Balles perdues
Mission #00 – Paris, France.
RECRUTE COMPTABLE AYANT UN PERMIS DE CONDUIRE, DES ARTS CULINAIRES ET UNE LEGERE EXPERIENCE POUR PETITS BOULOTS SANS IMPORTANCES. BIEN REMUNERE. APPELER LE …
Voilà comment tout avait commencé. J'avais lu cette annonce parmi tant d'autres dans le journal habituel et elle m'avait tout de suite intéressée. Après tout, quand on avait 29 ans et qu'on venait de se faire licencier, on avait aussitôt envie de retourner dans le monde fort sympathique du travail. Non pas que mon précédent travail était ennuyant, mais il était surtout pourvu d'un défaut relativement impressionnant: mon ex patron. Acariâtre, pervers, susceptible, homosexuel (cela n'était pas dérangeant en soi, mais c'est surtout la liaison avec le deuxième argument qui rendait cela très gênant.),dangereux, paranoïaque, schizophrène et, pour finir le tout, légèrement crétin (il était au départ le fils de l'ancien patron, ce qui expliquait en partie les choses), ce qui faisait que finalement cela m'avait conduit à me faire licencier. Je n'ai pas eu de chance, c'est tout, il m'avait dragué le jour ou c'était sa schizophrénie du coté la plus dangereuse (celle ou il était Roger, l'acrobate alpiniste qui ne loupait jamais sa cible quand il lançait son presse papier), où il était certain qu'un tueur avait posé un contrat sur sa tête, où il s'était brûlé la veille avec du café et ou juste avant un des mes collègues lui avait fait comme remarque que son bureau était un véritable foutoir.
Donc il m'avait proposé de venir boire un coup avec lui, j'ai dit non, parce que je devais travailler, il m'a licencié pour faute professionnelle.
Donc, depuis j'étais sans travail et j'en cherchais un. Pourquoi je vous raconte ça ? Parce que si je n'avais pas été licencié par mon ex patron, rien de tout cela ne serait arriver et je n'aurais pas pu vous raconter ce qui suit, ce qui aurait gênant.
Donc j'avais appelé le numéro, j'étais tombé sur un homme à la voix grave qui m'avait donné rendez-vous dans un hangar désaffecté au bord de la Seine, à une heure du matin. Ce qui ne me tranquillisait pas des masses. Malgré tout, je m'y étais rendu, avec un couteau à cran d'arrêt au cas ou.
Bon, quand j'étais arrivé au hangar, je n'avais plus le couteau à cran d'arrêt que les policiers que j'avais croisés précédemment m'avait confisqué. Mais j'étais le seul à y être. Ce qui me tranquillisait encore moins.
J'attendis quelques instants dans ce hangar, et quand ma montre indiqua 3h40 du matin, je jugea bon de penser que l'homme n'arriverait pas et que j'avais fait le déplacement pour rien. Je m'apprêtais à rentrer quand un bruit se fit entendre. Et heureusement, sinon rien de tout cela ne serait arriver.
Un homme entra à ce moment précis. Il était chauve, plutôt grand, habillé d'un pyjama marron et l'air plutôt dans le coltar. Il bailla un bon coup et me dit alors, de la même voix grave qu'au téléphone :
"- Désolé pour le retard, je m'étais endormi devant Ardisson. Bernard Henri-Lévy est d'un chiant…"
Je fut surpris par cette phrase, il était en retard de 2h40 et tout ce qu'il avait à dire c'est que Bernard Henri-Lévy était chiant ? Piqué sur le vif je répliqua :
"- American Vertigo est un très bon livre !"
L'homme fit un geste de mépris, soupira et s'assit sur la chaise pliable que je venais à l'instant de remarquer, ce qui me rappela que j'avais passé les 2H40 de l'attente debout. Et à ce moment-là , je tomba en arrière. L'homme fit alors :
"- Eh bien, soit vous n'êtes pas résistant, soit vous avez fait toute l'attente debout.
- J'ai fait toute l'attente debout.
- Ah, et vous n'aviez pas remarqué la chaise pliable ?
- Non. Sinon je me serais assis.
- Très juste. Bien que j'ai connu un type dans le Montana qui ne s'est pas assis depuis la chute du mur de Berlin."
Bien que je me fichais complètement de cette anecdote dont je me serais bien passé, il me fallut quand même faire un sorte de "oh" d'étonnement, histoire de voir que je suivais. L'homme rit alors et, me fixant, demanda :
"- Bien, tu es le seul à être venu. Donc tu risque d'être le seul embauché. Bien, laisse-moi me présenter : je suis Pisces, l'un des meilleurs tueurs à gages de ce monde, tu as déjà du entendre parler de moi.
-Non." dis-je avec une légère pointe de surprise. Soit cet homme était mythomane, soit il était bien tueurs à gage. Bien que je ne doutais pas de l'existence de ce métier, il me semblait que ça n'existait finalement que dans les films ou dans les séries TV. Et si ce type disait vrai, eh bien j'avais devant moi un assassin de classe mondiale. Il avait du tuer des tas de gens. SI je fuyais, il me tuerais aussi. Je me mit à suer. Voyant cela, l'homme dit alors, sur un ton calme :
"- Si c'est ça qui t'intrigue, Pisces, ça veut dire "Poissons", en grec. Je suis né le 2 Mars, ça explique ça.
– Ah. Et... vous avez tué des gens ?
- Bah, oui.
- Et qu'est-ce que vous voulez de moi ? demandai-je alors que je me mettais à avoir les genoux qui secouaient
- Ah, toi tu es un direct, j'aime bien ! Alors allons droit au but: il y'a une semaine, alors que je me rendais à Barcelone pour tuer un magnat du pétrole, j'ai été pris par les policiers pour excès de vitesse. Résultat: ses enfoirés m'ont sucré mon permis ! Donc j'ai besoin d'un chauffeur le temps que je récupère mon permis. CQFD.
- Ah… et si je ne sais pas conduire ?
- Bah si tu as appelé c'est que tu as le permis ?
- Ah oui… (inutile de dire qu'a ce moment précis j'étais bloqué)… et les arts culinaires ?
- Ah ça, c'est parce que je ne sais pas cuisiner.
- Oui… c'est logique. Et le salaire ?
- 30% de ce que je gagne. Vu les sommes en question, je ne dirais pas non.
- Ca à l'air… cool.
- Bah, bien sur que ça a l'air cool. Jamais vu un boulot aussi facile. Alors tu dis oui ?
- Euh… "
Là je me mit à hésiter: si je disais non, je mourrais. SI je disais oui, des tas de gens mourront à cause des actes avec ma complicité, mais je serais plein aux as et vivant.
Alors j'ai dit oui. L'homme fut content, me fit un sourire franc et dit alors:
"- Ah bien sur, faut couper les ponts avec tes connaissances. Ca te gène pas ?"
Vu que mes connaissances pouvaient être résumées à : - Bertrand, un pote lourd dont la seule passion est le hentai lolicon yuri. Il est drôle, mais légèrement pervers.
- Dominique, mon frère, trisomique 21. Malgré tout le respect que j'ai envers cette maladie, converses avec lui est aussi palpitant que converser avec un enfant de 2 ans. Je n'ai rien envers les enfants de 2 ans, mais il y'a des limites. Je n'ai jamais pu le supporter. Il était toujours gâté, salué pour son courage, il avait plus de cadeau que moi à Noël, à Pâques, à son anniversaire, à sa fête et le jour du Téléthon en prime.
- Dominique, ma mère. Sans cesse stressée, se gave de calmants, est infirmière (ceci explique cela) et est sous-payée. Elle me battait dans mon enfance. Mais bon, c'était normal paraît-il pour une femme infirmière qui avait un enfant handicapé et un mari mort dans la guerre du Golfe (d'un bete accident de derrick).
- Léna, ma petite copine. Finalement, elle ne serait pas une perte. Elle est belle, mais c'est tout. Son rêve était de percer à la Nouvelle Star…
- Raymond, mon grand-père, trois passions dans la vie: la chasse, le FN et le Stade Brestois. Corse de naissance, français de cÅ“ur, con de cerveau. Il était incapable de formuler trois phrases sans sortir un "de toute façon c'est la faute à Mitterand".
Donc, finalement, couper les ponts ne me gêneraient pas plus que ça .
Le contrat fut alors signé.
Et le lendemain, j'emménageais dans ce hangar désaffecté. Avec Pisces.
Y'a rien à dire, quel nom à la con.
MISSION #00 – Clear.
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