniques déployées, et la vulgarité décadente du bout du tunnel.
Je propose tout bonnement de réintroduire une certaine "noblesse" dans le capitalisme, qui dédaignerait le profit à court terme, l'exploitation perverse des bas instincts, les petites réussites qui réclament de grandes destructions. C'est encore le moyen le plus sûr de discipliner cette mêlée désordonnée, où les uns montent sur les autres et finissent par s'enfoncer réciproquement. Mieux vaut aller dans le sens des choses... Mieux vaut dévier légèrement la trajectoire du bolide que d'y faire barrage avec son petit corps chétif.
Citer:
les utopies du XXéme siécles ne sont jamais que les filles indignes des utopies du XIXéme. Filles indignes, car elles leur doivent quasiment tout, ont prétendue faire mieux qu'elles et se sont vautrés!
Pardon ? A moins que tu ne parles de ces mises en pratiques qui font honte aux belles théories.