J'arrive sur Paris à  huit heures, crevé et puant la mort.

Hop, on débarque chez le Raph, je pose mes affaires, me douche, prend un café, et on va faire les courses d'avant le tournage.

Les courses terminées, il me propose de m'emmener à  la Petite Ceinture, réseau ferroviaire parisien désafecté, pour me montrer les décors qu'il a pu trouver là -bas.

C'est en effet un endroit classe, même si ce con de raph' voulait nous faire faire des cascades entre les rails... j'ai du lui expliquer que les cailloux qui se plantent dans le crâne d'un type qui a raté sa cascade, ça fait mal. Sacré Raph', toujours aussi.. inconscient.

On arrive devant un long tunnel. Il appelle ça le caisson d'isolation.

On entre.

La lumière est très loin devant.

C'est assez angoissant, surtout quand tu es au milieu du tunnel, que tu vois pas où tu marches, et que tu entends ton pote te dire "ptain j'ai marché sur un truc mou!"

On sort du tunnel. J'avoue que je faisais pas mon malin.

On continue.

Second tunnel, que Raph ne connait pas, cette fois.

J'accepte, un peu à  contrecoeur, de m'engouffrer avec lui dans ce tunnel, mais cette fois je prend une barre de fer pour suivre les rails à  l'aveuglette.

Il est plus long que l'autre. Et je n'ai pas pu retenir mon hurlement quand mon pied toucha quelque chose qui bougeait.

J'ai eu l'air très con, c'était le pied de raph.

On sort enfin du tunnel. On cherche à  remonter à  la surface (les rails étaient à  cet endroit trois ou quatre mètres en dessous du niveau du trottoir).

On repère que la seule façon de remonter, c'est une échelle. Très haute. Avec un morceau de caoutchouc qui pend comme une corde. Comme on est très cons, on décide de se hisser par ce truc, qui grâce à  Dieu a tenu bon pendant toute l'ascension. Problème. On se rend compte que la sortir que l'on comptait prendre est bouchée par un grillage de travaux de deux mètres cinquante de haut.

On regarde aux alentours. On peut pas vraiment descendre par l'échelle, ce serait dangereux. On essaye de passer par une palissade, mais y'a une autre grille de l'auter côté. On repère qu'en traversant le pont sur lequel on était, en longeant une corniche on devrait pouvoir se barrer.

Evidemment, à  la moitié de la corniche il a fallu sauter de deux mètres. En se suspendant et en se laissant glisser, parce que la pente était un poil trop forte pour se permettre de jouer les Indiana Jones.

On regarde droit devant nous. Théoriquement, c'est la dernière ligne droite.

Je m'accroupi, me roule une clope.

Et me force à  me calmer.

J'ai pas eu le temps jusqu'à  maintenant, mais là  je commence à  avoir un peu peur. A dix centimètres de moi, des barbelés coupants, comme ceux que l'armée fout pour sécuriser une zone. A cinquante centimètre plus loin, le vide. Pas grand chose. Quatre mètres à  tout péter. Assez pour se faire très mal. Ou se tuer si on se réceptionne mal.

Je vois que ma main tremble lorsqu'elle amène la cigarette entre les lèvres.

Je respire un bon coup, c'est bientôt fini.

Je me lève, on y retourne. On finit de longer la cornihe, sauf que cette fois on est plus à  couvert. Dans une position légèrement surélevée. Les gens interloqués tournent la tête vers ces deux abrutis qui viennent de déboucher sur un terrain vague, un immeuble en cours de destruction, en fait.

On se rend compte que l'on a aucun moyen d'atteindre la route, les grilles sont trop hautes. On regarde autour de nous. C'est la merde.

Plus qu'une seule solution: grimper les deux étages à  moitié détruits pour remonter et tenter notre chance là -bas.

On cherche des prises que l'on ne trouve pas.

Je me retourne. Un type appelle quelqu'un en nous regardant.

Les keufs. Ou les pompiers.

La merde.

Je fait une courte-échelle à  Raph et le propulse presque au premier étage.

Il essaye de me hisser, mais on y arrive pas.

"Le bidon, là -bas!"

Je repère ce qu'il me montre.

Je cours, et prend ce baril encore plein, afin de m'en servir comme escabeau. A l'odeur qu'elle dégage, il y a de l'essence là -dedans.

Je la cale contre le mur, et monte au premier étage.

Raph commence à  tenter l'ascension sur la droite.

"Arrête, Raph! Mauvais pressentiment! TRES mauvais!"

La dernière fois que je lui ai dit ça, il s'est pris la pointe d'une dague sur le crâne, alors il m'écoute.

"Essaye à  gauche! Putain dépèche toi on va se faire choper!"

Je deviens très nerveux. Heureusement, lui reste relativement calme.

Je lui fais une autre courte-échelle, il monte, me tend la main. La panique et le stress fait que je saute presque d'un étage à  l'auter, pendant que lui me porte entièrement à  deux mains, alors que je fais cinq kilos de plus que lui.

On arrive en haut. Encore des barrières. Plus le temps de réfléchir. On monte. On se suspend aux arbres. On saute.

Dernières barrières, heureusement dans une allée très peu fréquentée.

On la monte. Et on descend. le sac en plastique avec nos emplettes reste accroché. Je l'arrache et on se taille, en essayant d'avoir l'air naturel.

Je sais pas si vous voyez le tableau: deux types qui boitillent, avec de la poussière partout, qui se baladent en sifflotant et en parlant bestiaire de Lovecraft...

Finalement, on trouvera le métro, et on rentrera juste à  temps chez lui pour aller au cinéma avec des amis, comme prévu.



Bilan de cette aventure stupide? Un doigt ensanglanté pour raph, quelques égratignures pour moi et un genoux qui me fait encore un peu mal.



Ca faisait longtemps qu'il n'était rien arrivé vraiment digne de Bad Comic's Life, tiens...

En tout cas j'ai eu assez de stress pour un bon moment.



"Hey, Thierno, faudra qu'on y retourne pour le tournage !

-...Pas avant lundi."