Je l'ai vu a Varsovie et j'avais écrit ca a l'époque...
ATTENTION: GROS SPOILER SUR ROMERO
Hier, je suis allé voir
Land of the Dead, dernier opus de George A. Romero sur les zombies, près de 20 ans après
Dawn of the Dead et 37 ans apres
Night of The Living Dead. Avant de parler du plus récent, j'avais envie de faire un petit retour sur la saga qui est indispensable pour sentir en profondeur le talent qui se cache dans ces films de genre.
NIGHT OF THE LIVING DEAD
En 1968, sort donc Night of the Living Dead. De quoi s'agit-il? Un groupe de gens se retrouvent dans une baraque encerclée par des zombies générés par on ne sait trop quel rayonnement cosmique et qui ont un farouche appétit pour les vivants. Déja, les codes sont donnés: un mort-vivant marche lentement mais inexorablement. Ils se nourrissent de chair humaine sans besoin nutritif et contaminent les vivants s'ils sont mordus et survivent. De toute facon, quelqu'un qui meurt devient un zombie dans l'heure.
En ce qui concerne le film: le héros est un acteur noir au milieu de blancs vicieux, lâches, mesquins. Tres vite, il apparait que les véritables monstres ne sont pas les zombies, mais les vivants. On n'est pas loin de Huis-Clos de Jean-Paul Sartre. En même temps, il est bon de rappeler que c'est un film ancré dans la culture américaine. Celle-ci est fondée sur un paradoxe: la foi en la Bible sur laquelle sont basées leurs institutions et le massacre des populations natives. Les morts revenant a la vie pour manger les vivants est une manifestation possible d'une culpabilité inconsciente, d'autant plus ravivée en cette période de la fin des années 60 avec les mouvements de libération et le Viêtnam.
ZOMBIE
Il faut attendre la fin des années 70 pour connaître une suite. Cette fois, les zombies sont partout. C'est la panique dans les villes. Un groupe de survivants s'envolent en hélicoptère et s'installent dans un centre commercial ou ils se barricadent et attendent. Ils se créent un vrai palace jusqu'à l'attaque de pillards qui permet l'invasion des zombies dans le magasin.
Nous sommes en pleine crise pétroliere, le Viêtnam s'est soldé par une défaite, les Khmers Rouges et le Watergate. Les USA continuent cependant a maintenir l'illusion d'une croissance économique. De cet époque, Romero montre des zombies errant au milieu des magasins. C'est tragi-comique.
DAWN OF THE DEAD
En 1986, Romero revient. Cette fois, il ne reste que quelques humains cherchant désespérément des survivants dans des villes dévastées. Ils vivent dans un abri nucléaire ou sont conduites des expériences scientifiques sur des zombies destinées à trouver un remède ou, a défaut, un moyen de s'en débarasser. Il y a les scientifiques, le staff technique et quelques militaires laissés à eux-mêmes. Peu a peu, ces derniers prennent les décisions les plus arbitraires jusqu'a ce que... comme d'hab, gros massacre, scene de nutrition sanguignolente, etc.
D'une part, il y a le contexte Reagan, Star Wars (le projet militaire spatial), reprise de la guerre froide à coup de Piershing et de SS20 qui ravivent la terreur de l'holocauste nucléaire rappelé par la premiere séquence d'une ville morte encore peuplée de zombies défigurés et gémissants. De l'autre, le symbole de la tyrannie militaire incarnée par les soldats qui finissent en beefsteak, je vous rassure. Par ailleurs, il y a l'apparition d'un zombie capable de ressentir des émotions, de se souvenir et d'apprendre. A nouveau, une petite interrogation sur la notion de ce que signifie "être" humain.
LAND OF THE DEAD
Le film commence cette fois par un plan sur des zombies qui errent dans des rues cauchemardesques. On souligne ainsi l'importance qui va leur être donnée en tant que personnages. Soudain, des humains arrivent en éclaireurs. En fait, ils préparent un raid destiné à ramener des vivres sur une île qui sert de dernier refuge à la Civilisation. Dans l'île, il y a les soldats et policiers, les ouvriers qui assurent la maintenance technique en échange d'un lit et de loisirs et les nantis qui habitent une tour luxueuse. Les zombies en ont marre de se faire tailler en pièces a chaque raid et attaquent la Cité, menés par un leader.
Il y a cette fois un portrait de notre monde sur plusieurs niveaux. D'un coté l'Île, symbole de l'Occident, avec ses exploitants corrompus et fourbes, utilisant la corruption pour maintenir leur influence et tenant le peuple silencieux en le muselant par des loisirs décadents et un service d'ordre musclé. De l'autre, je n'ai pu m'empêcher de faire la connexion entre les zombies et le Tiers-Monde. D'une part le leader: un grand black dont les mutilations zombiesques ressemble étrangement à des scarifications tribales. En plus, pour un zombie, il a la peau exceptionnellement colorée, ses copains arborant le teint grisâtre ou putréfié de coutume. Lorsque le chef de la cité, en conflit avec un de ses anciens lieutenants sud-américain dit "We don't deal with terrorists", cela m'a rappelé certaines déclarations récentes d'hommes politiques.
Parmi les points communs de ces films: pas d'intrigue amoureuse en parallèle. S'il y a un couple, il existe déjà avant le début du film mais de toute facon, ce n'est pas traité.
No sexual content with Romero. S'il y en a un, il est sublimé dans le cannibalisme, les corps des vivants et des morts s'entremêlant dans un dernier festin.
Si le premier opus a une fin tragique, tous les autres laissent le spectateur dans l'incertitude. Que vont devenir les héros? Ils vont continuer à survivre...