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Ils se rendirent au poste de commande. La nuit tombait. Dario Argento mit en contact tous les haut-parleurs et Jackson commença à hurler dans le micro.
- Matelots ! Tous au rassemblement ! Immédiatement ! Le monstre s?est échappé de la grande soute ! Il a tué Miike, Yu et Lucas ! Amenez toutes vos armes ! Je sais que vous n?avez plus aucune raison de m?obéir, je fais appel à votre bon sens !
Il reprit son souffle et caressa sa barbe.
Une demi-heure plus tard, tout l?équipage était là . Dans le ciel noir, on apercevait à présent les lumières cruelles des étoiles. Le dernier marin qui arriva était Jésus Franco, le cuisinier. Il était d?une pâleur cadavérique ; son visage était baigné de sueur.
- Où sont Bass, Loncraine, Hooper et Robbins ? s?avisa Jackson.
- Loncraine a voulu rester dans sa cabine, Robbins et Bass ont disparu...
- Et Tobe Hooper ?
- Il était derrière moi dans la coursive, haleta Franco. Une forme noire... c?était sûrement cette sale bête... elle l?a chopé.
Reno distribua à tous les marins de petites bagues brillantes et prit la parole.
- Ce sont des Anneaux de Paix ; ils empêcheront le monstre de vous manipuler comme Mc Tiernan. Le monstre qui a commencé une élimination méthodique de tous les êtres vivants de ce bateau s?appelle l?Hermès. Nous l?avons ramené du Gelnika par erreur. Il n?a aucune intelligence : c?est un simple prédateur. La substance destinée à le dissoudre entièrement après sa mission, l?Anti-Mercure, qui sert de vecteur à une souche mutante de la grippe contre laquelle il n?est pas immunisé, était dans le Bâtiment Shinra, près du Président Rufus, et a été détruite.
- Où est le problème ? dit Spielberg. Nous n?avons qu?à fuir le Giger.
- Impossible : l?hélicoptère a explosé. Vous pouvez toujours essayer de filer par la mer, avec un de nos bateaux à moteur, mais l?Hermès semble fendre l?eau plus vite qu?un requin, raison pour laquelle il est également déconseillé de se barrer à la nage. Nous pourrions demander du secours à Shinra Inc. par radio, malheureusement... Shinra Inc n?existe plus. L?unique moyen de nous en tirer : tuer l?Hermès.
- Il est puissant, mais pas invincible, rappela Craven. Evitez seulement de trop vous en approcher ou il vous paralysera.
Polanski réagit.
- Vous êtes complètement cinglés ? Vous voulez que nous allions gratter le nez à ce truc ?
- Auriez-vous une autre solution, Matelot Polanski ? rétorqua Jackson d?un ton glacial.
- Ouais. Faisons filer le Giger jusqu?à une plage où nous débarquerons.
- Hors de question ! protestèrent Devlin et Emmerich. Nous refusons de descendre seuls dans la salle des machines pour faire redémarrer le navire !
- On vous accompagnera...
- Le nombre ne changera rien, dit Craven. Ce monstre a à plusieurs reprises déchiré la coque, le pont ou les parois du Giger ? dois-je vous rappeler qu?elles sont d?acier doublé de titane ? Une force pareille? Nous serons massacrés en quelques instants.
- Alors pourquoi sommes-nous vivants ? répliqua Jeunet.
Craven posa son index sur l?écran du détecteur.
- La réponse est là . Regardez, les points étiquetés « Tobe Hooper » et « Saul Bass » se déplacent vers la poupe pour rejoindre « George Lucas », « George A. Romero », « Chris Columbus », « Ronny Yu », « Takashi Miike ».
- Je croyais qu?ils étaient tous morts ! s?exclama Jeunet.
- Ils le sont. L?Hermès doit transporter leurs cadavres vers la grande soute pour les enfermer dans des cocons. Ainsi, la nourriture sera conservée au frais.
- On dirait une araignée... fit Burton.
- Je ne sais pas quels gènes ces savants attardés ont implantés à leur foutu parasite et à leur foutu « homme-fleur », moi ! Ce monstre digère les gens vivants comme une étoile de mer ou un anaconda, il se fait une ruche comme les abeilles...
- Il n?a encore fait qu?une couveuse, affirma Reno. Au final, je pense qu?il est prévu que le Giger tout entier se transforme en nid flottant... voguant vers divers quais pour répandre cette si douce espèce sur notre belle planète.
Craven frissonna dans l?air frais de la nuit. Une idée terrible lui vint à l?esprit.
- A propos, Reno... Combien de temps faudra-t-il pour que les ?ufs éclosent ?
- Vous avez la mémoire courte, Matelot Craven, dit Jackson. Nous les avons tous brûlés.
- Et vous êtes bien naïf, « capitaine » Jackson. Il a sûrement repris la ponte.
Sans prêter attention à l?intervention du barbu, Reno se gratta la tête.
- Impossible à savoir. L?Hermès n?était à l?origine pas censé pouvoir se reproduire : il devait simplement se greffer sur une Arme et la transformer en monstre invincible afin qu?elle extermine tout l?Arsenal. Il a dû dérober le moyen de reproduction dans le code génétique de l? « homme-fleur ». Pour une créature de cette taille, je dirais qu?il faudrait plus d?un an avant la naissance des premiers bébés.
- Ouf !
- Le problème, c?est que l?Hermès a été fabriqué de manière à pouvoir optimiser toutes les ressources de son ADN, de celui de son hôte et de ceux de ses proies. A chaque espèce ingérée, il augmente son intelligence, renforce sa musculature, diminue le temps de ponte et d?éclosion.
- Alors... nous, les hommes ?
- Pour exploiter toutes nos possibilités, il a dû remonter au stade du génome de rongeur. Combien de temps met un lapin pour accoucher ?
- Reno !
- Envisager le pire, c?est ce qu?on nous apprend chez les Turks. Mais là , c?est une hypothèse optimiste : l?ADN humain est l?un des plus malléables qui soient. Dès qu?il a digéré Columbus...
John Carpenter s?avança. Inquiet, Craven remarqua que les points signalant les victimes du monstre, sur le détecteur ronronnant, s?étaient immobilisés dans la grande soute depuis déjà dix minutes. L?Hermès allait bientôt se remettre en chasse.
- Steven m?a sorti de ma cellule, fit Carpenter. Depuis que j?ai dessaoulé, j?ai beaucoup réfléchi. Nous avons trois solutions : mettre le feu au stock d?explosifs de la troisième soute...
- Vous n?y pensez pas ! Le Giger vaut...
- Capitaine, personne n?ira vous donner la facture : la Shinra n?existe plus, combien de fois faudra-t-il vous le répéter ? La seconde solution : aller nous-mêmes démolir ce monstre.
- Pas question ! vociféra Polanski.
- Enfin, poursuivit Carpenter, la troisième solution : tous nous réunir sur le pont, à portée de tir de notre grosse mitrailleuse. Le monstre viendra nous chercher, et je doute qu?il fasse encore le malin avec une tonne de balles dans le derrière.
- La première option me semble idéale, dit Craven. Mais elle est trop risquée. Nous quittons le bateau en mettant le feu aux explosifs, et si l?Hermès nous suit, il sera détruit pour rien, et nous serons bouffés quand même. Je vote donc pour la troisième solution : la mitrailleuse.
- Alors, nous allons servir d?appâts ?
- J'ai d'autres plans, gronda Reno. Synthétiser l'Anti-Mercure...
Tout s?effondra. Le plancher métallique de la salle des commandes fut réduit en lambeaux par des griffes grandes comme le bras de Craven. Un immense trou au centre de la pièce. Clive Barker disparut en hurlant dans le gouffre obscur ; deux mâchoires terribles, gigantesques, pleines de muscles saillants, dégoulinantes de bave, se refermèrent sur lui.
Le cri de Barker s?éteignit. Les mâchoires trônaient, surgissant du plancher déchiqueté, au milieu de la pièce. Plusieurs appareils explosèrent ; Argento s?en éloigna en gémissant. L?énorme gueule de dinosaure se rouvrit, laissant passer un tentacule vert. Craven le reconnut : c?était cet appendice qui avait immobilisé Miike. Plaqué contre le mur, comme tous ses collègues, il était déjà pétrifié par la peur.
Sans hésitation, le tentacule fila hors de la gueule grande ouverte et écorcha le bras de James Cameron.
Les muscles du visage de Cameron se figèrent et il se raidit. Surmontant sa terreur, Craven bondit jusqu?à la porte et s?enfonça dans l?obscurité. Devant lui, il vit Reno, Elena, Rude, Carpenter, Spielberg et Franco courir dans la nuit. Après avoir accéléré l?allure, il s?aperçut que Jeunet, Burton, Polanski, Emmerich et Devlin le suivaient. La poignée de marins restés trop longtemps dans le poste de pilotage poussaient des hurlements atroces.
De l?extérieur, en courant toujours plus vite, ils virent que la cabine se dilatait, comme si toutes les parois étaient soumises à une incroyable pression. Elle explosa et l?Hermès en sortit.
La nuit noire ne dissimulait pas son corps massif, bleu argenté comme celui d?un poisson, recouvert de tentacules blancs, qui se tordait horriblement. Il était prolongé d?une queue presque aussi épaisse, une queue de dinosaure, qui devait bien faire huit mètres de long. C?était ce membre volumineux qui s?était enroulé autour de l?hélicoptère. Sous le ventre distendu, deux jambes titanesques, bardées de muscles gonflés à bloc, ressemblant à celles d?un tyrannosaure mais sans genoux ; elles étaient repliées vers l?arrière comme des bras humains géants ou des pattes de sauterelles. Au-dessus du crâne, six tubes roses achevés par des épines noires, sans doute les pétales de l? « homme-fleur ». Mais le plus terrible restait la tête. C?était la gueule innommable armée de crocs acérés qui avait surgi dans la salle des commandes, surmontée d?une paire d?yeux blancs qui cherchaient, motivés par un appétit insatiable, de nouvelles proies. Des mâchoires gigantesques, qui laissaient passer le tentacule buccal paralysant dont avaient été victimes Miike et Cameron. Ce membre vert était en fait une sorte de langue.
Les affreux yeux blancs, sans iris ni pupilles, se fixèrent sur eux, et l'abomination se lança à leur poursuite. Chacun de ses pas ébranlait le pont. Craven se demandait comment une créature d?une telle taille avait pu être entièrement cachée par l?hélicoptère ; il conclut finalement que tous les hommes qu?elle avait ingérés avaient participé à une croissance stupéfiante qui n?allait pas faciliter les choses... Il tenta d?accélérer encore, mais ses jambes fournissaient déjà un effort surhumain. Elles étaient transpercées par les crampes. Quelle hauteur faisait l?Hermès ? Il manquait de références pour évaluer la taille du monstre, mais il semblait démesuré, à croire que son poids allait faire basculer le Giger comme une vulgaire barque. C'était grotesque, cauchemardesque. Douze mètres ? Dix-huit mètres ?
Craven vit que Reno et Carpenter avaient atteint la mitrailleuse qui se dressait devant l?héliport. Dans la nuit noire, elle acquérait des reflets bleutés. Elena, Rude et Spielberg les rejoignirent, rassurés par la présence imposante de l?arme à feu.
Craven se précipita vers eux.
Reno tripota les mécanismes de contrôle de l?arme. Les ténèbres l?empêchaient de distinguer les commandes. Il saisit une poignée, appuya sur un interrupteur. Le canon de deux cent kilos pivota sur sa base. Il mania encore quelques leviers et s?empara d?un guidon semblable à celui d?une moto.
A la traîne, les mécanos Roland Emmerich et Dean Devlin étaient presque à portée de la gueule rugissante de l?Hermès.
- Aidez-nous !
- Promis ! Plus jamais nous ne laisserons de cambouis dans le...
Devlin ne put finir sa phrase ; une patte de dinosaure l?écrasa comme un insecte, répandant une flaque de sang sur le pont. Les étoiles se reflétaient dans cette mare noire. Fou de terreur, Emmerich fit un dernier effort musculaire. La langue paralysante de la créature lui transperça la jambe. S?égosillant, il fut ramené entre les mâchoires avides par ce diabolique tentacule vert.
L?Hermès mâcha, et des torrents de sang frais se répandirent aux alentours, dans un bruit d?éclaboussures écoeurant. Une main coupée, toujours engoncée dans un gant crasseux, retomba sur l?épaule de Craven qui sursauta.
En maniant le guidon, Reno prit le contrôle des mécanismes hydrauliques qui permettaient le déplacement de la lourde mitrailleuse. Il la dirigea droit sur le monstre, visa et appuya sur la gâchette avec un cri de joie.
Le canon déversa une fontaine de feu. La première rafale rata de peu la créature et se perdit dans l?acier du pont. Reno serra les dents, décrocha son bâton et l?utilisa pour maintenir la gâchette enfoncée. La mitrailleuse se mit à tirer en continu ; il tira sur le guidon et la seconde rafale alla frapper le flanc de l?Hermès.
L?effet fut dévastateur. La peau écailleuse du monstre se déchira, répandant du sang transparent. Quelques tentacules blancs, sectionnés, tombèrent à terre. L?abomination poussa un épouvantable rugissement et se débattit. Le feu nourri la fit reculer. Son flanc était en bouillie. Alors elle s?accroupit et bondit.
L?espace d?un instant, le firmament disparut au-dessus du Giger. Reno recula juste à temps ; l?Hermès retomba là où il se tenait quelques instants plus tôt. Le monstre prit la mitrailleuse dans sa gueule dégoulinante de sang noirâtre et la déchiqueta. Il recracha quelques fragments de métal.
Toutes les personnes réunies près de Reno s?enfuirent à leur tour. Carpenter ne fut pas assez rapide ; la créature l?avala tout rond.
Craven était horrifié. La chose allait digérer Carpenter vivant. Il parcourut des yeux les alentours. Jesus Franco nageait dans la mer invisible, en direction d?une falaise que l?on voyait à peine, pâle tache de craie dans l?encre de la nuit. Reno, Rude et Elena faisaient face à l?Hermès. Steven Spielberg et Peter Jackson s?étaient enfuis en direction des cabines. Roman Polanski, Jean-Pierre Jeunet et Tim Burton étaient debout, paralysés, à côté de lui. En comptant les Turks, ils avaient été trente. Neuf survivants. Et bientôt, ils flotteraient tous dans l?estomac de l?Hermès.
- Elena ! rugit Reno. Tu as des Matérias Rouges ?
- Non, mais j?ai ça.
Elle lança quelque chose et le monstre fut pris dans un tourbillon de feu. Il se recroquevilla en position foetale ; les flammes s?éteignirent.
- Quelque chose de plus puissant !
Deux hommes arrivèrent, portant des cartons dans leurs bras. Jackson s?arrêta et se retourna.
- Loncraine ! Robbins ! Où étiez-vous passés ?
- Nous sommes allés dans la seconde soute, capitaine !
- On a ramené du matériel !
La créature se releva. Ses flancs semblaient en ébullition.
- Qu?est-ce qu?il fait ? demanda Craven à Reno.
- Il se régénère ! Je ne vous l?avais pas dit ?
- Si on m'offre une occasion de tuer ces crétins de savants !
Sans prêter attention au gigantesque monstre, Loncraine et Robbins tirèrent des objets divers de leurs cartons. Plusieurs Matérias, un Mouchoir, trois Dents de Dragons et un drap blanc cassé. Ils commencèrent par agiter le linge qui s?évapora dans la nuit noire.
- C?est quoi ? fit Jeunet.
- Un Rideau Clair, répondit Robbins. Ca va nous protéger un moment... comme un champ magnétique.
L?Hermès donna un grand coup de queue à Polanski. Le membre s?arrêta un instant dans l?air, puis vint à bout de la résistance et envoya le marin contre une paroi de métal noir. Il retomba, inerte, la nuque brisée.
- Je vois, dit Craven.
- De la camelote, ajouta Jeunet.
- Mais non, au moins, sa famille n'aura pas besoin d'un plan pour le placer dans le cercueil.
Le monstre avança d?un pas et rugit.
- Elena, remue-toi ! s'exclama Reno.
- Que veux-tu que je fasse ? Ah si...
Elle arracha la chemise bariolée de Reno et la jeta droit dans la gueule du monstre qui l?avala sans se poser de question.
- Ca va encore nous faire gagner quelques secondes. J?ai mis une Grenade dans une poche.
Reno fouillait dans les cartons. Loncraine et Robbins avaient pris chacun une Dent de Dragon. Craven fouilla à son tour dans une boîte, tandis que la gueule de l?Hermès était secouée par une violente déflagration. Il trouva un tas de Mouchoirs, une troisième Dent de Dragon très endommagée et... une poignée de poudre. Elle étincelait dans la nuit noire.
Jeunet se précipita sur la poudre.
- C?est à moi, Wes ! Je l?ai gagnée au Battle Square?
- De la cocaïne ?
- De la Poussière d?Etoiles, ignare.
- Cette revue des mille objets que l?on peut trouver, avec un peu d?acharnement, dans notre merveilleux monde, est fort intéressante, Jean-Pierre. Je suggère néanmoins que nous nous occupions un peu de ce...
Craven désigna l?immense monstre, qui s?était remis de la Grenade dissimulée dans la chemise de Reno. La créature éventra d?un bon coup de griffe Tim Burton.
- Tiiiiiim !
Le marin cracha un flot de sang noirâtre qui se mêla à sa chevelure hirsute. Il retomba, face contre terre, dans sa vomissure. Ses viscères dégoulinantes se déroulaient autour de lui, à peine visibles dans les ténèbres. La chose poussa un nouveau rugissement et engloutit les restes de sa victime.
Craven et Jeunet se mirent à chercher dans les cartons avec encore plus d?empressement. Loncraine et Robbins utilisèrent leurs Dents de Dragons. L?Hermès fut soudain englouti par une bourrasque. L?électricité déchaînée frappait sa gueule avec une haine et une célérité folle. Il se débattit un instant dans les éclairs, redressa la tête. La tempête cessa. Les brûlures disparaissaient déjà .
Craven et Jeunet trouvèrent l?objet souhaité.
- Quelle chance !
Ils jetèrent l?accessoire à Reno qui avait enfin fixé les nouvelles Matérias à son bâton Garde de Princesse.
- Un Anneau Maudit ? fit Reno. Je n?en ai pas besoin !
Deux mâchoires titanesques se refermèrent sur lui. Le monstre déglutit. Elena hurla. Rude lui prit le bras.
- Il faut courir... et accomplir le plan de Reno à sa place !
Ils s?enfuirent ensemble à travers l?obscurité, dans la direction d?un escalier qui descendait en dessous du pont. Craven les suivit, alors que Loncraine et Robbins étaient pulvérisés en un jet de sang noir par un effroyable coup de pied du monstre. Leurs intestins, rouge sombre dans la nuit, se déroulèrent sur les peintures à l?aérographe d?H.R. Giger.
En se précipitant sur les marches qu?il ne voyait pas dans l?obscurité, Craven gémit.
- Jean-Pierre, es-tu là ?
- Ne te retourne pas, continue à courir.
- Il va nous poursuivre ?
- L?escalier est trop petit pour lui. Naturellement, en défonçant le métal... Mais je crois qu?il va d?abord traquer Franco, Spielberg et Jackson. Le premier fait de la natation, et les deux autres veulent s?enfermer dans leurs cabines.
- Ils sont fous, Jean-Pierre ?
- Nous avons tous trop peur pour raisonner convenablement, Wes. Puisque ces trois-là vont y passer... Nous ne sommes plus que quatre.
- Es-tu sûr qu?il va préférer... ?
Un râle inquiétant interrompit Craven.
- C?était Jesus Franco, dit Jeunet. Un de moins.
- Tu crois que Rude et Elena ont un plan ?
- Il y a quelques jours, c?étaient encore des Turks. Ils sont formés pour résister à la mort d?un collègue. Oui, ils ont probablement un plan. Je ne vois pas lequel...
- Que comptent-ils faire dans la salle des machines ? Et pourquoi dois-je les y suivre ?
- Peut-être qu'ils vont faire exploser les réacteurs Mako. Wes, ça détruirait le Giger et l?Hermès avec.
- Je ne veux pas mourir, Jean-Pierre !
- Moi non plus. Mais si nous sommes foutus... nous pouvons au moins sauver d'autres que nous.
La salle des machines, contrairement au pont, n?était pas plongée dans le noir total : Rude avait actionné un interrupteur et une ampoule jaunie répandait une faible lueur parmi les fils électriques et les tuyaux. Un gros cylindre et trois plus petits étaient regroupés au centre de la pièce. Ils laissaient filtrer une douce lumière bleue et sur leur surface métallique était peint « SHIN-RA Inc. ». Un gouffre s?ouvrait à droite de la grande pièce ; il laissait entrevoir une gigantesque masse d?appareils noirâtres et fumants. Craven se baissa pour éviter de cogner son crâne à une rangée de vannes immenses fixées à l'étendue de tuyaux qui dissimulait le plafond.
- Vous avez un plan, Rude ? dit Jeunet.
- Craven a toujours le nez bouché ?
La voix de Rude était sèche et dissimulait mal son chagrin.
- C?est une plaisanterie ?
- Pour créer le virus, Hojo a fait muter un spécimen de rhume, fit Rude. Pour obtenir une transformation de la souche, il l?a exposée à de l?Energie Mako presque pure.
- Ah, vous voulez... ?
Sans un mot, Rude tendit un Mouchoir à Craven.
Dans un silence respectueux, Craven prit une grande inspiration et se vida le nez. Il tendit le Mouchoir gluant à Rude.
Religieusement, Elena ouvrit une valve du grand réacteur Mako et son collègue y déposa le Mouchoir. Il regarda sa précieuse montre où brillaient toujours des Matérias. Après deux minutes, il sortit "l'arme".
- Voilà .
- Bravo, Rude, fit Elena.
- ...
- C?était bien joué, Rude, renchérit Jeunet.
- ...
- Nous sommes sauvés, fit Craven.
- ...
- Mais maintenant, reprit Jeunet, nous devrions aller à la rencontre de l?Hermès, non ?
Rude daigna enfin parler.
- Non.
- Non ?
- Non. Il faut l?attendre ici.
- Mais il va dévorer Jackson et Spielberg ! protesta Craven.
- Pourquoi croyez-vous que ce monstre n?est pas encore ici ? dit Rude, sarcastique.
- Alors, pourquoi l?attendre ?
- ...
Des pas se firent soudain entendre. Terrible brouhaha ; l?acier et le titane étaient froissés et déchirés par les muscles invraisemblables de la créature. Enfin, dans la lumière vacillante de l?ampoule, apparut la gueule abominable.
Rude avança, ouvrit le sachet de plastique et le jeta vers les mâchoires de la chose. Il fut harponné par la langue-tentacule et ramené dans les profondeurs de la gorge. L?Hermès poussa un grognement et avança encore ; il était presque sur eux.
- Rude, ça ne marche pas !
- ...
L?homme chauve se tourna vers le réacteur Mako principal et commença à examiner les commandes. Craven comprit qu?il projetait de se sacrifier avec eux pour éliminer l?abomination.
Soudain, le monstre bondit, se redressant de vingt mètres, heurtant la tuyauterie qui courait au plafond de la salle des machines. Un jet de vapeur roussit ses écailles argentées, mais il ne lui prêta pas attention, il n?avait d?yeux que pour ses futures victimes, qu?il allait éventrer, éviscérer, démembrer, décapiter, réduire en bouillie... Il voulait éliminer lui-même ses derniers ennemis, ridicules petites choses qui pensaient pouvoir l?arrêter, et se repaître de leurs entrailles. Il retomba et ouvrit grand sa vaste gueule ; à l?intérieur, un gouffre, un véritable précipice, dégageant une haleine chaude, épicée, qui s?introduisait dans leurs narines, sur le point de les faire vomir.
D?épais filets de bave se mirent à dégouliner, noyant les crocs. La gueule les surplombait, laissant chuter sur eux des flots neigeux. L?abomination s?était immobilisée. Elle s?effondra sur le flanc, sa queue se souleva une dernière fois, puis retomba, marquant sa défaite. Le grondement s?éteignit dans ses entrailles humides. L?Hermès était vaincu.
- Il est mort ! dit Craven. Rude, tu l?as eu !
- ...
- C?est grâce à ton rhume, Wes, fit remarquer Jeunet.
- Il est encore vivant, fit finalement Rude. Son incroyable capacité de régénération le maintient au bord du gouffre, entre la vie et la mort. A présent, toutes ses cellules recherchent la clé qui leur permettra de sortir de cette inertie. Elles la trouveront, probablement dans l?ADN humain, en créant un système immunitaire semblable au nôtre, puis en le renforçant. Alors, l?Anti-Mercure n?aura plus d?effet, et l?Hermès se relèvera, plus fort que jamais.
- Mais comment s?en sortir ?
- Pour pallier à une possible explosion des réacteurs Mako, cette pièce est doublée de mithril, seul matériau capable de résister à une telle déflagration. Nous allons provoquer une réaction en chaîne qui déclenchera cette explosion. Enfermé dans une pièce étanche à l?explosion, l?Hermès sera le seul à être détruit, avec les machines. Le Giger sera intact, et nous pourrons encore nous en servir.
Le flanc écailleux, hérissé de tentacules, se mit à remuer. Il se fendit et Reno en sortit, vêtu d?un simple slip blanc, recouvert de liquides infâmes, mais arborant un grand sourire.
Ils hurlèrent son nom.
- Merci d?avoir dégommé ce monstre, dit Reno. Il m?a gobé tout rond, voulant me digérer vivant, comme Carpenter ou Columbus. Dès ma chute dans son estomac, j?ai senti des brûlures.
- Comment... ?
- Heureusement, j?avais trouvé la Matéria Restaurer en niveau ultime dans le matériel de Loncraine et Robbins. J?ai lancé Regen sur moi-même : ses acides stomacaux ont bien faillit l?emporter, mais heureusement, le sortilège me régénérait en permanence. J?aurais aimé faire profiter les autres occupants de son ventre du sort, mais il était trop tard.
- Et ton slip ? fit Elena.
- Je l?avais dit à Rude : les slips du Secteur 5, c?est de la qualité !
- ...
- Allez, arrête de te taire. Nous ne sommes plus chez les Turks.
Rude resta encore quelques instants sur sa défensive, avant de sourire.
- Je préfère les caleçons.
- Chacun ses goûts, reprit Reno. Et comment avez-vous vaincu ce monstre ?
- Rude a fabriqué un Anti-Mercure avec le gros réacteur Mako et les végétations de mes narines, dit Craven.
Elena tirait tranquillement leviers et manettes autour des réacteurs. Elle se frotta les mains.
- C?est fini ! Cette salle sera victime d?une explosion Mako dans cinq minutes !
- L?Hermès ne risque pas de survivre ? s?informa Craven.
- Même Sephiroth, dans le réacteur du Mont Nibel, n?a pas survécu à une explosion Mako. Sais-tu ce que ça veut dire ? Toute l?Energie Vitale de chaque particule est sublimée pour devenir une masse de désintégration. Un levier de physique quantique. Cette saloperie sera pulvérisée.
Craven et Jeunet regardèrent, sans la moindre sympathie, l?immense corps qui reposait, dans le coma, à l?entrée de la salle des machines. Ils se dirigèrent vers la sortie en même temps que Rude, Elena et Reno, qui portait toujours son slip blanc.
- Et il ne pourra pas s?échapper ?
Elena referma les portes blindées.
- S?il franchissait ces portes, il y arriverait... Mais elles sont non seulement doublées de titanes et d?acier (on sait que cette créature peut les déchirer), mais aussi de mithril et de plomb. Seule la salle des machines explosera, et le monstre avec.
Ils sortirent sur le pont. Le ciel nocturne était plus beau que jamais, dans l?obscurité complète.
Craven bâilla.
- Que vas-tu faire, maintenant, Reno ?
- J?aime la nature. Il faudrait que je songe à retrouver ce groupe d?écologistes... Je ne les appréciais guère mais en fin de compte, c?était eux qui avaient raison.
- Tu veux que nous rejoignions AVALANCHE ? lui demanda Elena, incrédule.
- Pourquoi pas ? Shinra Inc. n?existe plus. Il va bien falloir des gens pour reformer des gouvernements et détruire les réacteurs Mako restants dans le monde...
Un rugissement les fit sursauter.
- L?Hermès s?est réveillé plus tôt que prévu, constata Rude avec nonchalance.
Bruit d?explosion étouffé.
Jeunet et Craven eurent un sourire cruel. Reno frissonna.
- Etre en slip, dehors, la nuit... C?est un coup à attraper un rhume.
- J?apprécie beaucoup les rhumes, maintenant, rétorqua Craven. Je vous suggère à tous d?attraper de bons gros rhumes et de garder votre nez bouché.
- Va t?habiller, Reno, lui conseilla Elena. Nous avons une dernière chose à faire avant d?aller nous coucher.
- Tu penses aux oeufs de la grande soute ? dit Reno. Oui, je crois qu?après que je les aie brûlés... l?Hermès a pondu à nouveau.
- On ne connaît jamais vraiment la vie, conclut Craven. Qui parlerait assez des plaisirs simples procurés par l?air frais de la nuit, le parfum de la mer...
Il se dirigea vers l?escalier qui menait à la grande soute.
- ... Et par-dessus tout, l?appétissant fumet d?une bonne omelette.
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Dernière édition par Raphychou le 09 Juin 2005, 22:58, édité 1 fois.
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