Voyons... Liste des éléments qui m'insupportent dans les RPGs en général :
- Personnages dââârks et torturés
- Histoires au prétentions mystico-philosophiques
- Kingdom Hearts
- Univers apocalyptiques
- Couleurs de cheveux improbables
- Kingdom Hearts II
- Fréquence de combat trop haute
J'ai donc le plaisir de vous présenter ma dernière toquade en date : Digital Devil Saga, histoire aux prétentions mystico-philosophiques se déroulant dans un univers apocalyptique, interprétée par une bande de gusses dââârks et torturés, aux cheveux lavés au mutagène, dans laquelle on passe son temps à bouffer du monstre. (mais sans aucun rapport avec Kingdom Hearts, faut pas déconner non plus).
Or donc, Digital Devil Saga nous transporte d'emblée dans un univers sombre, très sombre. Une vaste étendue de décombres, joliment appelée Junkyard, dont la structure n'est pas sans rappeler la Décharge de Gunnm. L'endroit est en effet divisé en différent secteurs, tous aux mains de bandes rivales. Leur but ? Conquérir le plus de territoire possible. Non pas pour assurer une domination sans partage, mais sur les ordres du Temple, institution structurant ce joyeux bazar. Quiconque aura vaincu toutes les autres tribus sera admis au Nirvana, terre de félicité, hourra hourra.
Serph, le personnage incarné par le joueur, est l'un de ces chefs de tribus (la sienne est nommée Embryo). Lui et ses potes passent donc leurs journées à joyeusement tatanner les voisins. C'est au cours de l'une de ces échaffourées que Serph découvre au beau milieu de son territoire un objet étrange, sorte d'oeuf d'alien, qui ne tarde pas à exploser, plongeant tout le monde dans l'inconscience.
La fine équipe. De gauche à droite : Argilla la compatissante, Gale le stratège, Serph le héros silencieux, Sera l'énigme ambulante, Heat la brute et Cielo le bout en train
Au réveil du jeune homme, beaucoup de choses ont changé. Chaque habitant de la Décharge ou presque porte désormais sur la peau une marque étrange, et se retrouve capable de se métamorphoser en une créature monstrueuse et puissante. Plus préoccupant encore, une faim insatiable s'est emparée de ceux portant la marque. La seule façon pour eux de survivre semble d'être de dévorer leurs semblables. Consulté à ce sujet, le temple ne laisse entendre qu'une réponse : les tribus doivent continuer le conflit, en se dévorant pour survivre. Rien n'a vraiment changé... A une seule exception. Sera. Une jeune fille amnésique (ah oui, j'oubliais que les amnésiques m'énervent, dans les RPG), apparue au centre de "l'oeuf", et recueillie par Serph et ses compagnons. Activement recherchée par le temple, Sera a le pouvoir, par son chant, de calmer la fin démoniaque qui dévore les guerrier de la Décharge.
Serph et son dérangeant avatar démoniaque.
Comment un tel concentré de clichés vidéoludiques nippons parvient-il à accrocher son joueur à la manette, pantelant ? A beaucoup de points de vues, Digital Devil Saga (premier volet d'un dyptique), est une énigme. La première réponse est peut-être dans son graphisme : un Cell Shading qui, étrangement, tend vers le réalisme, au travers de couleurs plutôt froides et sombres. Cela donne à la Décharge dans laquelle se déroule la quasi totalité du jeu, une esthétique à la fois épurée et glacée. Foin de donjons baroques, tout se passe ici dans des environnements industriels, de pierre et de métal. On parcours une étendue délibérément hostile.
Epuré... un mot qui convient tant au graphisme qu'au déroulement de la narration. Certains ont étiqueté ce jeu comme étant un "donjon-RPG". Et ce n'est pas tout à fait faux : les zones hostiles que l'on explore sont très vastes (j'ai mis près d'une heure à terminer la première) et entrecoupées seulement de quelques retours à la base ou au temple afin de faire progresser le scénario. Mais l'histoire, la vraie, se déroule dans les endroits que Serph explorera.
Argilla en plein combat.
Des endroits remplis jusqu'à la gueule d'opposants d'ailleurs. La fréquence des combats de Digital Devil Saga rendrait des points à celle de Dragon Quest (berk berk), on a presque le droit à une confrontation tous les dix pas. Ce genre de chose a tendance à me mettre les nerfs en pelote, en particulier lorsque j'explore un lieu inconnu dans lequel j'ai tendance à m'égarer. Mais la grande réussite du gameplay de Digital Devil Saga est de réussir à intégrer le combat non pas comme un obstacle à la progression du joueur, dont la victoire est éventuellement récompensée, mais plutôt comme un élément essentiel de la progression des héros du jeu. Chaque combat est un petit défi qui nécessite une stratégie bien précise pour gagner. Il est en effet quasi essentiel, pour survivre, d'exploiter les points faibles des monstres au moyen de divers sorts, et, plus important encore, de les dévorer. Dévorer un monstre est une action complexe et coûteuse, mais la seule façon de gagner une somme d'expérience acceptable. Bref, se contenter de gagner un combat n'est pas assez dans DDS. Il faut le mener efficacement et subtilement. Ces jeux stratégiques se déroulent une fois de plus dans un cadre - très - dépouillé, mais dont la simplicité aide à se concentrer sur la complexité du système de bataille.
Ceci dit, DDS n'est pas un jeu d'exploration-stratégie déguisé en RPG. Non. Il propose un système d'évolution des personnages (inspiré du sphérier de FFX en beaucoup plus simple), qui ravira les rôliste customisateurs de leurs avatars virtuels.
La riante base de la tribu Embryon.
D'autre part, l'histoire, malgré son apparent dénuement, a les reins assez solide pour supporter les longues phases d'exploration. Cela est moins du à sa structure, plutôt bateau, qu'à son ambiance. Le doublage y est pour beaucoup. Je le dis souvent, mais ce doublage en particulier est excellent. Un effort particulier semble avoir été mis à trouver des acteurs non seulement convaincants, mais dont les voix correspondent au physique des personnages, ce qui les rend particulièrement attachants. Argilla, soucieuse de son humanité, ne bascule ainsi jamais dans le pathétique (et les ténèèèèbres), tandis que Heat, attiré par le côté obscur, devient agaçant, mais jamais grotesque dans son envie mal réfrénée de bestialité totale. Le travail sur les expressions et les voix, soutenu par ce graphisme étrange, est avant tout mis au service de l'histoire et parvient l'exploit de la porter à un autre niveau. Le tout est soutenue par une BO remarquablement efficace, à défaut d'être vraiment inoubliable. Un mélange de rocks aux accents parfois metal, de par de nombreux riffs, et de free jazz glauque et dégoulinant, qui colle comme il faut à l'ambiance.
Digital Devil Saga est donc une nouvelle bonne surprise (je n'avais jamais touché à un Shin Megami Taisen auparavant), sorte d'épopée futuriste de haute volée, servie par des personnages simples mais attachants, que l'on va tenter de faire survivre à tout prix dans ce voyage... En attendant la suite de l'histoire, le 16 février.