Avec un peu plus de recul (la sagesse des années, tout ça), je me dois de me ranger aux avis d'Yves et de Creed, et de lapider copieusement Goodkind.
Je répète ici quelques propos récemment lancés sur
les Rivages Maudits, ainsi que ma traduction du "bilan" de la série.
Je crois que Goodkind constitue un exemple significatif d'auteur de fantasy "incontournable" seulement parce qu'il est populaire.
Cet homme est le Dan Jordan de l'imaginaire. Il flatte les plus bas instincts du public - sexe et violence à tous les étages, souvent les deux en même temps, le tout jamais justifié par l'histoire, contrairement à "Un chant de glace et de feu", par exemple -, multiplie les incohérences et les absurdités, fournit les personnages les plus plats du monde, une morale vomitive (si on n'est pas dans le camp des Gentils, on est leur ennemi... c'est une logique de Sith, ou même de Nazi), et couronne le tout d'un style insupportable. Le pillage en règle de "La Roue du Temps" (qui n'était déjà pas bien terrible...) ajoute à l'injure.
Goodkind serait à lyncher en place publique... mais aussi à lapider copieusement, en premier lieu, si on prend en compte sa
personnalité particulière.
Dans certains cercles anglophones, notamment Westeros, "L'Épée de Vérité" est un sujet de plaisanterie, j'oserai dire à juste titre.
Je comprends, cela dit, qu'on puisse préférer Goodkind à , mettons, Robin Hobb. À un lecteur occasionnel, notre "facho de la fantasy" semble livrer un récit dynamique, sans concessions, avec des personnages énergiques et de véritables idées. Tandis que Hobb se concentre tant sur les détails, les sentiments, la véracité de l'univers et la profondeur des personnages qu'elle peut paraître de prime abord ennuyeuse (j'ai deux connaissances qui n'ont jamais réussi à surmonter le premier chapitre des aventures de FitzChevalerie... C'était certes des lecteurs très occasionnels...). Pour un lecteur confirmé, par contre, Goodkind, avec ses scènes extrêmes et son idéologie nauséabonde, peut avoir un parfum d'exotisme : on a le sentiment d'un récit écorché vif, jusqu'au-boutiste, très contrasté et, au final, menant à quelque vérité cachée sur l'ethnocentrisme ou la cruauté humaine. Mais il n'y a pas de vérité cachée, il n'y a que médiocrité et poudre aux yeux dans cette satanée purge.
Ci-dessous, une petite traduction par votre serviteur du prélude à un recueil de parodies de Goodkind,
sur le site Sandstorm.
C'est la nommée Alice qui a rédigé cette liste, en se basant sur les forums Westeros, dédiés à "Un chant de glace et de feu", et qui, comme nous l'avons vu, adorent se moquer de Goodkind.
Cette liste de faits cherche davantage à fournir des éléments de compréhension (d'une certaine forme de comique de répétition, notamment dans les vannes de Westeros et les détournement) qu'à faire le procès des romans.
Cependant, la lecture en est est très intéressante pour tout lecteur de Goodkind, car la liste se borne à récapituler des évènements réels advenant dans le cycle qui nous intéresse ici. C'est édifiant.
L'ÉPÉE DE VÉRITÉ : LE BILAN *Richard Rahl est le héros. Il détient l'Épée de Vérité, qui a le mot "Vérité" gravé sur la poignée, et qui est alimentée par la
fureur. C'est aussi un Sorcier de Guerre, en gros une catégorie rare de sorcier capable de toutes sortes de magies spéciales. C'est le parangon de la morale, de la vertu, et un modèle de doctrine objectiviste. Ses vêtements sont décrits comme "
une tenue de sorcier de guerre".
*Torturé par l'ennemi, Richard a eu recours à son pouvoir magique pour
défoncer la mâchoire d'une (méchante) fillette de huit ans, au cours d'un plan d'évasion tournant à l'imbroglio ; l'expression utilisée par Goodkind pour décrire ce pouvoir est "la chose de Richard se dressa en lui".
*Richard cesse d'abord de manger de la viande en devenant sorcier, mais Goodkind change finalement d'avis ; Richard procède du coup à une justification argumentée de "
Pourquoi la Viande est Bonne".
*Dans l'un des romans, Goodkind invente une nation de pacifistes (dirigée par
un petit garçon) comme pseudo-exemple de "
"Pourquoi le Pacifisme, c'est Mal". Les pacifistes organisent une manifestation non-violente pour dissuader Richard de partir en guerre ;
Richard massacre ces médisants, qui "ne sont armés que de leur haine pour la clarté morale". Richard
tue également des conseillers désarmés.
*Richard assimile moult techniques de combat rien qu'en tenant son épée ; il apprend aussi des tours tels que
la saisie de flèches en plein vol (
à plusieurs reprises) ou
l'algèbre avancé. Plus tard, il peut tirer des connaissances de n'importe quelle épée, qu'elle soit ou non magique. Il est également capable de
recréer un antidote en se souvenant du goût qu'il avait.
*Richard, capturé par l'ennemi, réussit à subtiliser une épée en
faisant semblant de s'étirer, puis tue des douzaines de soldats avant d'être à nouveau neutralisé. Le capitaine de la garde est si impressionné qu'il demande à Richard de rejoindre
son équipe sportive (de la discipline impériale de
Ja La).
*Richard fait de
longs discours. De
très, très longs discours.
*Richard
abandonne ses troupes lorsqu'il juge qu'elles ne le méritent pas.
*L'ultime tactique de bataille de Richard est simple : son armée de D'Harans est en infériorité numérique colossale, il leur ordonne donc, plutôt que d'affronter les innombrables hordes ennemies, de
rejoindre la patrie des adversaires et de
trucider tous les civils, en
coupant les oreilles de quiconque prêche la pitié pour l'ennemi. Car c'est là le seul choix juste qui soit.
*Quasiment toutes les femmes veulent séduire Richard ;
la duchesse Lumholz tente de le faire avec de la nourriture. Il sera plus tard révélé qu'elle n'agissait ainsi qu'en raison de la magie du mamelon (vous ne voulez pas savoir). Richard se révèle quelque peu
pudibond.
*Kahlan est la femme de Richard et une Confesseuse, ce qui lui donne le pouvoir d'asservir magiquement des hommes à sa volonté, de les transformer en esclaves à vie. Richard est capable de
se protéger de cette magie par son amour pour elle (aaah !).
*Elle
frôle le viol au moins
neuf fois dans la série entière, mais réussit toujours à en réchapper
à la dernière minute. Dans une scène célèbre, elle est attaquée par
un poulet qui n'est pas un poulet, mais le mal incarné. Il a un bec maléfique.
*Un hiver, Khalan doit mener une petite armée contre des troupes plus fournies. Son astucieux dessein est
de pousser tous les soldats à se déshabiller et à
peindre de blanc leurs corps nus, histoire que l'ennemi les prenne pour des fantômes. À la surprise générale,
la ruse fonctionne. Plus tard, tous les lâches qui ont "déserté" (on leur a offert la possibilité de quitter l'armée de Khalan avant la bataille)
sont pistés et tués.
*Un soldat ennemi s'infiltre dans le camp de Khalan et tue un sorcier. Khalan ordonne qu'il soit
torturé, lentement, des heures durant, jusqu'à la mort.
*La demi-sÅ“ur de Kahlan, la Reine de Galéa, pète un câble (à la suite d'une scène de tournante complètement gratuite) et remet temporairement les rênes de son royaume entre les mains de Kahlan, qui annexe dare-dare Galéa à l'Empire de Richard. Quand leur demi-frère Harold vient expliquer à Kahlan que lui, la Reine et ses sujets, ne sont pas contents de ce rattachement, et que Galéa souhaite rester neutre vis-à -vis de la guerre,
Khalan jure de détruire Galéa, d'exterminer tous ses citoyens et d'envoyer à nouveau sa sÅ“ur entre les griffes des violeurs. Harold est alors assassiné par l'un des sorciers ; cela nous est présenté comme une bonne chose.
*Une des victimes précédentes de Kahlan (via son pouvoir de Confesseuse) était un homme innocent, il est donc
magiquement métamorphosé en loup. Et tout est bien qui finit bien.
*Pour entrer dans un temple, Kahlan doit se marier (pour une raison à la noix) avec l'un des demi-frères maléfiques de Richard. Mais dans l'obscurité,
la plaisanterie est révélée : en fait, il s'agit de Richard lui-même.
*Malgré son puritanisme convaincu, Kahlan doit
agir comme une salope à l'occasion de
plusieurs situations cousues de fil blanc. On dirait que Goodkind aime
écrire des histoires de salopes.
*Le livre "Fantôme" commence par
Kahlan ne sachant plus qui elle est...
*Zeddicus Zul Zoroander est un sorcier, le grand-père de Richard ainsi que son mentor. Il s'exclame fréquemment "Tudieu !"
(NdT : en VO, c'est "Bags", j'ai employé l'expression équivalente dans l'une des traductions officielles). Peut-être est-ce supposé être un juron.
*Du Chaillu est une sorte de sorcière que Richard
tire d'affaire via
une ingénieuse astuce. Elle le remercie plus tard en
ordonnant à de formidables guerriers de le zigouiller, et exige qu'il devienne son mari.
*
Betty est une chèvre, une chèvre noble (je ne sais pas tout à fait pourquoi). Elle est possédée par un mauvais esprit, mais Richard la sauve.
*Gratch est un gar, une sorte de dinosaure poilu. Richard acquiert l'amitié d'un Gratch devenu orphelin, mais doit
le chasser pour le protéger.
Gratch revient plus tard avec une armée de gars pour sauver Richard, durant une bataille. Gratch dit fréquemment "Gratch airrrrmmm Raaach Aaaargh" ; cela signifie apparemment "Gratch aime Richard".
*Scarlet est un
dragon magique parlant dont Richard gagne le cœur.
*Nicci est une méchante sorcière qui aime torturer les gens ; elle
ne supporte pas les poux. Elle devient une brave fille quand
Richard sculpte une statue de la Vie (un homme et une femme qui semblent heureux et vivants, ou quelque chose du style), elle
tombe alors à genoux, versant des larmes de joie.
*En s'infiltrant dans un camp ennemi, elle évite d'être repérée en
enlevant le haut ; les hommes sont si distraits par ses seins qu'ils ne regardent jamais son visage. Puis elle se déchaîne,
versant des torrents de sang avant de
s'échapper. Peu après (?), elle
arrache le cÅ“ur encore palpitant de quelqu'un, à mains nues.
*Une femme appelée
Nadine tente de séduire Richard ; son plan est de copuler avec le frère de notre héros sous ses yeux et de l'inviter à les rejoindre. Elle est surprise quand son astuce échoue. Les techniques de séduction de Nicci
sont étonnamment semblables.
*Nicci continue à torturer des gens, même dans le camp des gentils, mais ce n'est pas un problème, parce que maintenant, elle le fait pour
la bonne cause. Il sera révélé que sa méchanceté était due aux instructions reçues dans sa jeunesse, de la bouche
des méchants communistes.
*Drefan est le demi-frère de Richard, et il est mauvais comme la gale. Nous découvrirons que Richard a
beaucoup de méchants demi-frères, dont l'un se fait d'abord passer pour un bon garçon, puis révèle sa vilénie en déclarant le feu illégal, au cours
d'un discours énergique sur les incendies qui met l'assistance en larmes.
*Drefan montre combien il est maléfique en
assassinant des prostituées.
*Richard tue finalement Drefan en
lui faisant passer la colonne vertébrale au travers de l'estomac. Malgré cette "blessure", il se bat encore un peu à l'épée, avant d'expirer.
*Les SÅ“urs de l'Obscurité sont de méchantes nonnes. Elles ont
des rapports sexuels glauques avec des démons et de nombreux autres prétextes pour
des partouzes sans intérêt.
*Darken Rahl est le premier grand méchant ; il se révèle être le père de Richard, est tué par Richard à la fin du premier livre, mais parvient pourtant à revenir dans plusieurs des séquelles. Il a un culte "
d'adorateurs de Maître Rahl" : ces adorateurs vénèrent maintenant Richard. Ses bourreaux féminins sado-masos en cuir rouge, les Mord-Siths, servent également Richard.
*Denna est la Mord-Sith qui
capture Richard en premier lieu. On apprendra plus tard qu'elle a juste eu
une enfance difficile.
*Jagang est le dirigeant de l'Ordre Impérial, les principaux méchants. Leur philosophie est un amalgame bâtard de communisme et d'Islam ; chacun doit
servir la communauté et ira au ciel s'il meurt au combat (ou quelque chose comme ça). Goodkind consacre maintes pages à la description détaillée
des atrocités commises par l'Ordre Impérial, juste au cas où nous douterions que ce soient les méchants. Ils font aussi manger leurs propres testicules aux ennemis capturés... oups, pardon, ils
aiment juste manger eux-mêmes les couilles de l'adversaire ; c'est
Kahlan qui
oblige ses antagonistes à consommer leurs bijoux de famille.
*La princesse Violette est la fillette de huit ans dont Richard défonce la mâchoire. Elle
revient plus tard, sa langue ayant repoussé, parmi les suivants d'
une sorcière appelée Six.
*"Yeard" est un mot né d'une faute de frappe ; au sein des cercles de fantasy anglophones, il désigne maintenant le genre de combo barbe/queue de cheval dont Goodkind se fait le chantre.
*Goodkind a des problèmes avec les participes passé. De plus, il emploie à l'excès les mots "la chose" et "immédiatement", et sont aussi fréquents chez lui les organes bougeant de manière étrange (surtout les yeux). De nombreux points de l'intrigue et de l'univers sont établis et ré-établis jusqu'à l'écÅ“urement. La liste des personnes auxquelles il dédie ses livres est...
particulière.
*Ayn Rand
(NdT : Une penseuse proche de l'objectivisme qui considérait l'homosexualité comme immorale) est l'héroïne de Goodkind. Les gens que Goodkind n'apprécie pas sont traités d'autres manières, comme
l'empereur maléfique Bertrand Chambor et sa diabolique épouse Hildemara, apparemment basés sur les Clinton...