Eltanin

Le producteur d'une petite maison de production Genya Tachibana et son caméraman partent interviewer l'une des plus célèbres actrices, Chiyoko Fujiwara, 70 ans, qui vit en ermite depuis 30 ans. Ils ont l'intention de lui faire retracer sa vie et d'en profiter pour faire le tour de tous ses rôles.

Quand il commence l'interview, Genya offre à  Chiyoko une petite clé en or que l'actrice avait perdue et qui la pousse à  raconter sa vie depuis sa naissance en 1923. Elle commence par sa première rencontre avec un producteur pour un film devant servir la cause nationaliste du Japon dans les années 30-40, et à  partir de là ...

A partir de là , Genya et son caméraman assistent aux différents épisodes de la vie de Chiyoko à  l'intérieur de ces souvenirs, souvenirs se mêlant avec les rôles de l'actrice, et à  chaque fois, entre réalité et rôle, le film nous emmêne à  travers tous les films de genre du Japon depuis les années 50 (épopées historiques, films de ninja, d'espionnages, jusqu'aux films de SF). Un fil conducteur se prolonge durant tout le film : Chiyoko cherche à  retrouver un peintre jadis rencontré alors qu'elle était jeune fille, qui lui a donné la petite clé en or. Une longue course poursuite s'engage pour que la jeune fille puisse rencontrer de nouveau celui qui était son premier amour et un prince charmant.

Franchement faut arrêter d'halluciner avec ce film !


Je lis de partout sur le net "Millennium Actress est extraordinaire, la plus grande déclaration d'amour au cinéma japonais, patati patata..."

Je viens de le voir, il m'a vraiment déçu

La technique est vraiment top, en ce moment beaucoup de films d'animation sortent des grands studios japonais, et leur technique est vraiment au point. Millennium Actress est de toute beauté, pour les dessins, l'animation, les décors...

Mais à  part ça ! Pour être franc, je pense que si le film avait été tourné en live, avec une caméra et des vrais acteurs, il serait passé complètement innaperçu; ça aurait été un téléfilm diffusé un samedi soir sur M6 qui aurait eu une ou deux étoiles sur mon prog télé, et que personne n'aurait regardé.

Pourtant aujourd'hui, pour les fans de manga, tout ce qui vient du Japon est forcément fabuleux ! C'est vrai aussi pour une partie de la critique qui culpabilise d'avoir, à  l'époque, craché sur tous les mangas en général avant de découvrir Miyazaki.

Seulement c'est pas parce qu'un film d'animation est bien foutu techniquement qu'il doit forcément atteindre le statut de chef d'oeuvre !

Ici, c'est l'histoire d'une femme sur la fin de sa vie qui se rappelle l'homme qu'elle a toujours aimé. En fait, toujours aimé... disons qu'elle lui a parlé 5 minutes une fois quand elle avait 14 ans, et qu'elle l'a croisé une deuxième fois quelques année plus tard.

Alors forcément, elle est amoureuse parce que c'est un artiste peintre opposant au gouvernement; le rebelle, le bellâtre, le pur cliché quoi. La figure parfaite qui passe à  la moulinette du kitsch d'un scénariste japonais, qui fantasme sur le caractère mystérieux et libérateur des héros de la resistance occidentaux...

En gros tout est kitsch dans ce film. Tous les films dans lesquels a joué l'héroine; des fois c'est assumé comme Godzilla ou les films de navette spaciale, mais les films de samurai sont ridicules... Si c'est pour rendre hommage aux films de Kurosawa faudra reppasser. Puis y'a ces films de seconde zone, d'aventure, de bandits, de romance, les films d'espionnage avec la princesse du moyen âge qui se bat comme dans les derniers films d'actions hongkongais... je baille là . Tout cela donc se mélange dans la carrière de l'actrice, enchaînant les époques, mais variant sur la même situation. Mais ça donne pas beaucoup d'effet, c'est assez fade. Vous prenez les situations les plus stéréotypées de chaque type de film et vous les mettez bout-à -bout.

L'histoire d'amour est complètement kitsch, vous voyez c'est la fille qui a 70 ans est toujours amoureuse de celui qu'elle a vu 5 minutes 55 ans avant, qui n'a jamais pu se l'enlever de la tête, et toujours prête à  mourir pour lui. Même si scénaristiquement c'est justifié par la sorcière du Chateau de l'Araignée, c'est du vu et revu et ça n'a aucun intérêt. Faudra m'expliquer le génie de cette histoire banale basée sur un amour impossible...

Tout le travail de nostalgie effectué est complètement kitsch, où on se souvient avec émotion des objets et situations de notre enfance... un peu comme dans Amélie Poulain, mais en un peu plus lourd encore. Parce que je vous explique, en ce moment en France il parait que la nostalgie est à  la mode. Tout le monde se passionne pour les arbres généalogiques et les années d'entre-guerre. Apparemment au Japon c'est aussi le cas pour certains. Alors on nous montre "l'âge d'or" du cinéma des années d'après guerre, en esperant susciter ce sentiment de nostalgie chez les spectateurs.

Mais quelle nostalgie ressentir pour ces films de série B qui, même à  l'époque, ne suscitaient aucun intérêt ? De toute façon, même l'actrice du film dit qu'elle se foutait du cinéma et ne faisait ça que pour retrouver son homme ! Du coup, la "déclaration d'amour" de Millennium Actress au cinema japonais en prend un sacré coup, vous trouvez pas ? En plus je pense que dans la vraie vie, c'était la même chose pour la plupart des gens. Je parle pas des chefs-d'oeuvres de Kurosawa, mais de cette floppée de films de genre sans génie, qu'on nous présente dans Millenium, sur lesquels la plupart du staff technique devait bosser pour nourrir sa famille, rien d'autre, et qui n'aurait aucun plaisir particulier à  évoquer leurs souvenirs à  ce sujet, en supposant qu'ils s'en souviennent.

Une exception tout de même : le dessin d'elle-même que l'héroïne retrouve dans les décombres de la boutique familliale réduite en cendre par les bombes US (dixit IAM ), et qu'elle conservera jusqu'à  sa mort; le sentiment de nostalgie produit par le souvenir d'une vie paisible d'avant-guerre est cette fois-ci bien réel, et rappelle le Tombeau des Lucioles. Ce qui est dommage, c'est que le seul moment vraiment réussi de ce film basé sur la nostalgie du cinema de fiction se fonde... sur la réalité des horreurs de la guerre. Cette scène n'a même pas quelque chose à  voir avec l'histoire d'amour de l'héroïne; et pourtant, ce portrait dont il est question, dans cette scene quasi anecdotique vis-à -vis du reste de l'histoire, sert à  illustrer l'afficher du film. Paradoxal, non ? Selon moi, l'aveu d'un echec de la part du réalisateur.

Et enfin les deux reporters gâchent encore plus le film, avec le journaliste fou amoureux en secret de l'actrice, qui s'imagine avec son bouc ridicule dans tous les films de la star en sauveur serviteur et modeste; et le caméraman qui ferait mieux de se jeter dans une rivière. Vous trouvez le film drôle vous ? Les scènes où les deux compères apparraissent sont toutes insupportables, elles plombent toutes l'ambiance.

Pour résumer : sujet ininterressant, traitement banal. Enfin après, à  vous de vous faire un avis. Le film vaut quand même le coup d'oeil, comme je l'ai dis, pour la technique (les dessins et l'anim ressemblent plus à  Jin Roh qu'à  Perfect Blue étrangement je trouve) et un peu pour l'ambiance, qui pourrait bien se passer de l'intervention des journalistes. Les fans devraient quand même ouvrir les yeux, et critiquer de façon plus objective les "oeuvres" qui viennent de leur studio préféré. Avec ce genre de film banal, le cinéma d'animation japonais perd ce qui fait sa particularité. Vous ne serez plus crédibles si vous mettez Millennium Actress à  côté de films tels que, par exemple, Jin Roh pour l'amour impossible, ou Porco Rosso pour la nostalgie des jours anciens. Et dites pas le contraire, je vois des 5/5 sur Millennium sur tous les sites où le film est chroniqué !!

Alors, c'est bien ou pas, ce film, en définitive ?