Ce film sorti en 1930 est d'une rare cruauté dans son propos. Pitch : un professeur mécontent que les lycéens dont il a la responsabilité fréquentent un cabaret douté nommé "L'Ange Bleu" se rend sur place et s'éprend d'une débauchée appelée Lola. C'est le début d'une déchéance atroce pour cet homme d'esprit...
Le cinéaste Josef von Sternberg accomplit un travail remarquable sur la bande sonore : la quasi-totalité des musiques sont diégétiques (dans le sens où elles sont intégrées au déroulement de l'histoire ; par exemple, quand une radio diffuse une musique dans le long métrage, c'est diégétique... oui, c'est dans mon école de cinéma que j'apprends ça et cela m'intéresse fort). Lors des entretiens se déroulant dans la loge de Lola, des ouvertures occasionnelles de porte par des tiers justifient l'intrusion de la musique festive, en même temps que le personnel de la troupe ambulante traverse la pièce.
Venons-en à ces figurants, justement. Dans la première partie, on peut noter le clown triste comme une figure marquante. Et pour cause, c'est lui le témoin impuissant de la compromission du professeur et aussi l'image de son avenir, le prophète sinistre de sa pathétique destinée. Les autres protagonistes mineurs, que ce soit les étudiants, les professeurs ou les spectateurs, sont réalistes, dans le ton du récit.
L'interprétation d'Emil Jannings, aussi amusante qu'approfondie, donne la réplique à Marlene Dietrich, la légende à qui il fut donné d'incarner le rôle de Lola. La chanteuse n'apparaît pas plus heureuse que le professeur Rath dans cette sombre histoire : elle y est la victime de ses propres désirs. Si elle est incapable de trouver le bonheur, c'est bien par son égoïsme et son mépris pour les sentiments d'autrui. L'oeuvre apparaît donc, sous le cynisme de la dérive qu'elle raconte, comme des plus humanistes.