Voltaire nous présente ici le fanatisme d'un point de vue "pratique" dirais-je, il s'intéresse principalement aux applications et conséquences du fanatisme : l'utilisation d'une foi exaltée en quelque chose pour excuser tout comportement, l'ultime mise en pratique de l'adage qui veut que la fin justifie les moyens.
Je pense que le fanatisme révèle deux traits de la nature humaine particulièrement intéressant à étudier : la crainte de la liberté et l'engagement absolu.
Sartre, dans sa pièce Les Mouches, traite magnifiquement un sujet de réflexion éternel : l'Homme qui est libre et qui a peur de ce qui accompagne cette liberté : la responsabilité. Il est tellement plus confortable de trouver quelqu'un, ou quelque chose, qui assumera les responsabilités afférentes à la liberté et nous débarassera de cette dernière, fort encombrante ! D'où le choix que font tant de nos concitoyens - comme le fait remarquer Zohar, ce qui se dit ici est applicable à notre époque - de sacrifier des libertés individuelles contre la sécurité et la prospérité promises par quelque démagogue complexé sur sa taille... mais je m'égare.
Cette crainte de la liberté et de la responsabilité qui est indissociable d'elle, bien des hommes tentent de la fuir par des moyens très diverses : le militaire - ou individu inséré dans une hiérarchie comparable - qui se réfugie dans l'obéissance aveugle aux ordres est un exemple qui a été d'innombrables fois mis en scène... Mais le fanatisme en est un autre, où on remplace simplement le gradé par l'objet du fanatisme. Le fanatisme étant souvent de nature religieuse, l'effet est encore meilleur, car on a alors trouvé quelque chose de plus grand que soi pour assumer les responsabilités ; le gradé, après tout, est un homme comme soi : il peut donc décevoir... Le fanatique ne sera jamais déçu par Dieu, si quelque chose ne va pas, c'est le fanatique qui aura déçu Dieu, d'où repentance et tentative de rachat par un fanatisme accrue... Le cercle vicieux est en place, le mécanisme en branle.
Mais une autre lecture intéressante à faire du fanatisme est celle de la capacité des hommes à s'engager de manière totale et absolue dans une chose, au détriment de toute autre, intimement liée à ce que l'on considère communément comme un des aspects les plus nobles de la nature humaine : l'aptitude à avoir des idéaux.
Un idéal, qu'est-ce, sinon une croyance ? Une croyance en quelque chose - pas nécessairement de religieux - qui va revêtir une importance primordialepour ceux qui se sentent inspirés par cet idéal, qui sera placé au-dessus de tout.
Et c'est là que se noue un paradoxe plutôt ennuyeux : nous considérons qu'il est très noble de mourir pour des idées, que se sacrifier représente l'ultime forme de dévouement envers un but plus grand que soi, que sa propre vie... Mais ensuite, nous taxons de terroristes des gens qui précisemment donnent leur vie pour ce en quoi ils croient.
Comprenons-nous bien, je ne fais pas l'apologie des attentats comme ceux du 11 septembre, Madrid ou Londres plus récemment. Je pointe simplement du doigt ce paradoxe : nous admirons, au point de leur élever des statuts, de donner leur nom à nos rues, des gens de notre Histoire qui ont donné leur vie - et dans certains cas ont entraîné avec eux bien d'autres personnes - pour des idéaux que nous partageons, ou du moins pouvons comprendre, et ensuite nous proclamons une guerre (sainte ?) contre le Mal, représenté par des gens qui ont précisemment fait exactement la même chose : se sacrifier en pensant ainsi défendre ce en quoi ils croient.
La conclusion ? A chacun la sienne, la mienne est que nous ne pouvons en aucun cas condamner un fanatique pour le choix de ses fins, mais plutôt pour le choix de ses moyens. Je suis bien plus choqué en pensant aux milliers de civils tués par les attentats islamistes que par l'idée qu'ils ont fait ça en croyant ainsi servir Dieu, après tout le précédent Pape pensait aller dans le sens des enseignements de Dieu en interdisant le préservatif tandis que le SIDA tue des millions d'Africains...
_________________ Il est facile de distinguer les jours où je suis de bonne humeur de ceux où je suis de mauvaise humeur : les premiers, je me définis comme obscurantiste et professe que l'Humanité a désespérément besoin d'être ramenée au niveau technologique d'il y a trois siècles ; les autres, je me définis comme nihiliste et professe que le meilleur avenir auquel l'Humanité puisse aspirer, c'est une extinction sans douleur.
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