J'avais lu sur cette oeuvre de très mauvaises critiques, propres à dissuader le spectateur averti de se risquer dans une salle obscure pour visionner un long métrage américain banal et sans profondeur.
Quelle erreur ! Car sous un pitch aussi simple qu'excitant - un homme se découvre la capacité de projeter son esprit dans le passé pour influer sur le cours de ces choses -, le film cache une foule de bonnes intentions. A commencer par la volonté affichée de ne reculer devant rien, de refuser la plupart des concessions au bon goût tel que les Américains l'entendent. Et le long métrage de nous présenter un père non seulement violent, mais pédophile, des enfants psychotiques, des adolescents traumatisés, une prostituée, des mutilations et même la figure fascinante de Thumper, sorte de Vitriol Tenebrae lubrique, un gothico-sataniste dont l'obésité n'est pas un frein à la consommation sexuelle à haute vitesse d'un grand nombre de jeunes filles branchées sur le sado-masochisme... Ces éléments malsains sont loin d'être exploités jusqu'à plus soif. Ici, pas de surenchère, juste la mesure adéquate de toutes choses. Aussi, les ingrédients suscités restent secondaires dans l'histoire.
Les dialogues sont simples et efficaces, les acteurs habités par leurs rôles, sans toutefois livrer de performances extrêmes, et la mise en scène bien conventionnelle. Des idées intéressantes telles que la maquette-boîte aux lettres relèvent la sauce et font de ce film une belle petite machine qui fonctionne comme sur des roulettes.
Dommage, dommage, que "l'effet papillon" qui donne son titre à l'oeuvre n'ait finalement pas grand-chose à voir avec la thématique des paradoxes temporels développée avec minutie tout au long de l'intrigue. Dommage aussi que tout ceci soit traité clairement, sans subtilité (à l'opposé d'un "Donnie Darko" qui demande au spectateur de mettre son cerveau à contribution). Dommage enfin que le surprenant renversement de point de vue que l'on peut déceler dans l'une des dernières scènes (confrontation avec le psychiatre), plaçant l'espace de quelques instants le personnage principal dans le rôle d'un dément, ne soit guère exploité.
Il y avait possibilité de grands malaises, de psychologies plus soignées, de création d'une ambiance unique. Le film manque de temps, de sens du détail... et de force personnelle. Peu de partis pris, nous avons là encore un produit hollywoodien, une sorte de grand téléfilm, voire un long épisode de la série "Au-delà du réel". Tristesse.
