Eltanin

Emily et Lee vivent une vie à  l'image de leurs parcours : déglinguée, chaotique, sur le fil. Lee espère un come back sur la scène musicale, plus de dix ans après ses grands succès. Emily se veut son coach et sa muse, à  grand renfort d'encouragements jaloux et d'héroïne.
Et c'est l'héroïne qui, justement les sépare. Une prise de trop, et Lee décède d'overdose tandis qu'Emily purge une peine de six mois de prison pour avoir fourni la drogue qui l'a tué. A son sortir de cellule, il ne reste pas grand chose à  la jeune femme : un peu d'argent, quelques contacts à  Paris, et surtout son fils, Jay, que ses beaux-parents élèvent au Canada. Mais Emily comprend qu'elle est encore incapable d'élever un enfant dans son état. Elle saute le pas et l'Atlantique. A Paris, elle se refera une vie et deviendra "clean".

Clean est un chef d'oeuvre, n'ayons pas peur des mots. Je n'ai pas été aussi impressionné par un film depuis Kill Bill, dans un registre totalement différent. Olivier Assayas présente un film patchwork, ou une Maggie Cheung extraordinaire campe Emily, paumé mais pas tant que ça, décidée à  se reprendre en main. La grande force du film, c'est que jamais l'héroïne n'est présentée comme une mère courage ou une repentante. Emily sait qu'elle a déconné, très sérieusement. Mais elle veut s'en sortir, pour Jay, pour Lee, et surtout pour elle-même. En ceci, elle se révèle totalement crédible. Et si elle galère, ses galères restent toujours suffisemment réalistes pour que l'on y croit. Au détour de ses pérégrinations, elle va croiser des figures diverses et étonnantes : une productrice déjantée et bienveillante (Béatrice Dale, étonnante pour une fois), une secrétaire un peu hystérique, Tricky, un beau-père lucide mais dépassé par les événements, et un fils bien plus au fait des choses qu'on pourrait le croire. Au passage, Assayas réussi la gageure de filmer un enfant pour ce qu'il est réellement, ni petit adulte ni caricature niaise, un exploit total.
La photo est exceptionnelle, à  la fois simple et travaillée, le procédé "caméra à  l'épaule", utilisé uniquement quand il faut, est parfaitement maîtrisé. Quant à  la bande son, elle est aussi mémorable que discrète : on croise en effet le groupe Metric, Tricky, déjà  mentionné, et également la voix étonnante de Maggie Cheung.
Clean est le portrait humble et beau d'un être humain dont on ne peut que se sentir proche, qui ne porte aucun jugement, et se contente de suivre tranquillement Emily sur un chemin pas toujours drôle, mais qui continue, quoiqu'il arrive. A voir, à  voir, à  voir.

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There is no room for '2' in the world of 1's and 0's, no place for 'mayhap' in a house of trues and falses,
and no 'green with envy' in a black and white world.