Eltanin

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MessagePublié: 09 Mars 2007, 21:48 
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Inscription : 01 Mai 2004, 11:57
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Vaste critique des modèles sociaux humains, dont les deux épisodes sortis à  l'heure actuelle sont Dogville et Manderlay.

"Oula, encore de la dénonce dégoulinante de beaux principes", rouspètent déjà  certains. Eh bien non. Je ne connais, en toute honnêteté, aucune "critique" comparable à  celle-ci, tant elle pousse loin le cynisme... le pousse jusqu'à  l'orgasme, en fait. Il n'est pas un seul brin d'herbe qui ne soit aplati, moulu, démantibulé, dissous à  la chaux dans ce conte monstrueux.

Mais de l'herbe, déjà , il n'y en a pas beaucoup. Car les deux films se déroulent chacun dans un hangar, suggérant les murs et les habitations par de simples lignes peintes au sol. Arnaque conceptuelle ? Absolument pas. Il s'agit en fait d'une vaste pièce de théâtre, où les personnages occupent tout l'espace, avec un petit plus "filmesque" qui se passe aisément de décor. Et un hangar a beau être plus spacieux qu'une scène, il n'en est pas moins limité dans l'espace : le propos porte justement sur l'organisation sociale au sein de petites communautés fermées (et qui sentent le renfermé).

Les personnages (nous y venons) sont des échantillons représentatifs de caractères, de sorte que c'est tout un petit monde qui cohabite dans ce modeste espace. Une concentration humaine si forte qu'elle ne peut que dégénérer en une réactions chimique rapide et violente, illustratrice de ce qui se déroule lentement et sourdement dans notre monde.

Mais parlons plutôt des films (pas trop, cependant, pour faire saliver sans trop spoiler).




Dogville est un petit hangar/village retiré, peuplé d'individus bourrus et refrognés qui regardent patiemment les années s'écouler. Une bourgade plus morte que vive, donc. Pourtant, un jeune philosophe du coin (dont j'ai oublié le nom) a l'intime conviction que dort au fond de ces mornes individus un meta-power existentiel qui n'attend que d'être réveillé. C'est alors que survient une jeune femme fugitive, dans laquelle il voit l'opportunité d'offrir un présent à  ces gens qui ne savent pas recevoir.

Autant dire que la première moitié du film est très Amélie Poulaineuse, puisque Grace (c'est son nom – qui est en fait la véritable héroïne) va, tout en s'intégrant à  la communauté, gagner et ouvrir le cÅ“ur de ces rudes paysans d'la campagne. Je me suis presque laissé attendrir par tant de simplicité et de bons sentiments, et "berner" par l'agencement de prime abord optimiste des évènements.

Mais. Je ne voudrais pas gâcher la surprise (comment ça, c'est déjà  fait ? avouez que sinon, vous n'iriez pas vous procurer ce film), mais il se trouve en réalité que ce faux raisonnement "philanthrope" ne sert qu'à  mettre en place des éléments qui seront ensuite retournés avec un cynisme tout bonnement monstrueux. Eh oui, notre réalisateur scandinave (un grand malade, comme on le découvre bien vite) n'a rien laissé traîner au hasard. Sur le coup d'un petit élément perturbateur, tout, absolument tout va être démoli à  coup de répliques "cultissimes" (c'est ainsi qu'on les aurait qualifié, dans un RPG quelconque) qui résonnent avec tant de causticité que l'on ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire carn... pervers.

Du sadisme pur et simple ? Même pas, mon petit monsieur. Car, je vous le rappelle, l'Å“uvre a une portée critique (whoah) dont le thème est ici la Justice, ou plutôt exactement le Pardon. Tout tient dans le dialogue final (que je trouve absolument génial [une vraie fangirl, décidément]), synthétisant si bien le film qu'il est absolument impossible de prendre parti. Juste de constater avec quel brio les raisonnements manichéens, et même un peu moins manichéens, dans quelque sens qu'ils aillent, ont été explosés. Dogville, Å“uvre destructrice ? Disons plutôt qu'elle déblaye de terrain (à  coups que kalachnikov, certes) de façon à  ne plus laisser possible qu'une réflexion propre et lucide.

Remarquons que vous ne savez toujours rien sur le fond de la chose, et c'est normal, il faut que vous gardiez la cerise pour le visionnage. Mais indépendamment de la réflexion, la forme exceptionnelle justifie à  elle seule ces... presque trois heures de film.




Manderlay, le second volet, en est la suite directe. Enfin, façon de parler : Grace (personnage central, je rappelle) a semble t-il fait un "reset" complet, alors même que les évènements dogvilliens auraient du la laisser dans un état suffisant pour décrocher le rôle principal dans le prochain Drakengard. Eh bien, non, elle est restée aussi pure, naïve, idéaliste (et, osons le dire : co-conne) qu'au début. Sauf que cette fois, c'est elle qui tient le power, et va donc pouvoir jouer les apprentis Dieu.

Son premier terrain de jeu sera donc une plantation esclavagiste (on voit tout de suite le thème) dont elle va déloger les propriétaires, ses instincts de citoyenne américaine se trouvant profondément choqués par la perpétuation de telle pratique "après l'abolition *officielle* de l'esclavage".

Son père, toujours aussi amusé par les lubies idéalistes de sa fifille, va la laisser "faire ses preuves" sur place, en lui allouant l'aimable assistance d'une dizaine de gros machos à  gros flingues, histoire de faciliter le processus. Car Grace se met en tête de guider ce troupeau d'esclaves timorés vers leur affirmation fière et libre de citoyens américains.

On se doute déjà  que ça va finir en beauté, mais on observe avec amusement les tâtonnements de Grace comme Impératrice Suprême de la Libération des Peuples. Je dis "amusement" plutôt qu'"intérêt", parce que cette même Grace est assez piteuse, et pas forcément dans le bon sens du terme. Elle estime en effet de bon goût de se fringuer en paysanne, histoire de paraître plus proche de ses sujets, et organise des "cours" de citoyenneté qui feront frémir plus d'un allergique à  la pédagodémagogie. Ajoutons à  cela que ce n'est plus Nicole Kidman, mais par une certaine Miss "Howard" qui l'incarne, dont la doubleuse française exacerbe assez bien la "désagréabilité" naturelle. Fort heureusement, les belles claques qu'elle se prendra l'amèneront à  faire une rechute de "drakengardinite", lors d'un final certes moins traumatisant que celui du premier épisode, mais tout aussi vil, cruel, lucide.

Je ne connais pas beaucoup d'Å“uvres traitant du racisme, mais c'est en tout cas la seule qui me semble proposer une réflexion potable, bien que fondamentalement sèche et anti-démocratique. Seulement, même avec toute la candeur du monde, il est impossible de pas acquiescer un peu, tandis que se déroule le générique de fin sur fond de David Bowie (qui réveille de l'état un peu spécial dans lequel met cette chose). Le problème tient dans un terrible cercle vicieux, et c'est magnifiquement dit.

Bon, on peu quand même reprocher pas mal de trucs au film. Certes, il entre assez rapidement dans le vif du sujet (bon point, lorsqu'on n'est plus vierge de Dogville), mais s'avère souvent maladroit, et parfois très tiré par mes cheveux, dans le "non-laissage-au-hasard" de chaque élément (qui reste cependant excellent).



Et n'oublions pas qu'il s'agit à  la base d'un conte philosophique, divisé en chapitres, et amené par un narrateur dont le timbre "bienveillant" se révèlera tout aussi cynique que l'ensemble du film. Le réalisme de la trame reste donc assez secondaire, ce qui excuse pas mal de choses, et permet d'en apprécier essentiellement toute la machiavélique finesse (non, c'est moi qui m'emporte, là ).

Je dois avouer que je suis fan (non : fafan) de ce réalisateur, n'en déplaise aux critiques qui jugent son sadisme envers ses personnages plus racoleur qu'autre chose. Eh bien, je suis racolé, et en tout cas pas assez blasé pour m'en lasser. Vivement le grand final, qui devrait sortir dans quelques temps.

(Notez que je ne mets aucune image, pas même d'affiche, car cela serait, en plus d'être inintéressant, en profonde contradiction avec l'esprit de la chose.)

(Il faut que je me force à  être plus concis, à  l'avenir. A chaque fois, je m'étale et j'ennuie le peuple.)

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MessagePublié: 10 Mars 2007, 00:11 
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Saroumane le Blanc

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Je n'ai vu que Dogville mais n'ai vu qu'un rapport tres lointain avec le theatre. Il y a un parti pris de ne montrer que les elements de decors jouants (le seul pan de mur est celui ou va etre mis une affiche), mais l'ambiance se rapproche plus des contes de fees (on pensera a l'adaptation du Petit Poucet par Olivier Dahan) quand le jeu des acteurs est purement cinematographique et est d'autant plus mis en valeur par le depouillement total d'elements de decors.

Je n'ai pu, par contre, m'empecher de faire le rapprochement avec la precedente trilogie sur l'inocence composee par Les Idiots, Breaking The Waves et Dancer in The Dark dont la conclusion en forme de sacrifice m'a pour ma part profondement ennuye pour rester poli. Dogville en comparaison apparait comme un film initiatique et propose une alternative puissante et ineluctable en meme temps qu'il implique le spectateur dans une mecanique narrative implacable. Il y avait longtemps qu'un film de Van Triers ne m'avait pas autant fait bander, rien depuis The Element of Crime en fait. On s'interrogera longtemps sur la maniere dont il nous manipule pour nous amener a souhaiter et accompagner la protagniste de Dogville dans son choix final...


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MessagePublié: 10 Mars 2007, 17:32 
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Oui, par théâtral, j'entendais que les phrases ne sont jamais laissées au hasard, par opposition au film lambda et ses "Hein ?... hum... bon sang ! bordel ! fait chier !..."

Citer:
On s'interrogera longtemps sur la maniere dont il nous manipule pour nous amener a souhaiter et accompagner la protagniste de Dogville dans son choix final...


A mon avis, c'est l'absence du "pardon de dernière minute", que l'on attendait presque avec fatalisme, qui est à  ce point jubilatoire. Qu'est-ce que ça fait du bien, de jeter au loin la grandeur morale, pour une fois ! C'est là  tout le propos du film.

Merci pour les titres, je suis déjà  en train de me les procurer.

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MessagePublié: 10 Mars 2007, 18:51 
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Saroumane le Blanc

Inscription : 17 Déc 2005, 22:02
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Arkh a écrit:
Oui, par théâtral, j'entendais que les phrases ne sont jamais laissées au hasard, par opposition au film lambda et ses "Hein ?... hum... bon sang ! bordel ! fait chier !..."
Ah, je comprends mieux: tu parles des films francais. :lol:

le fait est que les anglo-saxons sont beaucoup plus efficace en general sur le plan de l'ecriture et cela depuis Shakespeare. Il y a aussi que l'influence de la television et la volonte de garder l'attention du spectateur a forme toute une generation de cineaste a maintenir a 100% l'attention du spectateur pour qu'il reste colle devant l'ecran. En France, on encense encore Godard qui n'est plus, s'il n'a jamais ete autre chose, qu'une momie purulente.

Arkh a écrit:
A mon avis, c'est l'absence du "pardon de dernière minute", que l'on attendait presque avec fatalisme, qui est à  ce point jubilatoire. Qu'est-ce que ça fait du bien, de jeter au loin la grandeur morale, pour une fois ! C'est là  tout le propos du film.
Et c'est justement ce qui, avec le recul, m'a derange. Dans l'absolu, on ne peut qu'approuver le choix de Grace (rien que son nom est signifiant...), pourtant, si on y reflechit bien, il y a de fortes chances que le commun des mortels se soient comportes comme tous les habitants de Dogville dans les memes circonstances. Meme si le massacre final (tant pis pour le spoiler, vous n'aviez qu'a voir ce film bande de faineants!) est, oui, jubilatoire, de meme que la sequence entre Grace et son pere, joue par le fantastique James Caan, on ne fait finalement qu'exorciser notre propre mediocrite a-travers elle.

Du fait de mes propres recherches, je n'ai pas pu m'empecher de rapprocher l'attitude de Grace avec celle de Jesus tel qu'il est decrit par les Evangiles et a y voir une sorte d'anti-sacrifice ou l'agneau devient le loup enrage au milieu du troupeau. Il y a aussi cette idee qui m'est venue: si le Christ devait venir (ou revenir, c'est selon les croyances), serait-il vraiment amour et pardon ou ne saisirait-il pas une mitrailleuse pour defourailler dans le tas?


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MessagePublié: 11 Mars 2007, 10:05 
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S.A.V de Lamenoire
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Un petit détail interessant au sujet du futur troisiéme volet de cette trilogie.

Dans un article accompagnant la sortie de "Manderlay", Lars avait annoncé que les deux "Graces" allaient se retrouver dans le troisiéme film, sans donner plus de détail.
Quand on connait un peu le réalisateur, cette perspective est assez alléchante, vus qu'il serait trés étonnant que le film se résume a un "duel" des deux homonymes. Il y a forcement quelque chose de bien plus interessant qui se mijote dans la comera de Lars....

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Voila une agréable soirée en perspective...


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MessagePublié: 19 Mars 2007, 22:06 
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Inscription : 01 Mai 2004, 11:57
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Rencontre entre les deux actrices, tu veux dire, où entre l'ange et le démon ?

Je me demande pourquoi Nicole Kidman n'a pas joué dans Manderlay. Peut-être Von Trier, tel Hitchcock, se montre t-il trop entreprenant avec ses actrices...

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MessagePublié: 20 Mars 2007, 00:17 
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Saroumane le Blanc

Inscription : 17 Déc 2005, 22:02
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Ou juste trop entreprenant avec Nicole Kidman, à  moins que ce soit tout simplement une histoire de cachets. Elle devient chère la Nicole. 8)


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MessagePublié: 20 Mars 2007, 22:15 
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S.A.V de Lamenoire
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Inscription : 03 Mai 2004, 01:42
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Localisation : Montauban,France
Non,non, c'est la volonté de lars: créer deux personnages homonyme, interprété par deux actrices différentes et qui finissent par se confronter dans le troisiéme opus.

Si j'ais bien compris l'article sur lequel je m'appuie, les deux actrices vont apparaitre dans le troisiéme film, chacune reprenant le personnage qu'elle incarnais dans le précédent opus auquel elle avait participé.

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