Iron man est tout à fait ce qu'il te faut. Et encore, tu trouveras peut-être ça trop sombre pour toi.
Pour
Watchmen, la bande dessinée est officiellement définie comme une déconstruction du genre super-héroïque. Tu vois,
The Dark Knight, c'est juste Batman en version ultra-sombre et "réaliste".
Watchmen, c'est différent, c'est à l'opposé du concept même de super-héros, de tout ce qu'on y recherche habituellement : puissance mythologique, iconisation des personnages, ennemis récurrents, monde manichéen, valeurs simples, bref, une histoire dynamique et un univers divertissant où le lecteur va se plonger pour un grand bol d'air frais.
Ce roman graphique (l'oeuvre a quasiment inventé le terme !) se définit donc comme suit :
- Univers uchronique réaliste,
- Chronologie détaillée de ce monde parallèle,
- Grande galerie de personnages secondaires,
- Élément fantastique unique,
- Grande proportions de phases d'enquête et de simples dialogues,
- Scènes d'action rares, brèves et sanglantes, réduites au strict minimum pour un impact maximum,
- Multiplication des points de vue dans la narration,
- Sobriété et retenue dans cette même narration,
- Absence totale de manichéisme, l'unique personnage à voir le monde en noir et blanc est
Rorschach, notre ami sociopathe d'extrême droite, autant dire que ce n'est pas un exemple,
- Détournement des héros costumés (personnages fous, bedonnants, impuissants, qui meurent la cape coincée dans une porte de chambre forte, lardés de défauts et de péchés, souvent aux antipodes des parangons de vertu qu'ils sont supposés constituer),
- Questionnement de l'idée même de héros costumé, de l'héroïsme, et enfin simple questionnement existentialiste, et justification de tous les points antérieurs par ce questionnement (le monde n'a pas de sens, c'est à l'être humain de lui en donner un).
En vertu de ces objectifs, la B.D. est un chef-d'Å“uvre. Elle accomplit chacun de ces buts et offre une galerie de personnages sympathiques et humains, fondamentalement faillibles, entraînés dans une enquête policière aux enjeux planétaires, le tout doublé d'extraits d'un comics de pirate fictif expliquant la position de leur antagoniste (d'immondes sacrifices pour sauver ce qui lui est cher).
Pour une meilleure perception de l'évènement qu'elle constitue, je te recommande :
* Plusieurs relectures de la bande dessinée (essaie l'ancienne VF ou la VO, par contre, la nouvelle traduction est toute pourrie), tu découvriras combien elle est riche, impeccablement structurée et plus équilibrée que le film,
* L'ouvrage
Watching the Watchmen qui explique pas mal de choses sur le développement de l'oeuvre ainsi que son impact,
*
À la portée de chaque internaute, The Annotated Watchmen[/url], qui rapporte méthodiquement toutes les informations fournies par la bande dessinée, au premier degré. On découvre ainsi des indices sur la culpabilité de l'antagoniste principal, ainsi que l'identité de Rorschach,
dès le départ, sans parler des éléments uchroniques (voitures électriques, dirigeables) dissimulés à partir des premières cases.
Pour revenir au film, il me semble évident que Snyder n'a compris
Watchmen que superficiellement, avec le discours "anti-apocalyptique" et l'oblation idéologique de l'antagoniste principal, sans jamais creuser, sans jamais percevoir une once de la profondeur de ce matériau. Par exemple, le vendeur de journaux et le lecteur de l'histoire de pirates sont réduits à des figurants, l'histoire de pirates en question est séparée du propos pour devenir un film d'animation à part (mais qu'est-ce que l'enfer ?
), le héros de l'histoire de pirates ne se construit plus un radeau en cadavres humains, Hollis Mason et son destin n'existe plus, le psychiatre de Rorschach fait une apparition éclair et ne subit aucune évolution psychologique, etc, etc.
Pire encore, le film a le cul entre deux chaises, voire trois, puisqu'il cherche à "déconstruire" le mythe des super-héros cinématographiques (la splendide combinaison à la
Batman Begins du Hibou, la tenue
Batman & Robin d'Ozymandias) tout en les montrant accumuler les exploits surhumains, le kung fu et les membres brisés.
Ceux qui ont aimé le film, lisez la BD. Ceux qui n'ont pas aimé le film, lisez la BD. Ça ne peut faire que du bien.