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Âme de l'esprit, clef de l'éther vital.
Âme du perdu, arrachée à son vaisseau.
Puisse votre force galvaniser, que le monde puisse renaître.
Que le monde puisse renaître.Réputé pour sa difficulté extrême,
Demon's Souls n'en fait pourtant pas étalage, pour peu qu'on s'y intéresse au-delà des premières morts, des premières déveines. Le jeu est une épreuve, une expérience masochiste, et un parti pris courageux en des temps de facilité vidéoludique généralisée. Il a un rapport particulier à la mortalité, qui est omniprésente mais pourtant extrêmement traumatisante, ainsi qu'aux autres personnages : ils vous reprochent de quitter trop vite une conversation, se vexent si vous les bousculez, rendent les coups si vous les attaquez, et peuvent même s'entretuer en fonction de leurs objectifs divers et variés.
Beaucoup de la force de l'aventure tient dans le système de sauvegarde : chaque profil n'a droit qu'à une seule sauvegarde, qui se met à jour sans cesse au rythme de vos actions. Vous mourez ? Vous renaissez sous forme d'âme, mais votre échec est sauvegardé et la difficulté du jeu est augmentée (le système d'alignement spirituel des mondes). Un PNJ se fait tuer ? Vous n'aurez plus jamais l'occasion de le sauver. Vous utilisez mal une âme, un artefact particulier, vous aidez sans le savoir un psychopathe complet ? Sauvegardé, sauvegardé, sauvegardé.
L'identité visuelle du jeu est résolument occidentalisée, voire médiéviste.Toute cette cruauté n'est pourtant pas là pour rien. Les morts dans
Demon's Souls ne sont généralement pas gratuites : elles sont le résultat d'un manque de prudence, de préparation, de réflexes. Le jeu ne laisse aucune place à l'erreur. À l'inverse de titres de pur divertissement, il est déconseillé d'aborder l'aventure avec des amis : elle exige une concentration de tous les instants, sous peine de recevoir l'ultime châtiment, ou de perdre vos précieux acquis, vos alliés, votre fortune, le peu de puissance qui vous permet de survivre dans ce monde de brutes.
L'exploration en devient délicieuse, et le combat éreintant. Un peu partout, on peut lire que
Demon's Souls n'est pas un RPG, malgré la campagne de pub, ni même un Action-RPG, genre auquel il pourrait prétendre par ses mécanismes de jeu.
Mais un survival horror. Et je dois dire que j'approuve cette définition. L'esquive est importante, la fuite est importante, la visée, les réflexes, la connaissance de son ennemi, tout est primordial. Par exemple, vous ne pouvez espérer survivre à une rencontre avec les Flagelleurs sans comprendre la manière dont ils se battent.
À lire de droite à gauche : [i]Demon's Souls, le jeu qui vous déteste.[/i]
L'univers lui-même est relativement banal. Il est générique au point d'emprunter les
Flagelleurs Mentaux des
Royaumes Oubliés (véridique), des fois qu'il ne soit pas encore assez commun.
Cependant, un certain travail sur le baroque, ainsi que sur les détails, et sur le manque d'informations quant à l'univers du jeu, porte ses fruits. L'univers apparaît solide, antédiluvien. Morne, fatigué. Emprunt de toute la morbidité de la meilleure
dark fantasy, il dresse un tableau sombre d'une époque épuisée, d'une terre en lambeaux, d'une humanité sur le point de disparaître.
L'important, c'est d'avoir le moral...Impossible de parler de
Demon's Souls sans évoquer l'aspect multijoueur. L'œuvre est entièrement centrée sur le mode solo, l'aventure dans tout ce qu'elle a de plus rude et de plus beau, mais il est possible de jouer en ligne (d'une certaine manière) en ouvrant sa partie à d'illustres inconnus.
Deux choses peuvent alors se produire :
- Vous demandez de l'aide à d'autres joueurs. Vous rejoignent alors, sous forme de
Fantômes Bleus, des camarades qui n'ont plus que leur âme. Pour récupérer leur corps, ils doivent vous aider à défaire un boss.
- Votre monde est envahi par des joueurs homicides, sous forme de Fantômes Noirs. C'est généralement
une très mauvaise nouvelle, car pour récupérer leur corps, leur objectif est autre...
L'un des premiers boss.
Il peut vous tuer d'un seul coup.
Mais c'est encore trop facile ; vous êtes donc, au même moment, cerné d'arbalétriers.Bref... je pourrais encore en dire beaucoup, mais je me bornerai à conclure que j'ai adoré ce jeu. Son atmosphère est unique, hallucinante de lourdeur, de torpeur, de vieillesse et de noirceur. On développe un attachement unique aux personnages, tout secondaires qu'ils soient, car ils sont pleins de surprises et "quand ils sont morts, c'est pour la vie". Sa quasi-absence d'éléments narratifs donne d'autant plus de puissance évocatrice aux quelques miettes d'explications qui sont dispensées avec avarice.
Je conseille à tout joueur de se renseigner un peu plus sur ses mécanismes (surtout celui de l'Alignement des Mondes, ou le coup des âmes des boss), et puis de se jeter dans la mêlée, sans se documenter davantage.
Demon's Souls, c'est la surprise, l'expérimentation, l'exploration, le frisson. L'aventure dans tout ce qu'elle a de plus noble et de plus stimulant : le risque.
Introduction du jeuLes éléments intéressants du multijoueurLa Vallée du Malaise : maladroit, mais artistiqueLe Joueur Misanthrope : le rapport de Demon's Souls à la mortalité et aux PNJs