Quel étrange destin, je pense comme vous que nous ne sommes pas arrivés là par hasard ; aussi bien, vous, que moi. Pour ma part, mon passé est complètement différent du votre. J’ai grandi dans une famille de quatre enfants ; nous étions assez embourgeoisés. Seule fille parmi trois garçons. Je ne faisais pas la loi tous les jours. J’ai grandi dans un climat familial, confortable, et sans privations, mais mon père, souvent absent ; ne contrôlait rien, ni de nos études, ni de nos attitudes.
Ma mère faisait ce qu’elle pouvait pour gérer de son mieux notre éducation. Les garçons étaient très assidus à leurs études et ne posaient à mes parents aucun problème de comportement.
Ce n’était pas mon cas ! Turbulente et peu enjouée à faire mes devoirs, je préférais des escapades en milieu naturel. J’aimais à me retrouver en pleine forêt dans le silence de dame nature. Je m’essayais au pied d’un arbre quand je ne montais pas dedans. Je rêvassais des heures entières…Je voulais être écrivain. J’avais à mon actif des centaines et des centaines de poèmes. Mes parents voyaient d’un mauvais Å“il, ce penchant qu’ils considéraient inutile à toute vie sociale équilibrée. De moins en moins comprise de mes proches je m’isolais souvent dans ma chambre et commençais à vivre en ermite ; et puis un jour j’ai rencontré un garçon qui me ressemblait en certains points. J’avais quinze ans, il en avait vingt. Il occupait une petite chambre dans un septième sans ascenseur, dans un quartier ni trop beau ni trop moche. Il continuait lui aussi des études, mais c’était avant tout un artiste. Lui c’était la musique qui le passionnait. Nous avons finis par former une belle équipe. Il mettait mes poèmes en musique et moi je le comblais au niveau de l’écriture. J’étais sa parolière favorite. Un jour, je suis parti définitivement de chez mes parents ; j’allais avoir seize ans. Ils n’ont pas cherché à me retenir. Ils n’ont même pas fait l’effort de savoir pourquoi je m’enfuyais ainsi. Ils continuèrent par contre à subvenir à mes besoins, car je n’étais encore qu’une enfant. Après plusieurs mois de vie en couple avec mon copain, la situation se dégrada car il tomba malade. Moi je n’allais plus au lycée depuis longtemps, m’adonnant à des cours de combats dans une école de haut niveau. Je voulais aussi être une voyageuse au long court, voler aux secours des plus faibles tout en continuant à écrire. Mon ami se lassa également de la folle jeune fille que j’étais, en m’en préférant à une autre, beaucoup plus sage et plus studieuse. Mes dix-huit ans allait bientôt sonner et il me fallait faire des choix. Je décidai de partir ; physiquement j’étais bien aguerrie. Sachant que je m’en irais seule, je m’étais entraînée à une vie dure et peut être dangereuse. En fin de compte je faisais tout le contraire de ce que mes parents avaient souhaité pour moi. Bien qu’ayant quelques fois regretter mon côté rebelle j’étais fière d’avoir respecté mes aspirations profondes.
Mon ex-compagnon, malheureusement mourut foudroyé en pleine jeunesse ; une sale maladie.
Et c’est ainsi qu’après plusieurs périples, je me suis retrouvée dans cette contrée, qui est désormais la notre.
Ils parlèrent longtemps dans la nuit, et c’est au petit matin qu’ils s’endormirent tout deux l’un près de l’autre ; finalement le hamac resta vide et c’est tant mieux.
Deuxième partie.
Ce qui était à l’origine une belle embarcation de croisière, ne ressemblait à présent plus à rien.
« Le Jocaste », beau bateau ayant traîné sa coque dans bien plus d’un océan, bien plus d’une mer, venait de s’abîmer dans les flots. C’était une nuit d’été et en aucun cas on ne saurait jamais ce qui avait bien pu se passer. Car ce soir là , le ciel était pourtant clair, mille et une étoiles y scintillaient, pas un brin de vent, le calme plat. Le calme total.
Sur ses trente-deux passagers dont dix membres d’équipage, nulle d’avait survécu apparemment, à part ces quatre êtres inertes sur le sable du rivage. Autour d’eux, des détritus de toutes sortes étaient ramenés avec la marée. « Barils, planches de bois, lambeaux de vêtements, enfin tout ce qui flottait. » Heureusement pas de cadavre en perspective.
Le premier à bouger fut le dénommé DragonNoir. La mer qui montait, lui avait chatouillé les doigts de pieds et c’était tant mieux. Face contre terre il essaya de se souvenir, mais en vain. Il comprit très vite, au vu de ce qu’il y avait autour de lui qu’il était naufragé.
Soudain il eut l’impression que sa tête éclatait lorsque lui vint la pensée de ses camarades. Il se redressa lentement et cria.
- « Sephira, Khlaine, Saku, où êtes-vous ? »
Sephira Sephira…
- Mais ne hurles donc pas comme ça, murmura une voix acidulée derrière lui.
Et DragonNoir de se retourner et de soupirer « Sephira… »et il retomba à terre. Sephira Strife se précipita sur lui, mais apparemment ce n’était rien, le choque, l’émotion sans doute ; il avait l’air en bonne santé…Elle lui tapota les joues tout en regardant autour d’elle. Qu’étaient donc devenus leurs camarades Khlaine et Saku ? Ses yeux s’inondèrent de larmes ; « Oh non » gémit-elle, ce n’est pas possible, pas eux… « DragonNoir DragonNoir » se mit-elle à crier à son tour « Je t’en prie réveilles toi ! Il faut aller chercher Khlaine et Saku ; et criant de plus belle : DragonNoir je t’en conjure. »
DragonNoir, tout en restant à terre, un sourire aux coins des lèvres lui répondit ;
- Mais ne hurles donc pas comme ça Sephira.
- Sacré DragonNoir, retorqua t-elle, il n’y a rien d’changé, hein…Même après la tempête, toujours ce foutu duel entre toi et moi. Un jour je te convoquerais à l’aube, et ce sera toi ou moi.
DragonNoir sourit, de son beau sourire qui décontenançait les filles.
- Allons bon…Cherchons nos camarades au lieu de nous quereller !
Elle lui sourit à son tour et il en fut ravi.
- Ma chère, votre tenue de soirée est passablement abîmée, lui fit-il remarquer.
- L’instant n’est pas propice à parler chiffon DragonNoir, fit-elle.
« Ces deux là se chamaillaient s’en arrêt, on aurait pu penser que c’était pour cacher un sentiment amoureux. » Ils se prirent la main et partirent à la recherche de leurs camarades.
C’est Sephira qui la première remarqua une masse sombre, plus loin. Ils s’approchèrent à grandes enjambées. C’était Khlaine. Les chaînes sur ses vêtements l’avait rendu reconnaissable.
- Alors mon gros, on se faisait une petite sieste sans les copains, en égoïste ? Dit DragonNoir.
- Oui, répondit Khlaine.
DragonNoir le retourna sur le dos ; pas trop de bobo apparemment ; à part une belle estafilade sur la joue gauche. Rien de grave en somme.
- Ca va aller ? Demanda Sephira.
- Faut bien, bougonna Khlaine !…
Tout à coup il se reprit…
- Où est Saku ?
- T’excites pas, on va la trouver, on est vivants tous les trois, alors elle l’est aussi. Tu sais qu’on est comme les quatre doigts de la main !…
Parfaitement conclu Sephira.
D’ailleurs Saku ne pouvait pas être loin de Khlaine, et cela s’avéra exact. Plus loin dans un ombrage, on découvrit Saku.
« Vite » crièrent-ils en cÅ“ur. Malheureusement Saku ne donnait aucun signe de vie. Son pouls était faible et son teint terreux. Elle avait souffert…
« Vite » ordonna DragonNoir » des feuilles, des feuilles chauffées par le soleil. Couvrons la avec, allumons des feux autour d’elle, vite bon dieu, c’est du sérieux. Je la sens mal. Hâtons-nous, le soir va tomber.
Il n’était pas question de bouger Saku. Il fallait d’abord évaluer la casse…Et de la casse il y en avait…Un bras cassé, beaucoup d’égratignures, et une grande déshydratation.
- Il faut de l’eau, cria DragonNoir, de l’eau absolument…Voyons ce que contiennent ces barils flottant.
L’un contenait du riz, l’autre des patates, et enfin « miracle », le troisième contenait de l’eau potable. Les soins pouvait commencer.
On alluma donc des feux, cela la réchauffa, elle bougeait un peu. On pansa ses blessures du mieux que l’on put.
On lui fit une attèle pour son bras, ses camarades quittèrent leur vêtement pour la couvrir. On l’hydrata doucement. Pour l’instant elle ne pouvait pas se nourrir. Ses yeux s’entrouvraient parfois puis se refermaient aussitôt. On craignait le pire. Il y avait aussi la fièvre qui la tenaillait. Quand la nuit fut tombée pour de bon, DragonNoir, Sephira et Khlaine firent le point.
- Moi et Sephira, dit DragonNoir, nous partirons en éclaireurs, voir un peu ce qui se passe plus loin. Toi Khlaine, tu resteras au chevet de Saku. « Adviennes que pourra. "Peut être découvrirons nous autres choses que du riz et des patates, à manger » du poisson…des noix de coco… " Peut être ferrons nous la connaissance d’un Robinson Crusoé.
Après s’être un peu nourrit de riz, ils décidèrent de dormir un peu, chacun à tour de rôle. Au petit matin, tout se passa comme prévu. DragonNoir et Sephira, prirent le chemin de la forêt. Khlaine resta auprès de Saku, continua d’attiser les feux ; il regardait son amie, et son regard était bien plus qu’amical. Il la sentait un peu mieux, il semblait avoir aperçu un petit sourire , à ses lèvres desséchées par la fièvre. Elle allait sans sortir, il en était sûr. Sûr, comme de cette belle journée qui s’annonçait à eux.
Khlaine regardait DragonNoir et Sephira entrer dans cette forêt, verte et abondante. Qu’allaient-ils y trouver, en reviendraient-ils ? Quels dangers n’y avaient-ils pas là -bas, cachés sous toutes ces plantes luxuriantes. Pour l’instant Khlaine voulait rester positif, car le moral de Saku en dépendait. Bien que très lasse elle souriait de temps en temps et affirmait pouvoir se lever. Khlaine n’était pas d’accord. C’était trop tôt.
- Nous venons juste de te faire une attelle et tu es encore fébrile Saku, tiens toi calme. Ecoute je vais essayer de prendre un ou deux poissons et de trouver quelques fruits mûrs. ( Mangue, coco, ou peut être des petits fruits sauvages, que l’on trouve sur certains arbustes.)
- Ne pars pas trop loin, lui conseilla Saku.
Elle ne voulait pas se retrouver trop éloignée de son ami. Blessée elle était tout à coup apeurée à l’idée de ne pas pouvoir se défendre devant un danger, elle qui pourtant est si bonne guerrière.
Elle décida d’obéir à son compagnon et se laissa aller au doux rayons du soleil, en ce matin ; porteur de grandes décisions. On était au printemps, ce n’était pas le froid qui leur rendrait la vie difficile…Peut être les pluies. En tout cas la priorité pour Saku c’était de reprendre des forces ; se nourrir correctement. Préparer un habitat de fortune, où ils seraient à l’abri des vents, et des dangers perpétués bien sûr, par les animaux sauvages et sans doute affamés.
Khlaine en courrant comme un fou avec piqué au bout d’un long bâton, un poisson blanc comme le sable, dont la chaire semblait fine, sorti sa camarade de ses pensées. Ils avaient envie de croquer, tous les deux dans ce beau poisson.
Ils firent un petit jeu, et mirent le poisson à dorer doucement. Il eut un goût de cendre de bois, ce fut très agréable à manger bien qu’un peu salé.
Ils espéraient que DragonNoir et Sephira leurs ramèneraient des histoires de sources existantes, de lieux habitables, et peut être habités. Tout à coup Saku, déclara à son camarade : ce poisson me donne de drôles de visions, ne serait-ce pas un mauvais coup de ta part, khlaine ? Je connais tes plaisanteries douteuses, qu’as tu mit dans le poisson ?
- Et bien, rien de bien méchant, juste histoire que tu restes zen malgré tes blessures et que tu rêves à ta nouvelle garde robes !…
- Mais tu es fou, cria Saku.
- Oui, répondit Khlaine lui aussi touché par ce pouvoir inattendu. Fou de toi !…
- Cela suffit, lui supplie Saku ; qui n’était plus dans son état normal…Je te déteste…
- Oh oui !…Oui, cria Khlaine euphorique.
Leur différent ne dura pas longtemps car soudain ils leur sembla qu’un aéronef passait dans le ciel. Khlaine et Saku se mirent à courir en agitant les bras et en hurlant : « Ohé, ohé du bateau ! » On aurait dit deux marionnettes désarticulées. Mais tout à coup l’aéronef, qui n’était que le fruit de leur imagination, disparu, à l’horizon. Puis, une voix connue, derrière eux se fit entendre. « Mais qu’est ce que vous prend, vous êtes fous de hurler ainsi ; voulez-vous qu’on nous repère, ou quoi ? C’était DragonNoir.
- Bah bien sûr qu’on veut être repérés !…Dirent en cÅ“ur Khlaine et Saku.
- Vous avez mangé du lion ou quoi ?
- Non, simplement un beau poisson blanc et délicieux de surcroît, mais il nous a fait un drôle d’effet.
- Quel effet, interrogea DragonNoir ?
- On a vu un aéronef, et Khaine m’a dit qu’il était fou de moi, murmura Saku.
- Et bien c’est du propre, s’esclaffa Sephira. Bravo !…Vous ne vous gênez pas dés qu’on a le dos tourné « vous deux ».
DragonNoir regarda le reste du repas et sourit…
- Ce poisson que vous mangez, les copains, n’est autre, que « l’ange fou », redouté et en même temps, désiré, « des pêcheurs en général ». Cette bestiole n’est qu’à consommer, qu’en cas extrêmement rares. Entre amis et non pas en égoïstes comme vous hein !…
- Mais on avait faim, soupira Saku, très faim.
- En tout cas pendant que vous faisiez votre petit rave-partie, nous avons découvert des choses bien plus saines et plus intéressantes que votre « ange des mers ».
- Et quoi donc ? demanda Khlaine.
- Nous avons trouvé rivières, promontoires, eau potable, fleuves, habitation de rêve, deux êtres de rêves ; enfin tout pour former une nouvelle troupe de « rêve ». En tout cas nous sommes conviés à dîner ce soir ; alors arrangeons un peu notre aspect physique. Toi Saku nous t’aiderons à marcher en te fabriquant deux jolies petites béquilles.
- D’accord, acquiesça t-elle.
- Vous allez découvrir un joli paradis perdu mais « Top secret ». Vous savez, dit DragonNoir, nous ne sommes pas arrivés là par hasard tous les quatre et les deux autres non plus « au fait lui s’appelle Kenji et elle Sugy », un beau petit couple en fait, quelque part nos destins vont se rejoindrent, vous verrez !…En attendant, partons, j’ai une faim de loup, souffla DragonNoir tout en prenant le bras de Saku et de Sephira.
Khlaine aidait aussi à soutenir Saku. Ils disparurent dans la forêt ; une nouvelle fois le soleil se couchait, et rien n’était meilleur, que ça, et de se savoir bientôt en autre compagnie, aussi agréable que la présence du soleil, sans doute.
_________________ Je suis l'incapacité d'aimer de Jack.
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