8. Retournement de situation.
Myat?Ala, assise sur le lit, la tête entre les mains, continuait de ressasser sans cesse ses sinistres pensées. Les mots que son ancien esclave lui avait lancés avaient fait mouche. En plein dans le mille. Et elle n?arrivait pas à les oublier.
?vous êtes entrain de faire les mêmes erreurs que votre meurtrier?
« Non, non, ce n?est pas la même chose ! C?est lui qui m?a violé, qui m?a battu et qui m?a laissé crever comme une chienne sur le bord de la route, pendant des heures ! » Mais elle n?y croyait plus. L?histoire était vraie, elle venait de comprendre les erreurs de sa vengeance.
?vous tuez des innocents pour assouvir votre vengeance, et vous avilissez les femmes pour en faire une armée à vos ordres?
Elle était dans le faux. Totalement aveuglée par son désir de représailles envers lui, elle n?avait pas su mener à bien sa vendetta et elle s?était enlisée dans une guerre sans fin contre tous les hommes. Et le pire, c?est qu?elle avait entraînée des dizaines, des centaines, des milliers de femmes avec elle.
Croyez-vous que ce soit la meilleure solution ?
Non. C?était maintenant clair pour Myat?Ala comme de l?eau de roche. Ce n?était pas la meilleure solution. Elle menait tout le monde à la baguette comme une véritable tyran. Tout ce qu?elle avait réussie à faire, c?était faire souffrir tout le mode par sa faute. Pourquoi les autres devraient-elles souffrir et endurer ce qu?elle avait endurer, après tout ?
C?était égoïste de sa part. Et toutes ces femmes qui l?adulaient comme une reine, une souveraine, une déesse, presque? Elle ne valait pas mieux que l?autre, après tout.
Croyez-vous que ce soit la meilleure solution ?
Définitivement non.
Myat?Ala se leva et se dirigea vers la porte. Elle allait ordonner la libération des prisonniers, pour prouver sa bonne foi, et elle allait apprendre aux autres dames blanches l?art et la manière de pardonner. Leurs vies allaient changer. Ou plutôt leur mort.
Mathilde éclata de rire. Un rire franc, loin de ceux qu?elle employait d?ordinaire lorsqu?elle voulait intimider les hommes ou des dames blanches rebelles. C?était, pour la première fois depuis longtemps, un rire gai. Un rire qui fut soudainement interrompu par une explosion venant des sous-sols. De la prison.
Elle se rappela alors qu?Élodie était restée seule avec son meurtrier. Elle devait se hâter de les rejoindre. Si Squall et ses amis n?étaient pas trop rancuniers, ils l?aideraient peut-être même à le faire réintégrer sa prison ? Au moment même où elle posait sa main sur le loquet de la porte, une voix sombre, sans âge, s?éleva derrière elle.
« Tu t?es encore laissée bernée, Myat?Ala? »
*
* *
Le dragon Téquila tourna sur lui-même, envoyant sa longue queue dans le mur juste au-dessus de Kefka, qui choisit ce moment là pour ouvrir un ?il et crier. Fury dégagea ses amis des décombres en rouspétant sur les idées foireuses de Squall, et Kefka les rejoint l?instant d?après. Il sautillait partout, les joues baignées de larmes.
« On va mourir !! On va mourir !!
-On est déjà mort, Kef?, lâcha Haschatan en évitant à nouveau la queue du dragon qui le frôla à quelques centimètres.
-K-Ro !! hurla Erwan. Tu ne pourrais pas tenter de raisonner Téquila ?!
-Oui, parce que là , le remède est pire que le mal, ajouta Squall.
-Mais j?ai simplement dit que je pouvais aussi matérialiser Téquila, je n?ai jamais dit que je pouvais le contrôler !! »
Une langue de feu laissa une longue trace carbonisée sur le mur près de Mr.Magnum. Ce dernier se tourna lentement vers K-Ro, une veine battante sur sa tempe, et il fit grincer ses dents. K-Ro joignit les mains et se pencha en avant.
« Gomenasaï !! »
Le couinement monstrueux du dragon résonna dans la prison, et dans le reste de l?établissement. Élodie s?était mise à l?abri dans un renfoncement du mur, sous une arche encore intacte, et observait les mouvements désordonnés et maladroits du dragon. Mais d?un autre coté, elle ne perdait pas non plus de vue le preneur d?otage, son otage, et les prisonniers qui venaient de se libérer.
Le vieillard était complètement éberlué devant cet animal gigantesque qu?il n?avait jamais vu en vrai. Bien sûr, il avait déjà entendu parler de légendes concernant des dragons, leur férocité, leur feu qui sortait de leurs bouches, mais il n?en avait jamais vu en face. Est-ce à ça que les monstres des Territoires Extérieurs ressemblent ?
Puis, il songea rapidement aux profits qu?il pouvait tirer de la situation, et décida de tenter sa chance. Exploiter les imprévus à son avantage, telle avait toujours été sa politique. Lorsque, en tant qu?être vivant, il avait aperçut cette douce et fraîche jeune femme au détour d?un chemin, il avait également employé cette méthode. Lorsque les rescapés des Territoires étaient venus le libérer, il leur avait dit de le laisser ici et qu?il allait leur servir d?informateur. Lorsque Ce petit être surgit de nulle part refusait de libérer ses amis, il avait de nouveau saisit la balle au bond et le gnome l?avait libéré.
Et maintenant, il était là , face à un dragon géant qui réduisait la prison en miettes, avec une dame blanche presque inconsciente dans les bras, et l?opportunité de sortir d?ici dans le désordre ambiant sans se faire remarquer. Il était vieux, certes, mais encore agile et rapide. Seulement il lui fallait se débarrasser de son otage qui allait le ralentir.
Ni une ni deux, il lui trancha la gorge, répandant son sang sur sa robe immaculée.
*
* *
Mathilde lâcha le loquet et resta face à la porte. La voix suave et sombre qui avait parlé, elle la connaissait. Elle lui était venue en rêve, peu de temps avant que le dernier groupe de voyageurs décédés ne parvienne jusqu?ici. Elle ne se rappelait plus exactement ce que cette voix lui avait dit, mais il était question de les envoyer ?en bas? ligotés, inconscient, et surtout incapables de la moindre rébellion.
Au moment des rêves, elle n?avait pas compris pourquoi les prochains arrivants devaient à tout prix être envoyés ?en bas? aussi impuissants que possible. Mais avec les récents événements, elle avait commencé à saisir. Même ?en bas?, ils risquaient de faire du grabuge, bien qu?aucun homme n?en soit jamais revenu. Ni aucune des dames blanches qui avaient été assez folles ou assez curieuses pour y descendre.
« Tu t?es encore laissée avoir par un de ces hommes avec leurs belles paroles, leurs longues phrases enrobées de bons sentiments? » reprit la Voix. Mathilde n?arrivait pas à définir le sexe exact de celui qui utilisait cette Voix. Masculin, féminin ? Impossible à savoir. Parfois, la Voix prenait des intonations de gens qu?elle avait connu de son vivant ; son père, sa mère, des amis du village de Saxtown ; et parfois, elle ressemblait étrangement aux voix des dames blanches qu?elle connaissait.
Mais ce n?était que durant les rêves. Et là , Mathilde était belle et bien réveillée.
« Oui, tu es réveillée. Et pendant que tu es entrain de réfléchir, de penser, là , dans ta chambre, les prisonniers s?évadent, tuent et détruisent ce que tu as bâti. » La Voix était juste derrière elle, près de son oreille gauche. Mathilde eut un frisson douloureux qui lui parcouru la colonne vertébrale, et elle eut grand peine à réprimer un hurlement.
« Une de tes filles vient de mourir des mains de ton assassin? »
Mathilde se retourna brusquement, s?attendant à voir une silhouette vaguement humaine, noire de la tête aux pieds, armée d?une langue monstrueuse sortant d?une bouche aux crocs acérés, mais elle ne vit que sa chambre. Vide.
*
* *
Élodie aperçut la lame virevolter et plonger dans la gorge de la dame blanche, avant d?ouvrir la peau comme on coupe une motte de beurre, déversant un liquide sanguinolent sur la poitrine de la victime. Le dragon arriva ensuite devant elle et elle perdu de vue le meurtrier. La dernière image qu?elle ait vue était le corps inanimé de sa s?ur dame blanche qui tombait à terre comme un pantin désarticulé.
Elle se jeta sur le sol et passa acrobatiquement sous la queue de Téquila qui cancanait sans vouloir s?arrêter, oscillant de droite à gauche comme un immeuble pris d?une subite envie de bouger. Ou d?une envie de pisser. Et un immeuble qui urine, c?est relativement rare. Une fois de l?autre coté, elle se remit agilement debout, et nota que l?assassin avait disparu, laissant évidemment le cadavre mais emportant le couteau avec lui.
Un cri de rage la fit se retourner, et elle découvrit qu?un des prisonniers était entrain d?essayer de soulever l?imposant mastodonte qui s?évertuait à détruire la prison. Et celui-ci y arrivait, même. Le monstre se retourna vers l?homme avec une tête passablement étonnée, et ne réagit pas plus que ça lorsque ses pattes quittèrent le sol.
« Ça va aller Fury ? demanda l?homme à la queue de cheval qui l?avait dévoré du regard tout le temps où elle les avait conduit vers la ville.
-Aucun problème, sortez tous d?ici, je le retiens, répondit le dénommé Fury. Il n?est pas si lourd que ça, Téquila. »
Élodie entraperçu l?espace d?un instant le vieil homme qui se faufilait hors de la pièce, mais elle n?eut pas le temps de réagir. Le dragon, Téquila, poussa son couinement affreux et cracha une colonne de feu en direction du plafond, très certainement dans le but de montrer à son Atlas personnel qu?il n?aimait pas être traité ainsi.
Celui qui s?appelait Fury grogna sourdement, contracta ses muscles, et hurla en envoyant la tête du dragon dans le plafond le plus fort qu?il le pouvait. Élodie profita du fait que le dragon avait cessé de vomir son feu pour passer à son tour, juste à la suite des autres prisonniers qui fuyaient à son tour.
Elle eut juste le temps de voir de nouveau l?homme enfoncer la tête du dragon dans le plafond en criant de rage avant de passer ce qui restait de la porte de sortie et gravir les marches menant au hall.
*
* *
Mathilde n?osait pourtant pas se retourner et offrir son dos à la pièce. Elle n?y voyait personne, mais elle sentait que quelqu?un s?y trouvait. Une présence, peu amicale, voire pas du tout. Elle se colla à la porte.
« Je sais que vous êtes encore là . »
Silence. La Voix ne daigna pas répondre, ni se manifester d?aucune façon. Peut-être n?y avait-il personne, après tout ? Son esprit embrumé par ses trop nombreuses réflexions ne lui avait-il pas joué un tour, une sorte d?hallucination auditive ? Elle ne le pensait pas mais se forçait à le croire, à se convaincre.
« Tu penses qu?ils t?ont ouvert les yeux sur des fautes, Myat?Ala ? Tu penses sincèrement t?être fourvoyé durant ces années, ces siècles ? Tout ce pourquoi tu t?es battu durant cinq cents ans, tout ce que tu as construit, tu n?y crois plus ? »
La Voix. La Voix était de retour, et plus forte, plus présente que jamais. Myat?Ala sentit un mal de tête germer en elle. Et dès que la Voix parlait de son ton si calme et pourtant tellement rempli de haine, une haine féroce et affamée, son cerveau était comme transpercée par d?immenses aiguillons gelés. Elle du se contenir pour ne pas hurler.
« Je sais que tu as mal, Myat?Ala. Au plus profond de ton être, de ton âme bafouée et violée comme ton corps, tu as mal. Et quelle est la cause de ce mal, de cette douleur lancinante qui te vrille l?esprit ? » La Voix marqua une pause, comme pour lui laisser le temps de répondre. « Les hommes. »
Mathilde porta ses deux mains à sa tête et ferma les yeux. Son visage, rougit par la douleur, était constellé de gouttelette de sueur et ses doigts laissaient des traînées blanches là où elle appuyait. Elle gémit.
« Ton meurtrier t?a fait souffrir il y a des années, et tu avais réussis à te venger. Et maintenant, qui vient de te remettre en question ? Cinq hommes venus sciemment de la Terre, cinq hommes venus exprès chercher la mort sur une autoroute dans une voiture, cinq mâles qui n?espéraient qu?une chose en te rencontrant : Te soumettre. »
La Voix avait insisté lourdement sur le dernier mot, et Mathilde avait eu la sensation qu?un étau se refermait sur son crâne, serrant de plus en plus fort, à le faire éclater. Elle tomba à genoux sur le sol, soufflante, haletante, dégoulinante de transpiration. La Voix se taisait, mais elle était toujours présente. Et elle serrait toujours l?étau.
Mathilde, d?une voix étranglée, s?entendit répondre : « Je ne? pense pas qu?ils aient totalement tort? » L?étau se desserra de manière imperceptible. Mathilde reprit des forces. « Je me suis concentré sur? sur ma vengeance personnelle durant toute ces années !! Et j?ai tué? Oui, j?ai tué des centaines, des milliers d?innocentes sous ce prétexte !! »
Pas de réponses, juste l?étreinte qui diminue sensiblement maintenant.
« Il est temps de cesser de remuer le passé et de changer de comportement !! »
Un souffle glacé emplit la chambre, comme une fenêtre laissée ouverte sur un paysage hivernal, sauf que la pièce ne comportait aucune ouverture mise à part la porte close. Mathilde se releva péniblement, soulagée de la fin de cette torture cérébrale. Elle souffla et aperçut un nuage de condensation blanchâtre se former devant sa bouche.
Une forme se profilait à l?autre bout de la pièce, une forme humaine, sans aucun doute possible, entourée de filaments de ténèbres qui s?étiraient en tout sens. Le mur sembla onduler tandis qu?un pied humain apparu, sortant du néant.
Sortant des ténèbres.
*
* *
Squall, Haschatan et Erwan étaient entourés de dames blanches. Un peu plus loin, K-Ro et Mr.Magnum étaient également cernées de femmes. Ils n?avaient pas été loin, et ils avaient perdus de vue le vieil homme. Haschatan l?avait vu, dans la prison, trancher la gorge de la pauvre innocente sans pouvoir faire quoi que ce soit à cause de Téquila. Et maintenant qu?ils étaient encerclés, aucune chance de le rattraper.
« Écoutez-nous, au moins !! Le prisonnier du sous-sol s?est libéré ! Celui qui a tué Mathilde il y a cinq cents ans vient de se faire la malle !
-Ce n?est pas la peine, Erwan, dit Squall. Elle ne nous écouterons pas.
-Ne me dites pas qu?il va encore falloir se battre ! ragea Haschatan. J?en ai marre, à chaque fois je me fais prendre dès le début ! »
K-Ro, un balai dans une main et un wakisashi dans l?autre, une épée japonaise à la lame relativement courte, tira la manche de Mr.Magnum, manquant de peu de lui trancher le poignet avec son arme.
« Magnum ! Je crois qu?on a oublié un petit détail, dans la prison !
-Et lequel ? demanda Mr.Magnum, sans baisser sa garde.
-Je crois que Kefka est toujours là -dessous? »
Mr.Magnum regarda K-Ro une seconde, puis haussa les épaules. Après la énième traîtrise qu?il avait fomentée, ce gnome n?avait que ce qu?il méritait. Il pouvait bien rester coincé pendant le restant de sa mort sous les gravas, Mr.Magnum n?en avait rien à faire. Il avait d?autres chats à fouetter, actuellement. Et il avait bien peur que ces chats lui soient fatals à lui et à ses compagnons. Les dames blanches ne feraient pas de prisonniers.
Squall arma sa Gunblade et se prépara à charger. S?il devait tomber, ça ne se serait pas en baissant les bras. Il se battrait jusqu?au bout. Mais le combat ne vint pas : Élodie fit son irruption dans le hall et hurla à ses congénères de fermer toutes les issues du bâtiment.
« Il y a un intrus autrement plus dangereux que ces cinq là dans l?immeuble ! Toutes à vos postes, laissez-les libres ! » Les dames blanches, sans discuter ni chercher à comprendre, abaissèrent les armes et partirent toutes à leurs positions de gardes, sans exceptions. La tension accumulée dans la pièce se relâcha d?un coup, et Haschatan soupira longuement.
« J?ai bien cru qu?on allait encore devoir se prendre des baffes, dit-il à Élodie qui approchait les mains vides.
-Pourquoi nous laisser ainsi libre de nos gestes ? questionna Squall.
-Peut-être qu?avec un peu de chances, vous nous aiderez à chercher ce parasite qui doit se terrer quelque part ici, si vous voulez bien nous pardonner? »
Élodie, qui n?avait plus sourit depuis la visite guidée de la veille, laissa tomber son masque d?autorité et de suffisance pour arborer un sourire enjôleur des plus franc. Mr.Magnum s?avança, plantant ses yeux dans ceux d?Élodie. Des jolis yeux verts.
« Voilà . C?est avec ce genre de sourire que les autres obéiront, pas avec votre tête habituelle qui ne vous ressemble pas.
-Mais j?y suis obligée. Je suis forcée d?user de mes pouvoirs pour?
-Je vous suivrais n?importe où si j?étais assuré que vous alliez me sourire comme ça pendant le voyage?
-Magnum ! dit K-Ro exaspérée. Quand tu auras finit de draguer, tu nous feras signe, hein ! »
*
* *
Mathilde dévisagea le jeune homme qui avait émergé du vide. Celui-ci, habillé d?un uniforme mauve de la tête aux pieds, retira distraitement les derniers filaments ténébreux qui ondulaient encore autour de lui, et releva la tête vers Myat?Ala avec un sourire arrogant. Un rictus, même, provenant un homme sournois et manipulateur.
Le nouvel arrivant écarta une mèche blonde de devant ses yeux qui ne cessaient de parcourir la pièce, semblant enregistrer les moindres détails. Étais-ce lui l?origine de la Voix ? Mathilde en doutait : Ce sinistre individu n?avait pas la carrure de celui qui utilisait cette Voix effrayante. Malgré tout, il restait inquiétant.
« Ah, c?est tout de même plus beau lorsqu?on est matérialisé.
-Qui êtes-vous ? demanda Myat?Ala, méfiante. Elle n?était plus aussi acide envers les hommes, mais elle avait conservé des traces de ses derniers cinq cents ans passés à les haïr.
-Vous n?avez pas besoin de le savoir. » L?inconnu marqua une courte pause, puis ajoute, l?air satisfait : « J?ai toujours rêvé de dire ça, moi !
-Alors dites-moi au moins ce que vous faites dans ma chambre ! Et comment vous y êtes arrivé ! Et aussi?
-Holà , holà , ma belle. On se calme. »
Myat?Ala serra les dents face à cette familiarité, pendant que son visiteur prenait place, sans la moindre petite once de gène, sur son lit.
« Là est tout le problème, tu sais : Tu te poses trop de questions. Et ce n?était pas vraiment prévu au programme de mon cher patron. Enfin, je dis patron, ce n?est après tout qu?un titre honorifique, rien de plus. Je ne lui dois rien. Il a simplement eu besoin de moi, et j?ai accepté. Mais nous nous éloignons du sujet, hein ? »
Mathilde ne répondit rien, attendant la suite.
« Bien, dit l?inconnu en se relevant et en arpentant la pièce, faisant froufrouter ses vêtements violets à chaque pas. Tu sais ce qu?il avait prévu, mon patron ? Que tu exécutes purement et simplement ces nouveaux venus. C?est pour ça qu?il t?a envoyé ces rêves complètements débiles toutes ces nuits.
-Pourquoi aurais-je du les?
-Ferme-la !! Ferme-la, ferme-la, FERME-LA !!! » L?homme s?était soudainement emporté, passant d?un calme olympien à une fureur noire. Ses doigts décorés de fines cordelettes rouges reliées aux manches de son sous-pull noir tressaillaient sous les impulsions d?une force invisible. Pour le moment.
Le jeune homme regarda sa main, serra le poing et les cordelettes arrêtèrent de voltiger. Il expira lentement, et remit de nouveau une mèche en place.
« Tu sais comment je m?appelle ici, dans ce type de Monde ? Littéralement, mon surnom peut se traduire en ?feu volant?, mais toi, tu peux m?appeler Lord FireFly. C?est bien parce que c?est toi. »
Il esquissa un sourire, et lui fit un clin d??il.
*
* *
Téquila couina à nouveau lorsque Fury l?envoya valser contre un mur. Sa tête heurta une des deux geôles et il vomit une langue de feu surpuissante dans les décombres. Fury, haletant, les muscles hypertrophiés par l?action, observa un instant l?immense bestiole dont la queue battait encore l?air. Elle claqua telle un fouet une fois ou deux, puis tomba sur le sol, inerte.
Fury était vainqueur de Téquila par K-O.
Il dégagea rapidement le passage obstrué par les débris qui menait à la sortie, puis s?arrêta, interdit. Il avait entendu un gémissement. Était-ce le vieillard ? Fury fit lentement demi-tour, aux aguets, prêtant attention au moindre bruit. La respiration caverneuse de Téquila emplissait ses oreilles, mais malgré cela il réussit à percevoir des plaintes étouffées, enfouies sous les ruines provoquées par le dragon débile.
« Quelle idée ridicule d?inventer un dragon aussi con, aussi? » maugréa Fury. À l?étage, K-Ro éternua. Il souleva sans effort un morceau de mur, et dessous se trouvait l?origine des lamentations qu?il avait entendues. Enseveli sous des monceaux d?éboulements divers se trouvait?
« Kefka ! »
Le gnome ouvrit un ?il, aperçu Fury, puis referma les yeux et se remit à geindre.
« Oh? Ma jambe !! Je souffre? Laissez-moi mourir ici, je ne ferais que vous ralentir? Laissez-moi au moins voir K-Ro une dernière fois pour? »
Kefka rouvrit les yeux.
« Mais ! Où est-elle ?
-Elle est à l?étage avec Squall et le reste de la bande. D?ailleurs, je vais les rejoindre, en espérant qu?ils n?aient pas eu trop de problèmes.
-Aaahh? pleurnicha Kefka en fermant de nouveau les yeux. Je pense que je vais mourir ici, dans ce sous-sol, abandonné de tous? Laisse-moi périr?
-D?accord. »
Fury se retourna et enjamba les décombres, repartant dans l?autre sens, lorsque Kefka l?appela, paniqué : « Eh ! Eh ! Mais que fais-tu ?
-Et ben je m?en vais, ça ne se voit pas ?
-Mais tu vas donc vraiment me laisser crever ici ? » s?insurgea le gnome à K-Ro. Fury haussa les épaules, sourit, et reprit sa marche. Kefka resta un instant interdit, puis se releva sans trop de mal et couru à ses trousses, en marmonnant dans sa barbe.
*
* *
Haschatan vit arriver Fury qui se calmait peu à peu, reprenant une allure plus ou moins humaine, sans les muscles disproportionnés, avec un Kefka qui trottinait à sa suite. Les recherches se poursuivaient, et Élodie accueillait les réponses négatives avec patience, non loin du petit groupe de Trauméniens.
« Alors ? Tu t?en es sortit avec Téquila ?
-Aucun problème. Il est assommé, en bas. Mais rien de grave?
-C?est le seul moyen que j?ai trouvé pour nous sortir de là ! » s?excusa K-Ro. Elle venait de ressortir d?une salle annexe où elle s?était rhabillée avec ses véritables vêtements. Mr.Magnum se pencha en avant, observant K-Ro, puis se remit droit en poussant un soupir de désespéré. K-Ro le regarda, intriguée.
« Qu?est-ce qu?il y a ?
-Non, rien, je préférais la robe que tu portais avant. On voyait plus de choses qu?avec ce kimo? » Il ne pu terminer sa phrase, car un balais était nonchalamment venu s?encastrer avec force sur sa tête. Erwan, sans tenir compte du hurlement de douleur de Mr.Magnum, attrapa Squall par l?épaule.
« C?est pas tout ça, mais il va tout de même falloir repartir, Squall.
-Oui, je sais. Nous avons déjà perdu assez de temps parmi elles. Ces recherches ne nous concernent plus. Maintenant que nous sommes tous à nouveau réunis, nous allons partir.
-Mais comment repartir de cet endroit, au fait ? » demanda Haschatan. Tout le groupe se tourna vers lui. Haschatan les regarda tous un à un, puis grimaça un sourire gêné. « Je? J?ai dit une connerie ?
-Non, bien au contraire, réfléchit Squall à voix haute. En fait, tu viens de poser une question à laquelle nous n?avions pas encore réfléchi jusqu?à maintena? »
Un hurlement venant de l?étage interrompit le brouhaha des conversations ambiantes. Les dames blanches se précipitèrent vers l?escalier, et Erwan s?empara d?une d?elle par le bras. Elle lui lança un regard impatient.
« Ça vient de la chambre de Myat?Ala !! » cria-t-elle. Puis elle se dégagea, rejoignant les autres. Les six voyageurs firent de même, suivis de Kefka.
_________________ La vie est faite d'obstacles à surmonter pour progresser...
...moi je passe à côté...
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