Arkh a écrit:
Quand à ceux qui travaillent "35-heures-pas-plus", eh bien... qu'ils bossent, et tant pis pour leurs activités du Mercredi après-midi.
C'est la déclaration la plus proche d'une mentalité esclavagiste que j'aie jamais eu l'occasion de lire sur cette belle Toile. Fameux.
Puisqu'il le faut, parlons donc de travail. Je me bornerai à citer des messages envoyés sur le Royaume de Nosgoth qui résument tout à fait ma position par rapport à la chose.
Raphaël Lafarge a écrit:
Défendre cette valeur, le "mérite du travail", c'est actuellement s'inscrire dans une démarche anti-humaniste, parce que dans notre société, ce travail ne se comprend que dans une logique marchande.
Les choses ne fonctionnent pas comme ça, tout simplement. Ce n'est qu'un clivage de plus lancé par Sarkozy, une tentative supplémentaire de diviser pour mieux régner. Cette fois, il tente d'établir une fracture entre PARESSEUX et TRAVAILLEURS.
Tout le monde a déjà vu des gens un peu flemmards, et aussi de véritables glandeurs incapables de bouger leur petit doigt. C'est le droit de chacun de mépriser cette nonchalance, mais c'est le droit des paresseux de rester paresseux. Chacun vit à son rythme. Chacun ne dispose que d'une unique existence et est libre de la consommer selon la cadence souhaitée.
Notre problème par rapport à cela est que des failles de notre société permettent à des paresseux de se hisser tranquillement à des postes-clefs, et donc de ralentir, voire de paralyser au final la bonne marche du système. Mais ce n'est pas la faute des paresseux : c'est le système qui est à réviser afin qu'ils ne passent plus, et occupent davantage des postes du type vendeur de journaux qui ne demandent pas des masses de boulot, à moins de se donner les moyens de leurs ambitions et de crucifier leur flemme.
Sarkozy propose de guérir un symptôme et non la cause : un marché du travail et une administration engorgés, inadaptés.
Dans l'état actuel des choses, sa promesse de rétablir la valeur "travail" est un mensonge, parce qu'elle ne pourrait aller sans une remise en question du système ultra-capitaliste fournissant des emplois surchargés pour un salaire de misère. Système qu'il cautionne, soutient et encourage.
Raphaël Lafarge a écrit:
Parlons-en, de ce qui se passe autour de nous.
Ce qui se passe autour de nous se résume en un mot :
CHINE.
La Chine est en passe de devenir LA puissance mondiale. Comment fait-elle ? Simple. Elle triche. Elle ne suit pas les règles du jeu, ou du moins, pas les mêmes que nous.
Aucune société étrangère ne peut s'implanter en Chine, aucune : pour s'implanter, elle doit se faire "posséder", la clause obligatoire de ce combat diabolique est que la multinationale quelconque (mettons française, je suppose qu'on en a qui ont suivi cette voie, Chirac a toujours tellement adoré la dictature chinoise) s'associe avec un conglomérat de Chine... possédant plus de 50% des parts locales.
Sur le chapitre de la liberté d'expression et de la liberté tout court, c'est même pas la catastrophe, c'est au-delà . En Chine, ces concepts n'existent pas. Tout du moins pour ceux qui ne considèrent pas le plomb comme le plus sain des aliments, ou le béton comme les chaussures les plus adaptées aux exercices de natation.
Si l'on va jusqu'au bout de la logique de "compétition", nous ne saurions faire mieux que de nous inspirer du merveilleux modèle chinois.
Je dois avouer que je suis tout à fait favorable à la manière dont sont traités les travailleurs en Chine. Nous devrions appliquer des méthodes du même calibre, et aller au-delà .
Pour les concurrencer, employons notre ruse, employons notre force, employons nos avantages. Nous bénéficions d'un excellent système de santé : recyclons-le pour doper chaque employé, le bourrer de toutes drogues, le maintenir à tout prix à quinze heures de travail... la journée. Il trouvera facilement le sommeil, par ailleurs, à l'aide des narcotiques. La motivation sera obtenue par d'autres produits chimiques, et aussi à l'aide de ce fleuron de la technologie moderne : le martinet.
Ça ne sert à rien de donner à la croissance et à la lutte contre le chômage priorité sur les acquis sociaux. À part, bien sûr, pour arriver à ce but.
Le travail, on n'a que ce mot-là à la bouche.
Mais ON NE PEUT PAS ÊTRE COMPÉTITIF vis-à -vis de la Chine. On ne peut pas.
Enfin, si, on peut. Mais en traitant les ouvriers de la même manière qu'en Chine.
Redj a écrit:
Sur ce dernier point, je ferais remarquer une chose que les gens qui défendent Sarkozy en affirmant qu'il faut lui laisser sa chance, l'occasion de montrer ce qu'il fera s'il est aux affaire, oublient volontiers.
Au cours des cinq dernières années, Sarkozy a été le locataire de deux des principaux ministères, voire des principaux ministères : Intérieur et Economies.
En bref, il a déjà été aux affaires, et au plus haut niveau. Il n'occupait pas le(s) poste(s) suprême(s), je vous l'accorde : il se tenait juste en-dessous. Et son influence était déjà suffisante pour qu'il fasse ce qu'il voulait - à tel point que Chirac a été obligé de finir par le rappeler à l'ordre, souvenez du "Je décide, il exécute."
Bref, on a déjà vu ce que ça donne, Sarkozy aux affaires. Il est le premier à en tirer le bilan : il ne cesse de répéter que la France va mal...
Sinon, concernant le travail. "Un peuple qui travaille est un peuple qui ne se révolte pas." Je suis bien embêté de ne pouvoir me souvenir de l'auteur de cette phrase, mais elle résume parfaitement mon point de vue sur la question.
Le travail, c'est autant de temps que les gens ne consacrent pas à passer avec ceux qu'ils aiment, à se faire plaisir (sauf pour la frange extrêmement minoritaire de la population qui a la chance de pouvoir vivre de sa passion), à se cultiver, ou à réfléchir.
Ces deux dernières activités étant reconnu comme de véritables dangers publics.
Réfléchir au fait que, depuis cinquante ans, comme l'a rappelé Weaky je crois, nous vivons et voyons se développer et se renforcer l'un des systèmes sociaux les plus contraignants et nuisibles au genre humain que celui ait expérimenté au cours de son histoire.
Se cultiver pour réaliser les anomalies aberrantes de notre monde (je ne vais pas commencer une liste, il suffit de faire un tour sur le net, seul vecteur d'expression véritablement libre, pour s'informer...).
Réfléchir à des moyens de corriger tout ça, au grand détriment de ceux qui en profitent.
Se cultiver sur les méthodes révolutionnaires, en bref.
Alors non, je ne valorise absolument pas le "travail". Bien au contraire. Je trouve que son éthymologie (il provient du vocabulaire latin pour "contrainte", "coercition", "torture" dans son sens le plus extrême, pour ceux qui l'ignoreraient) n'a rien d'une plaisanterie.
Le plus inquiétant dans tout ça étant que la fierté de "travailler" est de plus en plus profondément ancrée dans le sens commun.
Ça vous semble normal que les gens se gargarisent et cherchent à s'impressionner mutuellement en étalant leur nombre d'heure de travail hebdomadaire ? Ça vous semble normal d'être fier de sacrifier sa vie personnelle et son épanouissement à être le rouage d'une machinerie ? Ça touche dès l'enfance, pratiquement, avec les collégiens qui entre eux cherchent déjà à se faire mousser "Moi, le mardi, je fais dix heures, le truc de diiingues... - *sifflement impressionné, silence puis surenchérissement*". Ça vous semble normal qu'on base sa réussite dans la vie sur ce genre de critères ?
Le travail est le moyen par lequel on nous réduit en esclavage, et le pire dans tout ça est que la société y est suffisamment réceptive pour en venir à être heureuse d'être ainsi réduite en esclavage, et même en redemander.
Il y a quand même des trucs plus importants, plus intéressants et plus agréables à faire de sa vie que la consacrer à faire ce qu'on nous dit de faire pour le bien d'une entreprise, merde !
Autant nos aïeux et ceux qui les ont précédé avaient l'excuse que c'était nécessaire - si le paysan ne travaille pas, on bouffe quoi ? etc - autant aujourd'hui, avec le développement technologique que nous avons atteint, nous pourrions essayer, au lieu d'utiliser nos connaissances à restreindre sans cesse davantage les libertés individuelles - je parle de ça parce que j'ai récemment lu des nouvelles plus qu'alarmantes sur le développement et l'implantation de la biométrie, mais ce n'est qu'un exemple... -, de réellement changer notre façon de voir le monde, de vivre, de réellement faire évoluer notre société en résumé, plutôt que simplement chercher à faire de timides retouches de formes en se gardant bien de toucher au fond, à savoir le moteur capitaliste...
Bref, non, la valorisation du travail, la valorisation par le travail, je chie dessus, si vous me permettez l'expression. Je méprise les stakhanovistes. Je méprise les décébrés qui tirent fierté de leur machinisation, qui se vantent d'être les plus efficaces des rouages.
Et plus que tous les autres, je méprise celui qui veut aller plus loin dans ce sens, et changer le fait que la France est le pays qui, s'il n'a pas pu empêcher ce phénomène, y a au moins partiellement résisté et tenté de l'adoucir.
Weaky a écrit:
... je rejoins totalement Redj, et chie avec lui sur la société du travail, la glorification abrutie des "entrepreneurs", les défenseurs du retour aux XX>35H, les courtiers en bourse et les gens fiers de bosser plus qu'ils ne le doivent pour leur boîte de fabrication de poignées de portes ou de clous en acier. NON, travailler n'est pas un besoin ni un moyen innévitable pour exister. S'accomplir, créer, communiquer, oui. Mais tout ça peut passer par autre chose que le travail. La notion moderne qui se cache derrière ce mot est à gerber, le travail aujourd'hui est devenu la première identité d'un être. Les chômeurs sont méprisés, se méprisent eux-mêmes. Ne parlons pas des RMIstes. Nous avons crée des moyens incroyables, des courants de pensées démentiels, et tout ça pour quoi? Pour s'accomplir, aller plus loin dans l'exploration de l'humain ou de l'autre, dans la connaissance, l'imagination ou la compréhension? Non. Pour travailler plus et penser moins. Nous avons mis une télé dans chaque domicile afin que le travailleur repose sa tête à partir de 19H et ne se rende pas compte que pendant plus de quarante ans, il va bosser, et résumer son identité à ça, en grande partie.
Et pour ce qui est du programme de Royal, qui serait économiquement irréalisable, et bien, tant mieux... Je souhaite que la bourse s'écroule, que Wall Street explose, que la Banque Européenne brûle, et que toute l'économie mondiale crève la bouche ouverte. C'est un combat à la victoire peut-être impossible, mais je préfère me battre contre des monstres trop grands pour moi que me résigner.
Et si on met de côté mes aspirations au changement radical de la société humaine, et que tu ne veux que parler réalisme des programmes, j'ai une autre citation pour toi, de Sarkozy, dite il y a quoi... Deux mois? dans un meeting: "D'ici deux ans, je vous le promets, il n'y aura plus aucun Français sans domicile!". En effet, tout de suite, j'y crois plus. Clap clap, Nico.
[quote="Raphaël Lafarge"]Le Travail n'est pas l'une des valeurs qui ont fondé notre pays ! Pas plus que la Nation ou la Sécurité. Les valeurs maîtresses de la République, je le répète, ce n'est pas le Travail - Famille - Patrie (ça, on sait d'où ça vient, et est-ce que quiconque niera qu'en assimilant la Famille à la Sécurité, on tient les trois thèmes principaux de cette campagne électorale ? Tous les candidats n'ont cessé de les marteler), c'est Liberté - Égalité - Fraternité ! Le premier thème, Royal l'a un peu rappelé pour bien montrer qu'elle est de gauche, mais les deux suivants, tout le monde semble les avoir oubliés...
Parlons de moi, puisque l'on a déclaré dans un message précédent que moi aussi, je connaissais la valeur du travail.
On sait combien je supporte mal, personnellement, un non-rythme de travail, et combien je n'apprécie pas d'être sans emploi, d'habiter chez mes parents. Mais ça n'a rien à voir avec une notion de "mérite". Je me fous de bosser ou de ne pas bosser, je pourrais passer toute ma vie à me promener dans le monde entier que mon amour-propre ne s'en porterait pas plus mal. Ma fierté (dépourvue de fond, aussi, puisque je n'ai aucune raison d'être fier de ce que je suis, je n'ai pas contrôlé les circonstances qui m'ont modelé ) ne réside pas dans le "travail accompli".
Je disais que j'ai pondu 600 pages de scénar' pour "Shadow of Life", mais c'était il y a deux ans. J'ai arrêté de me la ramener à penser que quantité = qualité et que labeur = honneur.