Pour faire une parenthèse sur la capacité des magistrats (et plus largement de tout preneur de décision à laquelle il est assimilé), le manque criant de remise en cause me paraît être une illustration magistrale et malheureuse de la théorie de l'engagement (Kinsey, 1971)
Pour tous ceux qui auraient manqué ce merveilleux et lumineux et facile-à -lire livre, je vous encourage à jeter un oeil à "Traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens" de Beauvois et Joule. Il s'agit de psychologie sociale, d'une étude approfondie de la théorie de l'engagement, de voir ses différentes situations d'expression et variantes. Ou comment le fait qu'un vendeur vous touche à l'épaule augmente de 80% les chances que vous achetiez sa camelote...
Dans le cas qui nous intéresse, la théorie de l'engagement explique qu'une personne a systématiquement et naturellement tendance à s'associer et s'identifier à ses actes, du moment qu'elle est persuadée de l'avoir accompli "en liberté" (sachant que dans le cadre expérimental, la liberté ressentie et la liberté réelle, ce n'est pas pareil

)...
Que dire ? En fait les magistrats (mais ils ne sont pas les seuls) se sont auto- manipulés :
1°) ils se pensent en contexte de liberté
2°) la procédure démarre, début de l'engagement (qui a pour propriété de toujours "engager" à aller plus loin dans la direction en question)
3°) c'est le "doigt dans l'engrenage", en d'autre terme, l'engagement est augmenté de plus en plus du fait de l'emballement de la machine judiciaire, l'emballement nourrit l'emballement, l'engagement nourrit l'engagement...
4°) le renforcement négatif : quand une personne déjà engagée est confrontée à une argumentation radicalement contraire à la conviction à laquelle elle s'est associée par engagement (vous suivez toujours ? j'ai l'impression de ne pas être super claire aujourd'hui), eh bien si l'argumentation contraire est considérée comme "nulle" (personne en face pas crédible, attitude de l'autre qui est caricaturale), alors l'engagement est renforcé, jusqu'à la limite du militantisme / de l'intégrisme / du fanatisme... Dans le cas présent, je suppute que le fait que les accusés d'outreau aient été d'office considérés comme "ennemi" a fait que leur défense aura fonctionné en renforcement négatif
Alors maintenant pour revenir à la question de la confiance dans le système judiciaire... Perso, j'ai du mal à avoir précisément confiance en quelqu'un qui n'est pas capable de voir qu'il s'enfonce dans un engagement néfaste à sa lucidité et à son équité...
Conclusion ? Il faut intégrer la théorie de l'engagement au cursus des études de tous les postes à responsabilité (publics ou privés)
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...! Avec un peu de chance, il y aura au moins du progrès au niveau de la possibilité de remise en cause d'une décision en comprenant la différence entre remise en cause de la décision et de la personne...
(bon, je nage en pleine utopie là

... ça fait du bien de rêver un peu..
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)