Le numérique et l'éducation, c'est un sacré souci, et une infime portion d'un problème plus vaste, qui nous englobe en tant qu'espèce : allons-nous nous résigner à devenir des êtres mentalement "partiels", complétés par des béquilles technologiques même au niveau cérébral ? Car la mémoire à long terme, face à l'outil numérique, perd tout son intérêt... Et si de telles évolutions peuvent se produire chez l'homme adulte (
le cerveau est plus plastique qu'on ne le pense, ce n'est pas un matériau inaltérable !), que dire des changements que nous allons subir en tant qu'espèce ?
On pourrait répondre "
Nous avons toujours été des cyborgs, nous avons toujours reposé sur des béquilles technologiques". Attelles, béquilles, lunettes sont des instruments très anciens, nos vêtements, nos livres aussi, tout ce qui nous entoure, nos outils et gadgets... Toute la facette matérielle de la civilisation humaine est là pour
compléter l'humain, pour lui permettre d'aller plus loin. La transmission orale a ses limites, et tablettes, rouleaux, livres sont autant de prothèses pour notre matière grise.
On pourrait aussi répondre "
L'ordinateur stimule autant qu'il atrophie". L'humain moderne fait face à une quantité prodigieuse d'informations et apprend tant bien que mal à les trier, à les cataloguer, à les réutiliser. Léonard de Vinci aurait-il été aussi productif s'il avait disposé d'un PC chez lui ? Aurait-il même su gérer cet afflux de données ? Notre adaptabilité est mise à l'épreuve, stimulée, poussée dans ses retranchements, et notre capacité de concentration, à long terme, s'en trouvera certainement décuplée.
Alors, le numérique et l'humain, à oublier ? Plutôt à contrôler, à maîtriser. Et si l'on en revient à la question de l'éducation, elle est primordiale dans notre rapport à l'information. C'est cette instruction qui va apprendre à l'individu comment gérer l'information, comment fournir aux choses un contexte, les relativiser, exercer son esprit critique. Il ne faut pas apprendre à l'enfant à ignorer Wikipédie, mais à en connaître les limites.
P.S. : Ah, Roberto Casati, un homme selon mon cœur ! (C'est bien
celui du CNRS ?)