Quelque peu choqué par la vision du long métrage voici déjà un certain temps (un mois, peut-être ?), je me suis accordé une nouvelle plongée dans les romans. A la lumière d'une énième relecture du quatrième volume de "Harry Potter", le doute n'est plus permis : le principal problème n'est pas la simplification outrageante de l'intrigue, à un point tel que Barty Croupton se mue en élément superfétatoire, ni cette mise en scène qui empêche toute implication émotionnelle d'envergure, mais bel et bien l'idéologie.
"Harry Potter et la Coupe de Feu" est un ouvrage charriant une multitude de valeurs humanistes que l'adaptation cinématographique bat en brèche. Dans le roman, lors de l'arrestation de Barty Croupton Junior, celui-ci hurle son innocence et son désespoir à un père qui ne l'écoute pas, ce qui est une attitude assez réaliste et qui, en outre, nous convainct presque qu'il était là par hasard (je me souviens qu'à ma première lecture, je le pensais innocent). Le film, au contraire, nous le présente matois, agressif, cruel, se réjouissant de son arrestation et de la peine qu'il fait à son géniteur. La première tâche du Tournoi des Trois Sorciers nous permettait de voir quatre dragons femelles défendant leur progéniture (dans ce monde, au passage, ces créatures sont une espèce protégée) : l'oeuf d'or doit être attrapé au milieu d'un tas de vrais oeufs de ces bêtes, et on perd des points si l'on en abîme certains. Dans le long métrage, non seulement les nids des dragons n'existent pas, mais on applaudit Harry pour avoir entraîné le Magyar à Pointes à détruire une partie de la toiture du château et avoir entraîné l'adversaire vers sa perte ! L'oeuvre originelle nous montre, lors de la seconde tâche du Tournoi, des sirènes sagaces avec nombre d'éléments indiquant qu'elles possèdent une culture et un langage propre. L'adaptation cinématographique transforme les êtres de l'eau en ignobles croquemitaines. Tout est à l'avenant.
Non seulement les thématiques idéalistes du livre, tout à l'honneur de Rowling, sont rayées de la carte dans ce film douloureusement hollywoodien, mais le soin qu'elle apporte à la forme, dans la découverte du monde, disparaît au profit d'une narration expéditive de fort mauvais aloi. Le concept des "traces de sortilèges", vestiges de fumée grise qu'un processus magique bien placé permet de faire sortir des baguettes, était à l'origine exposé, comme bien d'autres choses, durant la Coupe du Monde de Quidditch (dans le quatrième ouvrage, ces chapitres sont bien loin de constituer un prologue superflu aux évènements), quand il était révélé que c'était la baguette magique de Harry Potter qui avait fait apparaître la Marque des Ténèbres. Dans le film, les "traces de sortilèges" ne sont montrées que lors d'un passage particulièrement surchargé, la confrontation avec Lord Voldemort ; comment s'étonner, alors, qu'elles n'engendrent que la confusion et la stupéfaction ? De même, la communication par cheminée interposée, élément inutile qui trouble le spectateur, et empêche de se concentrer sur les paroles de Sirius Black, était dans le livre introduite par une autre conversation bien plus banale entre deux protagonistes eux aussi moins importants, juste après la Coupe du Monde de Quidditch. Il aurait mieux fallu supprimer l'artifice de la cheminée dans le scénario plutôt que de l'imposer, car il devient nuisible, comme bien d'autres choses, d'ailleurs.
Le film échoue en tant qu'oeuvre-message et en tant que synthèse de l'extraordinairement complexe intrigue du livre.
_________________
|