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Voici des milliers d'années que Granas, le Dieu de la Lumière, a disloqué de sa puissante épée le ténébreux Valmar ; du même coup, il a fracturé le monde. Depuis, la bonté et la puissance de Granas sont partout célébrés.
Mais le peuple isolé des Yappash, proche du lieu du combat, sait depuis des lustres que la Lumière et les Ténèbres ne sont pas liées au mal ou au bien, que ce ne sont que des forces de la nature, semblables au vent, au feu.
Et quand les fragments de Valmar s'éveillent, puis parasitent les gens, nul ne peut prédire de quel côté les hôtes des Ténèbres se rangeront...
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Comment ça, cette image ne semble avoir aucun rapport avec l'introduction que je viens de vous fournir ? Mais si, mais si... c'est même le coeur du propos, ce bon petit trio ![/center]
"Grandia 2" a été parfois critiqué pour un scénario ultra-stéréotypé. C'est pourtant la brillante illustration d'un principe limpide voulant que les idées comptent moins que le traitement qui leur est accordé...
Si ce RPG compte des donjons parmi les plus ennuyeux de l'histoire du jeu vidéo, malgré leur ingéniosité (à tel point que l'on se demande par quel maléfice des dédales si bien conçus peuvent se révéler d'une pareille monotonie), il les agrémente de batailles flamboyantes. Oui, le système de combat est magnifiquement bien conçu, demandant une relative stratégie pour que l'issue soit rapide et positive, faisant la part belle aux techniques spéciales et aux sortilèges, et une progression bien gérée rend l'idée de terrasser des troupeaux de démons pour gagner en puissance proprement obsolète... on ne trouve donc pas ici de
levelling, pourtant étape quasi-obligatoire depuis la préhistoire du RPG, genre robotisé que je ne maudirai jamais assez.
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Tout le monde court partout, crie ses émotions et enchaîne les coups. Ca, c'est de la baston ![/center]
Le jeu nous mène sur les pas de Ryudo, jeune mercenaire "Geohound" pour le moins rustaud qui se trouve chargé d'une mission de protection d'une prêtresse naïve, et c'est là que les difficultés commencent véritablement. Les graphismes simples et fluides, déjà surannés lors de la sortie du jeu, ne sont pas un obstacle ; non, le problème, c'est le cynisme constant de Ryudo, qui entraîne une lassitude égale chez le public habitué aux gros durs au grand coeur, et les bons sentiments de la vestale Elena. Ce duo contrasté, que l'on pressent devoir supporter jusqu'à la fin de l'aventure, se voit rapidement agrémenté de la compagnie d'un gamin insupportable, d'un lion anthropoïde à la culture tribale et de quelques autres clichés repêchés au fond du tiroir, aucun d'entre eux ne nous offrant jamais la plus petite surprise dans le traitement de son archétype personnel : jusqu'au bout, ils restent dans leur "rôle", sans la moindre nuance, sans un soupçon de recul... ardu à accepter.
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Le jeu se revêt de bien maigres atours ; en dépit de cet aspect déjà dépassé à l'époque de sa sortie, un grand soin a visiblement été accordé à la conception des décors.[/center]
Et pourtant, au final, c'est bien là le coeur du jeu, la fine équipe et ses bons sentiments, et l'évolution de Ryudo vers une meilleure démarche. "Grandia 2", en fait, joue sur la corde raide, et par quelque miracle, parvient à l'équilibre, au juste milieu entre les différentes tendances. La relation conflictuelle d'Elena et de Ryudo vient être épicée par l'intervention de Millenia, elle-même en butte à la tragédie des évènements qui vient fort bien contrebalancer son côté déjanté, la candeur caricaturale de l'enfant Roan (donnant envie, dès les premières heures, de lui faire manger une bonne assiette de verre pilé) surnage péniblement dans les sarcasmes du Geohound et de son oiseau, etc, etc...
Ce traitement franc et très premier degré des personnages trouve son écho dans la manière dont l'histoire est contée, sombrant dans les extrêmes dès qu'il en est besoin. Quand un endroit doit être paradisiaque, il se retrouve littéralement envahi par les fleurs et les rayons de soleil. Quand un autre doit être effroyable, on se retrouve dans des environnements cauchemardesques, absurdes, qui renvoient autant à Bacon qu'à Giger. Le tout est unifié par une conception graphique que, personnellement, je n'apprécie guère, mais dont je ne peux nier les réussites dans l'harmonie baroque.
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La possession d'Elena par les Ailes de Valmar, ou celle par qui le malheur arrive.[/center]
Bref, une expérience très agréable que je ne saurais trop vous conseiller. Je ne pense pas aborder à nouveau de RPG avant longtemps, la formule des villages/donjons me reste de plus en plus en travers de la gorge. Je suis las de la mécanisation de la violence et de la rigidification d'une histoire en étapes obligatoires pour "étoffer" et "allonger" un jeu. "Grandia 2" est génial, mais je l'ai fini en cinquante heures et il serait tout aussi bon si on pouvait l'achever en vingt heures. Je peux en dire autant de la quasi-totalité des "Final Fantasy" et d'une tonne de RPGs. J'en ai assez de cette répétitivité ; généralement, quand on doit "travailler à la chaîne", on fait ça en usine et on est payé pour ça. Quitte à décimer bêtement des milliards de tonne de viande trop agressive, autant faire ça dans "World of Warcraft" pour revendre des personnages après... chose que je ne ferai jamais, mais qui sera moins vaine et moins absurde qu'aucun parcours de RPG.
Je sais que cette conclusion détonne par rapport au propos général, à l'éloge que je fais de "Grandia 2". Qu'on ne s'y trompe pas : j'aime
grandement cette aventure. Qu'on ne se laisse pas non plus dissuader par ma répugnance grandissante vis-à -vis des RPGs, seule responsable d'un tel paragraphe.
Si vous devez ne retenir qu'une seule chose de cet article, que ce soit
cette image. Oui, revoyez-la encore. Elle reflète tout le bien que je pense de "Grandia 2", et tout ce qui m'y plaît, tout ce que j'y ai aimé. Adieu, Elena, adieu, Millenia. Magnifiques personnages...
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Les jaquettes des versions Dreamcast et Playstation expriment très bien les deux facettes d'une oeuvre où guimauve et horreur se mêlent.[/center]