9. Quatre moins une.
Draco ouvrit prudemment la porte lorsque le commissaire ? il savait pertinemment que c?était lui ? toqua par trois fois. Il avait raccroché seulement depuis quelques secondes, alors que DragonNoir parlait. De toute façon, avait songé Draco en appuyant sur le bouton pour couper la communication, DragonNoir parle tout le temps.
Il découvrit un vieil homme au faciès creusé par le temps et les multiples soucis engendrés par les enquêtes consécutives. Il estima son âge à cinquante ans. Et il était dans le vrai, à quelques années près.
Plus jeune que mon père ? songea-t-il en détaillant le commissaire qui souriait devant lui.
Ses deux parents étaient en retrait et surveillaient la scène d?un air circonspect, vigilant même, en ce qui concernait la mère. Elle examinait tout ce qui se passait avec une attention prudente, suspicieuse quant aux réelles motivations de Serge Thourn. Elle aussi était dans le vrai, bien que le commissaire ne veuille aucun mal à Draco.
Seulement à son frère.
« Salut bonhomme? » dit-il en rentrant dans la chambre dont la couleur dominante était un bleu azuré de toute beauté. Il commit là sa première erreur : Tenter d?amadouer Draco par une sortie amicale. Draco le jaugea de toute sa condescendance habituelle, qu?il réservait à ceux qu?il méprisait cordialement, et le dévisagea sans sourciller.
« Vous êtes qui ? demanda-t-il sans amabilité.
-Je suis le commissaire Serge Thourn, et je voudrais avoir quelques renseignements sur ton frère, au cas où tu saches quelque chose. Peux-tu me dire où se trouve ton frère, en ce moment ?
-J?en sais rien. » La grossièreté de Draco faisait mouche, et Serge grinça des dents. Draco s?assit à son bureau et commença à taper sur son clavier. Le commissaire examina rapidement la pièce : Chambre classique d?un adolescent de dix-huit ans, avec quelques posters japonais, des armes en décorations ?
beaucoup d?armes blanches, constata-t-il ? une chaîne Hi-fi, un ordinateur, quelques consoles et énormément de bordel.
« Tes parents m?ont dit que tu pouvais me renseigner sur les forums dont ton frère faisait partie. Tu y postes, toi aussi ?
-Non, répondit sèchement Draco sans même cesser de naviguer sur Internet.
-Pourquoi ?
-J?ai plus le temps. C?est l?année du bac, il faut que je travaille. »
Serge songea intérieurement que ce gosse allait être plus difficile à manipuler que ses deux parents réunis. Il retrouva vaguement une ressemblance avec ce qu?il avait pu entrapercevoir de François.
« Bien entendu, approuva Thourn en s?asseyant sur le lit, près du bureau où trônait l?ordinateur. Tu peux tout de même m?accorder cinq minutes de ton précieux temps pour me parler de ces forums, rapidement ? »
Draco, les yeux fixés sur son moniteur, ne répondit pas. Ses deux parents se regardèrent, sur le pas de la porte, et haussèrent les épaules. Serge attendit, patiemment, jouant parfaitement son rôle de gentil policier, alors qu?intérieurement il bouillait d?envie de plaquer Draco sur son clavier pour lui enfoncer les touches dans la joue.
« Alors juste deux minutes ? »
Sourire appuyé. Draco céda et se tourna vers lui, faisant reculer Serge. Un instant, juste un, il avait cru voir le démon d?Autrefois.
« Vous voulez savoir quoi exactement ? demanda Draco, tout en connaissant exactement la réponse. Oui, lui et moi sommes sur des forums. Oui, nous y avons rencontrés du monde, mais nous ne savons ni qui ils sont réellement, ni où ils habitent exactement. Nous ne connaissons que leurs pseudos, leurs noms fictifs, et nous ne savons que ce qu?ils veulent bien nous dévoiler, en considérant le fait qu?ils peuvent nous mentir. Nous avons fait plusieurs rencontres en vrai, mais je serais bien incapable de vous citer un prénom. D?autres détails ? »
Serge Thourn fixa Draco, et Draco soutint son regard. Le commissaire sortit son calepin et demanda à Draco les différentes adresses des forums pour qu?il aille y faire un tour histoire de voir l?ambiance qui s?en dégage. Draco réfléchit à toute vitesse, puis donna des adresses de vieux forums morts et d?autres où François ne postait plus.
« Mais il se peut que certains aient été fermés, depuis, l?informa Draco.
-Je verrais bien, remercia Thourn. Tu es sûr que tu ne peux pas me dire s?il y a eu une réunion spéciale dernièrement ? Quelque chose qui aurait motivé ton frère à partir ?
-Je peux vous poser une question en retour ? répondit Draco en se relevant. Pourquoi êtes-vous tant intéressé par mon frère ? » Serge ne moufta pas.
« Au revoir, commissaire. Pas la peine de vous raccompagner à la porte, vous la voyez d?ici, non ? » Draco, sans attendre, retourna à son clavier et à sa souris. Les cliquetis reprirent de plus belle. Thourn regarda la jeune homme assit devant lui, une furieuse envie de serrer son petit cou d?arrogant, puis sortit de la chambre. La mère de Draco laissa son mari le reconduire, préférant rester avec son deuxième fils.
« Je vous remercie, dit Thourn, maussade. Vous n?hésiterez pas à m?appeler, n?est-ce pas, si jamais il rentrait ici ? » Serge savait parfaitement que ni le père, ni la mère ni même le frère ne lui passerai de coup de téléphone, mais quitte à jouer le rôle de l?ami qui en recherche un autre, autant le jouer jusqu?au bout.
« Aucun problème, répondit le père en réajustant ses lunettes de vue. Au fait, vous avez parlé tout à l?heure de réunion spéciale, n?est-ce pas ? »
Le commissaire s?arrêta et se retourna.
« Oui ? Vous avez un renseignement qui vous est revenu en mémoire ?
-Et bien, je ne suis pas sûr, mais? » Il hésita. « Il me semble qu?il sont partit, il y a quelques mois de ça, à un enterrement. Et je crois que c?était quelqu?un qui était dans ces forums, comme eux. Mais je ne sais rien de plus, je n?ai entendu que vaguement leurs conversations.
-Quand ? Où ? dit Serge, soudainement excité.
-Il me semble que c?était en octobre dernier. Ou en novembre, plutôt. Oui, mi-novembre, il me semble. À Nantes. Il s?agissait d?une jeune fille, à ce dont je me souviens, mais je n?en sais pas plus. »
Thourn nota fébrilement toutes ces informations, puis remercia chaudement le père. Par deux fois, il l?avait aidé, inconsciemment. Maintenant, il avait un endroit où aller :
Nantes.
Une fois sur place, il aviserait.
*
* *
De l?étage, la tête prudemment penchée par la fenêtre, Draco regarda Serge partir. Puis il retourna à son bureau, et alluma ses enceintes. Il régla le volume d?une main, tandis que l?autre naviguait de fenêtre en fenêtre pour terminer sur une conversation Msn.
« Tu as tout entendu ? » demanda Draco à voix haute.
Aucun problème, écrivit DragonNoir de son ordinateur personnel, chez lui.
Tu t?es magnifiquement débrouillé, grâce te soit rendue.
« Je pense qu?il va farfouiller un peu du coté des adresses bidons que je lui ai filé, puis il ira voir ailleurs. En tout cas, peu de chance pour qu?il nous retombe sur le dos. »
Espérons, espérons.
À vrai dire, il serait malvenu qu?il se mette à contrecarrer nos plans, surtout que nous n?avons toujours pas de nouvelles de l?équipe envoyée chez les tueurs en série.
J?espère que les systèmes de morts instantanées font fonctionner.
vont*
« Je l?espère aussi. Je vais aller voir mon père. Il a parlé avec lui avant de le congédier, et j?espère qu?il n?a pas encore fait une bourde comme tout à l?heure ! »
XD
Je te laisse aussi, je dois préparer le prochain voyage.
« Qui va partir, et où ? »
Surprise, surprise?
« Bon, je coupe. Tchao. »
À la prochaine.
Draco coupa la conversation et plongea un instant dans ses pensées. Il avait une envie folle de fouiller les affaires de son frère à la recherche de renseignements sur ce Thourn, mais sa morale lui interdisait.
Il était sûr d?avoir déjà entendu Mr.Magnum parler de lui.
*
* *
« Ah, que voilà de charmantes apparitions? Et exactement au moment où j?avais besoin d?elles. Vous arrivez à point nommé. »
Hilde se rappelait les légendes qui couraient sur ce tueur d?enfants et aux cultes qu?il vouait à Satan et autres démons. De nombreux faits avaient certainement été inventés pour donner une image encore pire de ce meurtrier. Elle se souvenait en avoir longuement discuté avec Squall dans la réalité, ce qui lui semblait des années auparavant.
« Avant ma mort, j?ai de nombreuses fois tenté de rentrer en contact avec des entités démoniaques, mais sans succès. Mais au moment de mon décès, donnée par un peuple que je chérissais de tout mon possible, mon v?u s?est enfin réalisé. En guise de châtiment, ils m?ont en réalité récompensé. Paix à leurs âmes torturées.
-Pourquoi faut-il toujours que les méchants retracent leur vie avant de tuer les gentils ? » grommela Radamenthe suffisamment bas pour que Gilles de Rais ne l?entende pas.
Ce dernier déambulait de cierge en cierge, allumant consciencieusement ceux dont la flamme avait été soufflée par l?arrivée impromptue des quatre Trauméniens. Soudainement, il parut réfléchir à la situation, et se redressa vers eux en arborant un rictus effrayant de malveillance et de cupidité.
« Maintenant que je suis mort, je peux enfin accomplir ma destinée. »
Il écarta les bras et tous les cierges s?allumèrent en même temps. Les flammes montèrent si loin qu?elles léchèrent les nombreuses poutres qui traversaient le donjon en hauteur. Le Ionisateur Fou s?accrocha à Gorgon_Roo, mettant sa précieuse calculette à l?abri des flammes, lorsqu?une bougie plus proche de lui que les autres s'embrasa complètement, ne laissant qu?une flaque de cire fondue quelques secondes après.
« Et grâce à vous quatre, je vais enfin pouvoir entrer en relation avec ces divinités ténébreuses. Il est tellement rare que ces mécréants, ces tueurs de bas étages, laissent passer des enfants jusqu?à moi, mais on dirait bien que vous avez été plus fort qu?eux, cette fois-ci.
-Nous ne sommes plus des enfants, s?emporta Gorgon_Roo en s?avançant.
-Vous êtes pourtant assez jeunes pour me servir d?appâts, croyez moi. »
Gorgon_Roo pesta, puis se mit en garde, bien décidé à se battre jusqu'au bout. La porte derrière eux s?ouvrit soudainement, et le Ionisateur Fou poussa un léger piaillement strident avant de s?accrocher à Hilde. Albert Fish passa la tête dans l?entrebâillement de la porte.
« Gilles, il faut que tu nous files un coup de main : Nous avons quatre fugitifs qui? qui? » Il s?interrompit, fixant tour à tour ses proies tant recherchées, puis compléta : « ?qui se trouvent juste devant moi.
-N?est-ce pas merveilleux ? s?extasia Gilles de Rais, tout sourire. Je vais enfin pouvoir réaliser mon offrande aux démons? Depuis le temps que j?attendais ce moment ! »
Albert évalua rapidement la situation. C?était risqué : Gilles de Rais savait ce que les quatre fuyards cherchaient, et s?il leur donnait les renseignements qu?ils désiraient, ils se pourrait que le propriétaire de la Voix qui lui avait parlé durant les nuits dernières ne soit pas particulièrement ravi de ce fait.
Et Albert Fish n?avait aucune envie de décevoir cette Voix, qui qu?Elle soit.
« Ce n?est pas vraiment le bon moment pour ça, Gilles, et nous avons d?autres projets concernant ces?
-Hors de question, Fish !! hurla Gilles de Rais en tourbillonnant vers lui, envoyant valser ses victimes ça et là , sonnées. Il se rua sur la porte et la referma sur le visage parcheminé de Fish, qui poussa un cri de douleur et retira sa tête. Gilles de Rais claqua le grand panneau de bois et ferma la serrure de fer avec une des clefs qui pendaient à sa ceinture.
On entendait faiblement le martèlement des coups de poings de Fish de l?autre coté.
« Maintenant, nous sommes tranquilles. »
Il délaissa la porte et s?en retourna à son autel noir de l?autre coté de la pièce, afin d?y rassembler les derniers éléments du culte auquel il se préparait. Il fouillait de ci de là , sifflotant gaiement les mains plongées dans les statuettes païennes et autres objets ésotériques malsains. Il semblait presque innocent.
« Gilles ! grogna Fish de l?autre coté de la porte, sa voix étouffée par l?épaisseur du bois. Laisse-les sortir d?ici et nous t?en trouverons d?autres, je te le promets ! »
Gilles de Rais, ignorant superbement les protestations de Fish ou bien ne les entendant tout simplement pas, sortit une dague richement décorée de symboles occultes et la posa sur l?autel, près d?une fiole au liquide indistinct. Gorgon_Roo sortit sa lance et la fit virevolter vaillamment entre ses doigts agiles.
« Vous ne nous dompterez pas si facilement, qui que vous soyez, annonça-t-il.
-Il a raison ! Nous nous battrons pour rester en vie ! » Radamenthe hésita, puis se reprit : « Ou pour rester en mort !
-Faites attention ! J?ai une calculette et elle est armée ! » menaça le Ionisateur Fou en brandissant sa TI-89. Personne ne se moqua : Elle n?était peut-être pas armée, mais dangereuse, ça elle l?était.
« Ah, soupira Gilles de Rais en se relevant. Si seulement Erzébeth était là , avec moi, en ce moment exquis. » Il lissa sa longue toge noire comme le jais et examina les différents objets qu?il venait de disposer sur le piédestal.
Seule Hilde réagit à cette sortie, voulant gagner un maximum de temps.
« Pourquoi Erzébeth Bathory n?est-elle pas là ? »
Erzébeth Bathory était une femme complètement obsédée par la jeunesse éternelle, et elle prenait un plaisir sadique à torturer ses servantes, les femmes de son peuple et tout ceux qui se trouvait sur son chemin dans le seul but de se satisfaire. Elle fut l?instigatrice de nombreuses formes de tortures, dont la dame de fer et autres mutilations diverses, qui lui donnaient des hectolitres de sang chaud dans lesquels elle se baignait des heures durant, nue, afin de retarder son vieillissement. Elle fut finalement arrêtée et condamnée lorsqu?elle s?attaqua à des femmes de sang nobles, selon elle plus aptes à la garder jeune.
Les coups de poings s?accentuaient sur la porte, au fur et à mesure où les autres tueurs en série arrivaient. Bientôt, ils allaient l?enfoncer.
« Hmmm ? s?étonna Gilles de Rais en reconsidérant la jeune fille. Vous connaissez donc la réputation de la Dame Bathory ? Impressionnant. » Il porta une main tatouée de sigles cabalistiques à son menton qu?il massa en levant les yeux au ciel.
« C?est à cause de cette jeune fille qui est apparu il y a peu de temps. Erzébeth a voulu la suivre, c?est pourquoi elle?
-Tais-toi !! hurla Fish de dehors, collé à la porte. Ne leur dis pas !
-?nous a momentanément abandonné et elle a disparue en compagnie de la jeune humaine. Sans plus réfléchir. Quel bel exemple de liberté. »
Les quatre Trauméniens se regardèrent. Sans le vouloir, ils avaient enfin eu une information relativement importante. Séphy-Roshou était donc bien passée ici, et en plus elle avait emmenée quelqu?un avec elle. Mais d?autres questions s?ouvraient maintenant à eux :
Que faisait-elle ici ? Où est-elle partie ? Et comment est-elle partie ? Et également pourquoi Fish ne voulait-il pas que cette information leur parvienne ?
De l?extérieur, des hurlements communs rugissaient avant chaque tentative d?enfoncement de la porte. Mais cette dernière, toute veille et toute usée qu?elle soit, était robuste et tenait le coup.
« Maintenant, il est temps de rentrer, ordonna Gorgon_Roo en portant une petite pilule rouge à sa bouche. On en sait suffisamment, inutile de rester plus longtemps. »
Trop heureux, Radamenthe croqua à son tour la pilule, imité de près par le Ionisateur Fou. Gilles de Rais s?avança et leva les mains : Des tatouages couvraient ses avant-bras et semblaient courir sur sa peau, comme s?ils étaient vivants.
« Qui vous a dit que vous aviez le choix de partir ? » tonna-t-il d?une voix forte qui ébranla même les murs. Hilde sortit à son tour la pilule et la porta à ses lèvres. Gilles de Rais cria en lançant son bras en avant et Hilde fut projetée au centre d?un pentagramme tracé sur le sol. Elle roula sur elle-même et se releva, visiblement mécontente.
Elle souriait du numéro quarante-sept : ?
Fallait-pas-me-toucher?. Elle déploya ses deux ailes membraneuses et les étira brusquement, pour impressionner Gilles de Rais. Et cela marcha au-delà de ses espérances : Il se jeta à ses pieds, éperdu d?admiration.
« J?ai réussis ! J?ai invoqué un démon ! Après tant d?années passées à étudier, j?y suis enfin parvenu !
-Hilde ! hurla Gorgon_Roo qui sentait son corps s?évanouir. Dépêche-toi d?avaler ta pilule ! Nous allons partir d?ici peu, nous ! »
Les flammes des cierges ondulaient sous les battements d?ailes de la demie-mazoku, qui jubilait. Malheureusement, elle venait de se rendre compte qu?elle avait perdue la pilule qui lui permettait de rentrer sur Terre. Elle la cherchait des yeux, tout en maintenant sous son joug le puissant Gilles de Rais qui rampait face à elle.
« Hilde !
-J?arrive, j?arrive ! » s?impatienta-t-elle.
Les coups redoublaient à la porte, et cette dernière commençait à bouger.
Gilles de Rais tenait un objet dans sa main.
« Vous êtes là pour moi, répétait-il.
Pour moi ! »
Hilde sentait la pression monter.
Elle ne trouvait pas cette satanée pilule sur le sol.
Gorgon_Roo ressentit quelques picotements à la base de la nuque.
Le voyage allait commencer, songea-t-il tandis que sa vision se troublait. Il regarda vers Radamenthe, qui lui aussi s?affaissait lentement.
« Hilde ! essaya-t-il de crier. Hilde, ça commence !
-Vous êtes là pour m?obéir maintenant? »
Hilde baissa les yeux sur Gilles de Rais. Il avait levé une croix abondamment ornée de runes antiques et puissantes qui luisaient étrangement dans la sombre pièce. Les bougies s?étaient toutes éteintes, ou presque, et seul une lumière diffuse éclairait le donjon. Cette lumière provenait du?
« ?du pentagramme ! s?étonna Hilde. Merde ! »
La porte craqua une nouvelle fois, sans céder.
Fish cria de rage.
Hilde cria de douleur. Ses jambes.
Gilles de Rais marmonnait des incantations tout en rapprochant la croix d?elle. Hilde, immobilisée, ne pouvait pas détacher ses yeux de l?objet qui avançait vers elle telle une mort implacable. Elle hurla encore. Il lui semblait que des griffes lui lacéraient les mollets. Elle tenta de bouger, mais en vain.
La croix s?approcha encore.
« Hilde ! Qu?est-ce qu?il se passe ! »
Mais Gorgon_Roo ne pouvait plus rien faire. Tout s?embrouillait. Il tentait de faire e point sur Hilde, mais il commençait à avoir des hallucinations : il voyait des bras écailleux sortir du sol et maintenir Hilde par les chevilles.
« Laissez sortir ces gamins, Gilles ! brailla Albert Fish. Ou nous enfonçons la porte ! »
Gilles termina son incantation et apposa la croix sur le front de Hilde, dont le hurlement de douleur et de colère monta dans les aiguës les plus intolérables. Elle réussit tant bien que mal à baisser la tête.
La porte céda enfin.
Gorgon_Roo, Radamenthe et le Ionisateur Fou s?évanouirent sans un bruit, et dans l?indifférence générale.
Gilles de Rais éructa de bonheur.
Albert Fish se stoppa net en assistant, impuissant, à la scène.
Et Hilde pénétra dans un pan de l?enfer en traversant le pentagramme, tiré par des démons assoiffés de chair fraîche.
Ses derniers mots furent peu glorieux :
« Et merde ! »
*
* *
Lord FireFly s?assit au coin du feu. Un animal méconnaissable grillait sur une immense broche, activée par deux hommes en haillons. Ils peinaient manifestement, mais c?était le sort réservé à ceux qui ne voulaient pas chasser. Lord FireFly comprenait parfaitement cette méthode : Chacun son rôle. Les chasseurs se sont sacrifiés et ont pris des risques afin de dénicher et abattre cette bête, et il faudrait que ceux qui sont resté tranquillement ici prennent part au dîner ? Hors de question.
C?était à eux de trimer, maintenant. Les chasseurs se reposaient dans les huttes toutes proches, et dans certaines on pouvait percevoir quelques gémissements équivoques. Les rares femmes qui avaient pu être sauvées des griffes acérées des folles de là -bas faisaient office d?esclaves, et c?était là aussi une situation appréciée par Lord FireFly.
Le vieux qui l?avait reçu lui avait donné le gîte et le couvert, pour lui et son invitée. Un cabanon l?attendait non loin d?ici, bien qu?il n?ait pas le temps de trop s?attarder. Il regrettait de ne pas pouvoir jouir un peu plus de ces moments de détentes dans les Territoires Extérieurs. Après tout, si on tenait ces monstruosités à l?écart, le coin était fort agréable, surtout lorsqu?on était considéré comme un hôte de luxe.
Le vieil homme avait été conciliant. Il n?avait pas posé trop de problème, comme Il l?avait prédit. De toute façon, Il avait toujours raison, alors pourquoi FireFly aurait été en douter ? De plus, s?allier avec le meurtrier de la femme la plus puissante de ce monde était un atout non négligeable. S?il avait pu diriger ce village de survivant du fond d?une geôle, alors il était forcément un allié de choix pour Lui et Ses projets.
Lord FireFly leva les yeux vers l?entremêlement de lianes, de branches et autres végétaux abondant qui formaient presque un plafond à leur village. Néanmoins, il réussit à percevoir un morceau de lune entre deux immenses feuilles. Il la fixa intensément, tant et si bien qu?il n?entendit l?homme qui approchait derrière lui qu?au dernier moment.
Il se retourna dans un bond et agrippa son ennemi par les frusques qui lui servaient de vêtements. D?un geste souple, il prit appui sur sa jambe et bascula l?homme sur le dos, le plaquant au sol. Il avait déjà eu le temps de dégainer une dague empoisonnée et de la lui mettre sur le cou avant que celui-ci ne puisse articuler quoi que ce soit.
« Je? me? Monsieur FireFly?
-C?est
Lord FireFly, crétin. » Il se relâcha un peu, mais le maintint à terre d?une main ferme. « Qu?est-ce que tu veux ?
-Juste vous dire que votre protégée est dans votre hutte, comme convenue.
-Ligotée ?
-Comme vous nous l?aviez demandé, monsi? Lord FireFly.
-Parfait. Et à l?avenir, évite de venir sans t?annoncer, dans mon dos. Je ne supporte pas ça, pigé ? »
Il rangea son arme et se leva. L?homme resta un instant immobile, puis détala rapidement. Lord FireFly lui lança un regard mi-amusé, mi-navré, puis se dirigea vers sa hutte. Des gémissements montèrent brusquement d?une hutte voisine pour se terminer dans une orgie de râles et de soupirs communs.
Lord FireFly sourit.
Youfie?
FIN DE L?ÉPISODE TROIS : SERIAL KILLER.