cap.peter a écrit:
DragonNoir a écrit:
Le premier film de la série "La guerre des étoiles", sorti en 1977, fut un coup de tonnerre.
BANG ! En effet, je n'ai pas le connu le boum qu'à fait ce film à sa sortie, mais de rares personnes la comparent à celles d'un certains bateau qui sombre de J. Cameron.
De rares personnes ?
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Cinéma 77 (12/1977)
Mireille Amiel
Je ne crois pas exagérer, et pas tellement davantage me tromper, en affirmant que la Guerre des Etoiles est le premier film complètement décadent de l'histoire du cinéma. J'entends par là que les auteurs les plus connotés comme décadents (les Visconti, Fellini et autres), n'ont jamais, au plus fort de leur logorrhé occidentale, pu se débarrasser d'un phénomène de création. [...] Ici, pas une seconde du film n'échappe à son genre, le genre parodique. [...] Une surrabondance de citations, de références, d'allusions. [...] Une incapacité de créer ou de transformer des mythes, même d'ajouter quoi que ce soit à ces mythes (fût ce au niveau des personnages). Nous pensons "tout fait".
L'Ecran Fantastique (1977)
David Pierce
la nature temporaire du triomphe du bien n'est pas tant une conception métaphysique et philosophique de l'univers, qu'une "provision" commerciale destinée à ses séquelles éventuelles. [...] Seul Alec Guiness est un choix heureux parmi les personnages au service du bien. [...] mark Hamill est par moment trop maussade et bien trop exubérant. [...] Carrie Fisher joue avec bien du panache. [...] Le film sombre dans le grotesque à chaque fois que Harrison Ford se permet de dominer l'action. [...] Le film semble conçu aux seules fins de fournir une structure de récit sur laquelle les magnifiques décors et effets spéciaux puissent être accrochés comme autant de parles sur un collier. Ces perles miroitent et le collier lui-même est attrayant, mais on a toujours l'impression que ce n'est que du toc et que si le fil se brisait tout ce qui en resterait ne serait qu'une poignée de morceaux de verre.
L'Humanité
Tout cela appartient à l?imagerie, mais ne constitue pas forcément un film.
Le Quotidien du Peuple (10/11/77)
Prêchi-prêcha religieux, obscurantisme, élitisme fascisant, racisme, relents de sionisme [résument ce film]
Rouge (29/10/77)
Piotr G.
Mais le cinéma de science-fiction étant ce qu'il est (de la merde à peu de choses près) et la science-fiction étant ce qu'elle est, le film de Lucas apparaît un peu comme une mauvaise action, une photographie régressive d'un genre qui menace tous les équilibres romanesques et cinématographiques possibles. lucas fait l'apologie d'une science-fiction qui déjà tendenciellement n'existe plus, repoussée par la maturation du genre et dont surtout la perpétuation se fait contre la science-fiction qui vit, bouge, dérange, provoque, blasphème. la science-fiction n'a rien à faire de l'attendrissement et nous n'avons rien à faire d'une science-fiction attendrie.
Témoignage Chrétien (27/10/77)
Joël Magny
La Guerre des Etoiles est évidemment chargée d'idéologies diverses, de présupposés contestables [...] le fantastique et le merveilleux ont toujours dominé le cinéma à l'aube des plus noires périodes totalitaires.
Cahiers du Cinéma (12/1977)
Serge le Péron
Ce n'est certes pas du côté de la science-fiction qu'il faut trop s'obstiner à chercher ce qu'un film comme Star Wars peut impliquer par son succès exceptionnel. Il y a déjà quelques temps que la SF est un genre où culminent l'angoisse, la folie, la parano, la catastrophe, les amphétamines et les neuroleptiques: rien de tout cela dans Star Wars.
A l'opposé, Star Wars se veut "vision romantique, confiante, positive", atemporelle, universelle et bien sûr unanimiste, mais d'un unanimisme nouveau, qui ne relève plus d'une quelconque stratégie de la tension, qui n'est plus celui du coude à coude nécessaire contre l'ennemi intérieur et/ou extérieur, mais découle d'un consensus librement consenti, sans loi de nécessité, sans impératif déclaré ni raison, avec plaisir et avec confiance. Sans doute l'accrochage science-fiction du film permet de rapporter cette confiance, de la projeter dans l'avenir: ce qui est toujours ça de gain idéologique immédiat. Mais surtout, la référence à la SF a l'avantage immense de permettre la constitution d'un espace fictionnel fluide, sans ancrage apparent, enveloppant, sollictant: quelque chose comme la Mère Amérique pacifique et pacifiante [...]. Mais c'est aussi le capital dans son ensemble qui parle dans un tel film.
Lucas vient du camp de ceux qu'on appelait, il y a quelque temps, les nostalgiques, les pessimistes, les neurasthéniques; on sait aujourd'hui qu'ils avaient raison de l'être: aussi ce sont des hommes comme lui qui se retrouvent aujourd'hui chargés de projets gigantesques de lutte générale contre la dépression; sans doute le font-ils avec la même ardeur qu'ils ont pu mener la lutte contre la répression dans la décennie précédente [...]: l'époque est moins à la révolte contre les symboles de l'oppression qu'au revoltage tous azimuts des énergies à plat: par injection artificielle d'imaginaire perdu. Quel imaginaire ? Le retrouver n'est pas chose facile: pour un cinéaste comme George Lucas, qui a un peu plus de trente ans et se trouve être de la génération de la fin du western, la solution réside dans un retour à l'enfance; plus exactement aux conditions de son enfance et au cinéma d'aventures sereines qui a bercé celle-ci. Faute d'imaginaire contemporain "positif" disponible, la solution est dans la synthèse des anciens: le problème est donc technique; il suffit de reprendre les termes et les thèmes de ce cinéma (en fait ceux dégagés par les discours sur le cinéma), de les sophistiquer, les habiller d'effets spéciaux et de donner ces signes à reconnaître, à décoder. "Héros aussi désintéressés qu'entreprenants, méchants d'une noirceur irrémédiable", "triomphe du bien sur le mal, etc.
Dès lors, il s'agit de conformer scientifiquement le scénario à ce programme suivant la logique du computer qui traduit en signes-réponses les questions-signes qu'on lui signifie. Aussi l'histoire, les personnages, les comédiens n'ont pas en eux-mêmes une grande importance; ils sont là pour attester les intentions du scénario; ils sont le support de ces intentions. D'où cette froideur et ce sentiment que tout est déjà joué d'avance et où ce qui arrive n'est que péripétie dans un récit planifié; cette rapide impression d'interchangeabilité constante; bientôt l'impossibilité de voir dans la princesse Leia Organa autre chose que "l'héroïne à la vaillance sans défaut" annoncée au programme, [...] de faire plus que décoder Peter Cushing comme le signe absolu du maléfique [...]. Lecture garantie sans risques et vite monotone [...].
Et l'Ensemble, s'il fonctionne admirablement, laisse l'amateur de fiction sur sa faim: tout à fait logiquement, Star Wars fonctionne autant (ni plus ni moins d'ailleurs) qu'un ordinateur génial au travail et en parfait état de marche.
C'est que sans doute, d'une manière ou d'une autre, la fiction exige la passion; qu'il n'est pas de grande fiction sans grande passion et au fond de grand film sans histoire d'amour. [...] Les héros de Star Wars ne sont pas des passionnés: ils agissent intuitivement et son au fond totalement désinvestis. Les passions qu'ils rencontrent sont fugitives et compréhensives: elles ne prêtent pas à conséquence. Les rivaux coexistent pacifiquement: chose impensable dans les films d'aventure d'autrefois. Dans la fiction de Star Wars, on retrouve ls système binaire qui est le mode de fonctionnement du capital aujourd'hui: deux héros à peu près équivalents et incroyablement, délibérément, désexualisés.
Le système fictionnel de Star Wars implique bien cette participation intense et cette grande torpeur, cet engagement profond et cette grande indifférence propre à la consommation télévisuelle: indifférent l'endroit où ça se passe, ou l'époque; [...] pas important le sexe, ni la violence; ni même la passion totalitaire de "l'Empire"; ni la mort de Ben Kenobi. Tout se veut et veut rester délibérément abstrait, se donne comme principe, postulat, repère conventionnel et jamais moteur, embrayeur ou relance de fiction.
[...] Dans Star Wars, toutes les hétérogénéités sont recevables, toutes les altérités, différenes, peuvent apparaître et fonctionner dans l'harmonie narrative la plus parfaite, pourvu que tout se produise en l'absence de sexe. Ainsi est résolu le problème, à sa racine si l'on peut dire: plus de sexe, plus de passions; plus de violence, plus de fiction non plus: que de la cohabitation, de l'exploit, du désintérêt. Fini le sexe, finis les risques de conflit, les violences passionnelles et la force fictionnelle. Peu importe, la force est ailleurs, cette Force dont parle l'affiche du film.
C'est la force tranquille du capital qui a produit ce film avec une étonnante économie de moyens: conformité exacte là aussi du filmage, des trucages, des effets, au but et au budget recherché. C'est un film sage qui renoue par là avec la morale hollywoodienne qui voulait que quelque part le film puisse être édifiant: ici, dans ce qui lui tient lieu de fiction, sa conception elle-même. [...] L'histoire de la réalisation du film constituerait un vrai sujet de science-fiction et ça ferait frémir.