Note : pour une meilleure compréhension de ce qui suit, une connaissance basique de la nébuleuse Highlander est souhaitable : ce qu'est un immortel dans cet univers, etc. Ce n'est pas indispensable pour comprendre l'oeuvre dont il est ici question, mais cela ne peut qu'aider pour la replacer dans son contexte... 1994. Le "phénomène" Highlander connaît son heure de gloire : cela fait déjà deux ans que la série TV tirée des films est portée par le succès, qui ne semble pas devoir s'essouffler. Sans doute faut-il voir dans cette prospérité l'idée plutôt saugrenue et si commerciale de vouloir continuer à exploiter le filon en déclinant Highlander sur un nouveau support : le dessin animé...
Pourquoi ais-je qualifié cette idée de saugrenue ? Parce que ledit dessin animé va très clairement cibler le public enfants/jeunes adolescents. Rappelons tout de même que Highlander, à la base, c'est l'histoire d'une bataille royale rythmée par les décapitations à l'arme blanche... je ne me considère pas comme particulièrement moraliste, mais voilà quoi.
Cette réserve faite, intéressons-nous d'un peu plus près à la chose...
Il y a sept siècles, la Grande Catastrophe a ravagé le monde et détruit toute forme de civilisation, renvoyant l'humanité à la barbarie la plus crasse. Devant l'ampleur du désastre, tous les immortels se réunirent sur la Colline aux Serments - qui a un petit air de Stonehenge - et décidèrent de suspendre le Jeu, cette lutte incessante au terme de laquelle il ne pourra en rester qu'un ; ils choisirent de renoncer à l'épée pour se consacrer à la transmission de leur mémoire et des connaissances d'avant le cataclysme, devenant de véritables bibliothèques vivantes, en vue d'épargner à l'humanité de repartir à zéro. Prêtant serment en ce sens, ils devinrent des Getators.
Mais l'un d'entre eux refusa, et déclara que puisqu'aucun d'entre eux ne souhaitaient le combattre, il était le dernier véritable immortel, et réclamait donc le Prix promis au vainqueur du Jeu. Il se proclama ainsi maître du monde, pour l'éternité... Un des Getators délivra alors une prophétie : un nouvel immortel finirait par naître, un immortel qui ne serait pas lié par le serment, et qui abattrait le tyran.
Sept siècles plus tard, cet immortel est venu... Quentin Mac Leod.
Hé oui, nous nous retrouvons donc de nouveau avec un Mc Leod. Quentin est un adolescent, et son comportement est à l'avenant... Excessivement sûr de lui, impulsif, c'est un véritable chien fou, qui est loin d'être enchanté par le "Destin" qui lui est imposé. Fort heureusement, il est chaperonné et formé par un Getator qui, à défaut d'être patient, a de l'énergie à revendre : Ramirez - bien connu des amateurs des films Highlander.
Ramirez va se charger d'éduquer Quentin aux choses de l'immortalité - notamment l'art du combat à l'arme blanche - et le guider vers les autres Getators. Car il est bien entendu que Quentin, aussi bien entraîné soit-il par Ramirez, ne saurait défier de sitôt un immortel aussi expérimenté que le tyran - qui porte le doux nom de Kortan et n'est pas sans évoqué le Kurgan du premier film. Quentin a besoin de la puissance des autres immortels, les Getators... qu'il acquerra sans décapitation, le serment semblant permettant une transmission de puissance sans violence. En un rituel dont les manifestations sont similaires au Quickening qui accompagne la décapitation - débauches d'éclairs, etc. - le Getator transmet sa puissance ainsi que ses connaissances à Quentin... et renonce à son immortalité.
Quentin et Ramirez vont donc voyager, vivant diverses aventures qui forgeront le caractère du Highlander, visitant les Getators et fuyant les hommes que Kortan lance à leurs trousses, dans l'attente du moment où le duel final pourra avoir lieu...
Comme on le voit, la série animée a considérablement ajusté son modèle d'origine afin de l'adapter au public ciblé. Evacuant les aspects les plus violents - le Jeu et ses décapitations - et créant des thématiques morales et éducatives - la préservation/transmission des connaissances -, se dotant d'un personnage principal lui aussi taillé sur mesure pour permettre l'identification de jeunes téléspectateurs... Les ficelles en ce sens sont diverses et plutôt bien pensées, et se prolongent même dans des directions inattendues et plutôt matures - ainsi, l'immortalité est invariablement présentée comme un fardeau, et le fait que le Getator la perde en transmettant ses connaissances, comme une délivrance - qui en fait font le lien avec le reste de l'univers Highlander où de tels thèmes sont justement développés.
La série animée, de manière générale, n'a donc pas peur de "dévier" du modèle original établi par les films et la série TV. Le décor en lui-même est représentatif de cette volonté d'émancipation : c'est un post-apocalyptique à la Mad Max, avec ses "techno-tribus", regroupements disparates d'humains autour de quelque héritage pré-cataclysmique incompris et dispensateur d'une puissance - au sens large - inégalée. Par exemple, l'un des épisodes met en scène une bande de pillards qui a mis la main sur un fusil-mitrailleur en état de marche ; un autre, une communauté qui s'est installée dans les murs d'un monastère du Moyen-Age...
Quand je dis "à la Mad Max", je n'exagère guère. On retrouve, dans le style général, ce caractère outrancier et assez kitsh des années 80...
Puisque nous abordons la question des apparences, les graphismes sont un des points sur lesquels la série peut prêter le flanc à la critique. L'animation est parfois un peu laborieuse, et le style "Mad Max" n'aide guère à crédibiliser les aspects de l'univers les plus "atteints"... Mais à côté de cela, nous avons de belles pièces, comme par exemple Mogonda, la cité de Kortan, absolument superbe.
Un autre point qui laisse un sentiment mitigé est la mise en scène. Même si on est très, très loin de la médiocrité abyssale que peuvent atteindre certains DA destinés aux têtes blondes, on a l'impression que, sous le prétexte que le public ciblé est constitué d'enfants, les auteurs se sont dits qu'ils pouvaient se permettre certaines facilités scénaristiques. Les deus ex machina sont un peu trop fréquents à mon goût, et certaines situations complexes subtilement amenées sont brutalement gâchées par une résolution simpliste... ce qui est très dommage, car comme je viens de le dire, quand ils veulent s'en donner la peine, les auteurs savent bien ficeler leurs histoires.
Un indéniable point fort de la série, en revanche, ce sont les musiques. Comme vous pourrez vous en rendre compte en écoutant les génériques - lien dans l'image du début -, la bande-son du DA Highlander a été très travaillée, rendant bien l'ambiance générale de l'oeuvre...
Un bon dessin animé, basé sur des idées originales et séduisantes ; malheureusement, une finition un peu bâclée l'empêche d'être aussi bien qu'il l'aurait pu. Il mérite tout de même d'être vu... avec frustration, car il demeure inachevé, et le combat final entre Quentin Mac Leod et Kortan n'a jamais eu lieu.