Ca y est, les classiques programmes de nos candidats viennent d'atterrir dans ma boîte aux lettres. Un peu tard je trouve, mais bon, les provinciaux n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes s'ils sont perdus au fin fond de la cambrouse.
Bref, nos douze - douze, je vois que la déchéance du système électoral se poursuit, quelqu'un pourrait-il prendre la peine de préciser que si on se présente, normalement c'est parce qu'on espère être élu, et pas simplement dans l'espoir de passer la barre fatidique des 5% - si je ne m'abuse - de voix qui donne droit au parti qui l'atteint à divers avantages économiques ? - candidats, qu'ont-ils donc à nous offrir ? Petit tour d'horizon se basant sur ces feuillets, en essayant de faire fi de mes divers a priori, c'est un jeu amusant, faire "comme si" on avait vécu sur Mars - ou mieux : aux Etats-Unis, qui sont encore plus coupés que les martiens quant à ce qui se passe en-dehors de chez eux, mais là n'est pas la question - et qu'on ne savait rien du paysage politique français...
Première pioche : Philippe de Villiers. Slogan : "La fierté d'être français". Etant nationaliste, j'ai tendance à être très circonspect quand je vois un homme politique essayer de jouer sur cette corde... Elle a été tellement maltraitée au fil des décennies que maintenant, pour le français moyen, "nationaliste" signifie "électeur FN, membre du Ku Klux Klan et pour le retour de l'Inquisition" (copyright Mr Le Chien).
Bref, voyons donc - avec circonspection disais-je - ce que ce brave homme nous promet. Il dit vouloir appliquer dix priorités.
Trois de nature économique qui me semble résolument dépassées - le protectionnisme douanier... - ou inapplicable - baisser de 50% les charges des PME.
Ah, on arrive à la partie qui est supposée justifier son slogan : "Rétablir le respect et le patriotisme à l'école". Pour lui, ça passe par le port de l’uniforme et autres joyeusetés. Bref, encore une fois, une conception assez dépassée. Ah, un bon point, il veut s'attaquer au problème de la carte scolaire. On continue... la famille. Encore une fois, vision que je trouve assez dépassée de la société, avec son sacro-saint mariage strictement hétérosexuel. On passe aux communes rurales... c'est effrayant de voir combien ce thème a pris son essor dans cette campagne, j'y reviendrais plus loin.
Ah, une proposition qui ne peut qu'avoir mon soutient, "Affirmer la République face au communautarisme". Mais comme on peut s'y attendre, pour lui, c'est surtout lune occasion pas très subtile de faire passer les musulmans dans sa ligne de mire.
Bon, une timide incursion sur le territoire de Le Pen - à savoir l'invasion lente et progressive de la France par les immigrés - et hop, transition sur la place de la France dans le monde. Là encore, un titre accrocheur... mais cette fois, un peu plus de contenu. Après l'attendu "Non à la Turquie dans l'UE", il dit justement vouloir une Europe des nations (ça aussi, c'est un thème dans l'air du temps, faut dire qu'après le référendum...) et défendre la France et la francophonie.
Bref, un candidat clairement rétrograde et coupé des réalités de la France moderne. Certains points marginaux obtiennent mon adhésion, mais c'est bien tout. Vous me direz que c'est lui qui a eu droit au plus gros paragraphe, mais bon, il est passé en premier, c'est là qu'on se sent le plus en verve.
Deuxième pioche : Ségolène Royal. Elles aussi dix points. Des mesures économiques vagues - créer un demi million d'emplois pour les jeunes, comme ça, on les sort du chapeau ; soutenir les PME en baissant leurs charges -, un programme social qui sonne bien creux - les classiques augmentations des bas salaires, une pincée de discrimination positive en faveur des handicapés et des femmes -, des concessions aux écolos qui ont rallié sa bannière -pas bien les OGM ! -, un OVNI venu tout droit de chez Sarkozy, égaré dans ce programme de gauche - le couplet sur le couple maudit "insécurité/justice inepte" -, de nouveau nous retombons sur le thème de la France rurale - quand je vous disais qu'il était dans l'air du temps cette année - et enfin, le truc qui me hérisse vraiment, le projet de VIe République. Bon là je suis bien obligé de piocher dans des connaissances "hors-programme", puisque les précisions à ce sujet manquent cruellement. En substance, on veut remettre au goût du jour la IVe République, en changeant le "I" de place. Quand on voit le merdier que ç'a été...
Bref, un programme aussi inconsistant que le charisme de sa candidate, aussi creux que sa personnalité. Je la surnomme affectueusement "la potiche", et je vois que j'ai bien raison.
Troisième pioche : Le Pen. Sobriété et simplicité de la maquette sont ce qui se remarque en premier. Ici, point de longs discours ni de programmes clairs. D'un côté du papier glacé, une affiche électorale, de l'autre, un texte qui a des airs qui ne sont pas sans rappeler la proclamation de Louis Napoléon Bonaparte il y a un siècle et demi, ou encore un ordre de mobilisation générale...
Fustigeant ses rivaux - et comme toujours la diabolisation dont il est l'objet, et sur ce point il faut bien admettre qu'il n'a pas entièrement tort - et enfourchant son cheval de bataille favori - "ILS" sont partout ! Vous ne les voyez pas, mais moi si ! -, rien de concret... Bref, il doit penser que son nom suffit à tout dire sur lui - et là encore il n'a pas entièrement tort.
Bref, vite lu, vite mis sur la touche.
Quatrième pioche : Frédéric Nihous. Si vous le voulez bien, je le garde pour plus tard.
Cinquième pioche : Arlette Laguiller. Tiens, elle est encore vivante ? Politiquement parlant s'entend. C'est la réflexion que je me fais chaque fois que je la vois. Bon, comme Le Pen, quelques tirs imprécis vers ses rivaux, du réchauffé de vieille rhétorique syndicaliste dans ce qu'elle a de pire... Bref, comme Le Pen, son nom dit tout sur elle.
Sixième pioche : Dominique Voynet. Les Verts. J'ai toujours pensé que ce parti était une aberration. On ne gouverne pas, on ne fait pas de la politique sur un seul et unique impératif - l'écologie. Leur bannière suffit à les discréditer complètement, en ce qui me concerne. Voyons tout de même le contenu... Houlà , 15 orientations. On brise la belle rotondité du 10. Bon, comme on pouvait s'y attendre, dès qu'on sort des questions strictement écologiques, c'est vague, pompé sur le PS, voire carrément n'importe quoi. Et même dans le domaine de l'écologie, les vieux combats, dépassés et qui n'ont plus lieu d'être - dont le fameux "arrêter le nucléaire", alors qu'en rapport pollution générée/énergie produite, c'est la meilleure de toutes les sources... - sont toujours enfourchés avec joie. Tiens, eux aussi sont pour une VIe République ; mais eux sont plus explicites, ils disent clairement vouloir élargir les prérogatives du gentil Parlement et limiter celles du méchant Président. Du réchauffé de IVe République, je vous dis.
Septième pioche : Nicolas Sarkozy. Beaucoup de blas-blas mal maquetté, je suis surpris, j'aurais cru qu'ils auraient eu les moyens de se payer de meilleurs experts en marketing électoral. Un discours élusif qui sonne bien creux quand il n'est pas ouvertement ultra-libéral. Là encore, il faut bien piocher dans les connaissances "hors-programme" pour se faire une idée sur ce candidat, qui est celui de la démagogie populiste et qui veut une France communautariste pour mieux la diriger (Diviser pour mieux régner, au moins il connaît ses classiques).
Huitième pioche : Olivier Besancenot. Beaucoup de fougue. Beaucoup de vide. Focalisé sur les questions qui lui assurent son électorat - et qui sont inscrites dans le nom même de son parti, Ligue Communiste Révolutionnaire -, il oublie totalement le reste ou tape complètement à côté quand il tente de rattraper le coup - en copiant par exemple le programme des Verts pour la question écologique. Il a bien fait de ne pas vouloir se risquer à débattre avec Soral, il se serait fait déchiqueter en même pas vingt minutes. Mon sentiment à la lecture de son tract ? N'a pas la carrure. Pour quoi que ce soit.
Neuvième pioche : Marie-George Buffet. Ils osent revenir, après la déculottée qu'ils se sont pris en 2002, avec moins de 3% des voix ? J'aurais cru qu'ils auraient dissous le parti dans l'année qui suivait. Bref... Au moins, l'analyse est vite faite : ils ne se sont toujours pas mis au diapason de la France actuelle. C'est aussi le cas d'autres candidats, mais dans leurs cas, le retard est tel qu'à mon avis, cette année, ils vont faire encore moins qu'en 2002.
Dixième pioche : Gérard Schivardi. Comme pour Frédéric Nihous, je le garde pour la fin.
Onzième pioche : François Bayrou. Ah, le "troisième homme", déboulé en milieu de course... Coupant la poire en deux entre 10 et 15, il nous présente un programme en 13 points.
Faire de l'éducation une priorité, oui pourquoi pas, avec réengagement étatique dans les universités et favoriser l'expérience professionnelle. Je suis plus sceptique sur la faisabilité de ce dernier point, mais au moins il ne dit pas de conneries pour l'instant.
Politique écologique ensuite... Là encore, "au moins il ne dit pas de conneries", il ne parle pas de retourner vivre dans une caverne naturelle, et propose plutôt des mesures réalisables. Après, savoir si elles auront un réel impact sur l'environnement... je ne suis pas expert.
Vient un triptyque sur les thèmes incontournables (emploi/pouvoir d'achat/finances de l'Etat) ; des idées assez neuves je trouve, mais encore une fois, comment il compte faire pour stabiliser la dette publique en trois ans (par exemple) reste un mystère pour moi.
Deux points sociaux, contre l'exclusion et sur la santé publique... rien de nouveau, c'est juste pour dire qu'il y pense. Vide, quoi, ces deux points.
Ah, il veut mettre du fric dans la recherche. Encore une fois, c'est bien, mais l'argent, il le trouve où, surtout dans de telles proportions (augmenter de 5% par an, pendant dix années consécutives, le budget de la recherche) ?!
Autre point social sur l'aide au logement. Là encore, c'est pour polir son image d'homme en phase avec les problèmes actuels. Du bla-bla.
La sécurité et ses thèmes corollaires comme la justice inefficace, etc., sont devenues, par la grâce de Nicolas Sarkozy le premier, puis par celle de Ségolène Royal qui lui a emboîte le pas (je me demande ce que Le Pen attend pour porter plainte pour vol d'idées), des thèmes incontournables de cette campagne. Bayrou, là encore, sacrifie à l'air du temps en consacrant un de ses treize points au sujet, et là encore, "au moins il ne dit pas de conneries", ne nous promettant pas de milices citoyennes patrouillant dans les rues à la nuit tombée pour dérouiller le sale jeune qui se sera risqué à sortir de chez lui.
Réformes étatiques. On sent le parfum de ces conneries de VIe République, mais au moins il ne prononce pas l'expression. Ah, un bon point, il veut supprimer l'ENA. Depuis le temps qu'on dit qu'il faut la dépoussiérer... C'est vrai que maintenant, elle est tellement encrassée qu'un nettoyage pas le vide s'impose.
L'équité homme-femme. Hum, ça pue la discrimination positive.
Favoriser la culture. Il est bien le seul à s'en préoccuper, je trouve. Un bon point pour lui.
En conclusion ? "Au moins il ne dit pas de conneries", c'est vraiment l'impression qui ressort de la lecture de son programme. Enfin, il n'en dit pas trop. Il y a bien certains points déplaisants, mais dans l'ensemble, il s'en sort plutôt honorablement, je trouve.
Douzième pioche : José Bové. Bon, on arrive à la fin de ce message-fleuve, et comme promis, je me souviens de Gérard Schivardi et de Frédéric Nihous, que je vais traiter en même temps que José Bové. Enfin, je ne vais pas vraiment les traiter, je vais plutôt parler de ce thème qui me stupéfie par l'ampleur qu'il prend.
Je veux bien sûr parler de la France mythifiée.
Allez savoir pourquoi, mais il semblerait que chez bon nombre d'entre nous, il existe, blottie au fin fond du subconscient, une puissante image mentale d'une France mythique, trônant aux côtés des autres images fondatrices de la perception du monde.
Il s'agit d'une France rurale, où chaque famille vit de sa terre et de son environnement immédiat, en harmonie avec lui. Où les familles sont vastes et multi-générationnelles, et où elles s'assemblent en petites communautés quasi-autarciques, les villages, où tout le monde connaît tout le monde et vit en bonne intelligence, si on excepte les occasionnelles échauffourées sur la place du village jour de marché, vite oubliées sous l'éclatant soleil qui éclaire notre bonne terre agricole.
Bref, l'image d'une France de cul-terreux avec baguette sous le bras et béret vissé sur le crâne, de français au teint hâlé par le travail au grand air et au nez légèrement rouge du verre de vin bien mérité après une dure journée de labeur.
En clair, c'est faire semblant d'ignorer que la France a une capitale qui abrite un sixième (10 sur 60 millions d'habitants) de sa population, qu'une écrasante majorité de celle-ci est urbaine et que les "pauvres français oubliés par l'Etat", qui vivent à trente-deux dans un petit village sur le plateau du Larzac et qui voit leurs petits commerces, leurs services publiques et leurs professions libérales partir sont une minorité.
La France est un pays aussi moderne, et même d'avantage que la plupart des autres pays occidentaux. Elle a des villes de taille respectable, qui offrent emploi, services, culture et opportunités à leurs habitants.
Alors excusez-moi de regarder de haut et avec mépris ces trois candidats qui viennent nous affirmer que "le bonheur est dans le pré".
Ceci clôt ce message à caractère très "bloggique", puisqu'il parle de
mon regard sur les programmes des candidats et expose
mes sarcasmes ou au contraire
mon approbation à leur encontre. Mais bon, Eltanin est un forum de libre expression pour parler de tout, alors à défaut de blog, quand j'ai voulu exprimer mon - microscopique à l'échelle générale - avis sur ce qui était arrivé dans ma boîte aux lettres, c'est à cet endroit que j'ai pensé.
Bonne journée, et laissez-moi vous dire que je le sens assez mal.