Aaaah le Tactical-RPG : maillon faible ou renouveau du jeu de rôle sur console et ordinateurs, longues phases d'ennui ou challenge épique et fouillé, on peut dire que les avis sont partagés quant à ce style vidéoludique plutôt spécial.
Le genre fait actuellement son petit bonhomme de chemin, depuis que Final Fantasy Tactics et autres Vandal Hearts lui ont donné ses lettres de noblesses auprès du grand public (comprendre : pas uniquement japonais), et on a actuellement le droit à des innovations pour le moins audacieuses, comme dans Disagaea au sujet duquel on nous a gratifié d'un article ma foi fort intéressant. (comment ça, fayot ?)
Parmi les divers productions du Tactical RPG, il existe une série, développée par Intelligent Systems, qui fait un peu figure de vétéran du genre, même si elle ne s'est fait connaître que tout récemment dans nos vertes contrées : il s'agit de Fire Emblem. La série a été développée sur les diverses consoles de Nintendo pour finalement aterrir sur GBA avant une prochaine migration vers la Gamecube.
Le succès de ces jeux, qui se déroulent dans un univers médiéval fantastique, repose principalement sur une simplicité qui rend le jeu extrêmement intuitif sans jamais verser dans l'ennui ou la répétition. Il s'agit tout simplement de grand combats aux graphismes sobres, liés par une histoire se déroulant dans et hors des batailles. Comprendre le fonctionnement desdites batailles et l'affaire de quelques dizaines de minutes à peine : on retiendra principalement que le combat se déroule tour par tour : d'abord vous, puis l'opposant ; que chaque arme, tout comme chaque magie, se révèle puissant contre un type d'attaque, mais faible contre un autre ; et enfin que les diverses unités que vous croiserez se verront offrir, au court de votre progression, différentes évolutions, vos chevaliers pouvant être ainsi promus au rang de paladins.
Fire Emblem : Sacred Stones, sorti tout récemment, reprend les éléments fondateurs de ses aïeux et en rajoute quelques-uns, pour nous donner l'un des T-RPGs les plus attendus du moment. Le volet précédent, ambitieux, riche de mille petits détails et de personnages hauts en couleur, laissait présager du meilleur. Qu'en est-il alors ?
Avant de répondre à cette question brûlante, il convient de brosser un rapide tableau du scénario. Eirika et Ephraim sont la princesse et le prince de Renais, petit pays paisible au sein d'une large confédération d'états. La vie est idyllique pour nos jeunes amis jusqu'au jour où l'empire de Grados envahit leur royaume. Ephraim, partit sécuriser les frontières, échappe à l'invasion du château et Eirika ne doit son salut qu'à Seth, un paladin dévoué corps et âme à sa famille. La seule option s'offrant à la jeune fille est de quitter le pays et retrouver son frère afin de comprendre les intentions de Grados, jusque là allié de Renais.
Au cours de son périplé, Eirika s'aperçoit que le chaos se répand partout : Grados cherche à envahir l'ensemble du continent, pour un but seul connu de son roi.
Autant vendre la mèche tout de suite : le scénario du jeu est classique. Très très classique. Mais alors classique à un point, je ne vous dis pas. Et ce n'est pas là l'avis d'un petit otaku trop gâté : Sacred Stones brasse les clichés les plus éculé des contes de fées et des histoires de chevalerie dans un monde où n'importe quel familier de l'heroic-fantasy aura l'impression d'être chez lui. Si ce sentiment familier peut se révéler plaisant, on a parfois un peu de mal à suivre ces héros aux desseins si prévisibles.
C'est là le gros point noir d'un jeu qui, autrement, s'en tire avec les honneurs. Le système de jeu n'a que peu changé depuis le dernier Fire Emblem et les améliorations apportées sont louables : les unités ont le choix entre deux classes parmi lesquelles évoluer passé un certain niveau, le jeu permet de se faire de l'expérience en dehors des combats, sans pour autant déséquilibrer la difficulté, et les graphismes ont été légèrement améliorés. A noter d'autre part que les humains ne sont plus les seuls adversaires : plusieurs monstres viendront se mettre en travers de votre route.
D'autre part, il vous sera loisible, à un moment donné de l'histoire, d'accompagner Ephraim ou Eirika dans son voyage, ce qui rallonge substantiellement la durée du jeu, que vous serez obligé de reprendre au moins deux fois si vous voulez comprendre le pourquoi du comment de l'histoire.
La difficulté n'a rien d'insurmontable pour un joueur très moyennement doué (ce que je suis), même si certaines batailles peuvent de prime abord se révéler insurmontables. Bien souvent, en effet, l'équipe du joueur se retrouve en très large infériorité numérique. Le problème vient essentiellement de ce qui arrive lorsqu'une unité tombe au combat. Dans Fire Emblem, pas de queues de piaf ou de prières pour ressuciter un défunt, un mort le reste définitivement. Il esst parfois un peu râlant de voir un combattant se faire laminer à un tour de la victoire. A vous de voir si vous êtes prêt à vous en passer ou non...
Autre petit plus, propre aux Fire Emblem : les supports. Plusieurs unités peuvent nouer des liens entre elles. Il suffit de les faire combattre côte à côte assez longtemps pour qu'elles se mettent à discuter. Ces supports accordent un large bonus de compétence lorsque vos deux unités amies combattent l'une près de l'autre. Il est à noter que ce petit aménagement permet des dialogues pour le moins surprenant : si certains personnages développeront entre eux une romance gentillette ou une amitié solide, on aura également le droit à des sous-entendus incestueux soutenus, deux ou trois pincées de yaoi ou de yuri... Cela reste cependant léger mais permet de se distraire agréablement dans une ambiance autrement assez guindée.
Sacred Stones, malgré une ambiance plutôt lourdingue, aurait donc tout pour plaire si...
Si quoi en fait ?
Eh bien je n'ai pas pu l'identifier précisément, mais je n'ai pas eu l'impression de rentrer dans le jeu autant que je le faisais avec le précédent opus, dans lequel, bien souvent, les personnages parlaient au stratège. On se sent moins proche de ces gens, pour la plupart issus de la noblesse, qui avancent vers le but dans un ordre parfait, à l'inverse du joyeux bordel qui régnait dans Blazing Sword. Il aurait peut-être fallu un peu plus d'"à côtés" dans ce jeu techniquement irréprochable. Un peu plus de scènes comiques (le personnage de la guérisseuse L'Arachelle devant assurer à elle seule 90% de cet aspect), un peu plus de dialogues, d'engueulades pour scinder cette équipe, pourtant irréprochable au niveau du design.
Sacred Stone remplit donc parfaitement son contrat. Un peu trop méticuleusement en fait, et c'est tout ce que je lui reproche. J'ai pris beaucoup de plaisir à mener ma petite armée à la bataille, mais j'ai eu beaucoup moins de scrupules à exclure certaines unités du combat lorsque je le devais, que dans Blazing Sword. Un excellent tactical, sans doute, mais qui manque un peu de roleplay.