Après tout ce temps, j'ai à mon tour découvert la série - aiguillé dans cette direction par le somptueux avatar qu'arbora un temps Amo, qui, allez donc savoir exactement comment et pourquoi, parvînt à m'intéresser au plus haut point, à me faire réagir... Bref.
Rin Tohsaka et son Archer...
Tous les dix ans a lieu la Guerre du Saint Graal, dont l'enjeu est ledit Saint Graal, qui exhaussera le souhait le plus cher de celui qui y accèdera.
Le Saint Graal, objet de nature spirituelle, ne sera accessible que par le biais d'une entité spirituelle.
D'où la nécessité pour qui le convoite de faire un pacte avec une entité de cet acabit.
Le Saint Graal opèrent une première pré-sélection en ne permettant qu'à sept élus de se lancer dans la Guerre, qui deviennent dès lors des Maîtres et peuvent invoquer des Gardiens.
Le Saint Graal apparaîtra devant le dernier Gardien "en vie", qui pourra alors y accéder, et voir son souhait exhausser - et permettra par son biais à son Maître d'en bénéficier également.
L'objectif est donc l'extermination des Gardiens, mais comme ceux-ci retournent d'où ils sont venus si leur Maître décède, et que les Gardiens sont généralement capables de se défendre, la cible la plus évidente... ce sont les Maîtres.
Maîtres qui doivent donc gérer intelligemment leur ressource, leur Gardien, entre leur défense et l'attaque de leurs ennemis.
Je crois avoir fait le tour, à première vue, de la série.
Un individu suspicieux sentira venir gros comme une maison certains des plus énormes clichés du fantastique en général et de la japanimation en particulier.
L'Eluuu...
La question des souhaits, prétexte à
a) de la morale guimauve sur le caractère irréaliste des souhaites les plus utopiques, ou
b) de la psychanalise sur le passé torturé impliquant une enfance masochiste marquée par la mort tragique de l'animal de compagnie.
L'irruption dans la "vraie vie" du Grand Secret, la maaagie, et tout ce qui s'ensuit sur la dissimulation du secret, etc.
Et j'en oublie certainement.
Hé bien... soyez agréablement surpris : Fate/Stay Nigth esquive avec un brio méritant d'être salué ces écueils ! Bien sûr, il se trouvera des gens pour dire que je suis trop bon public et qu'il y a des fautes de parcours, mais c'est moi qui écrit.
Fate/Stay Night, à partir des bases exposées plus haut, va déployer une histoire aux nombreuses qualités, où les incohérences apparaîtront là où on les attend le moins - car oui, même si, comme vous devez l'avoir compris, j'exprime un avis positif sur cet animé, je ne saurais nier qu'il y a des failles - et où surtout l'audace et les prises de risques seront légions, bien loin de sentiers battus et du recours massif aux plus grosses ficelles.
La première chose qui frappe dans le scénario, c'est sa densité. Il n'y a tout simplement pas de temps morts, tout s'enchaîne avec une efficacité toute mécanique. Cette Guerre du Saint Graal va durer une dizaine de jours, et va être intégralement bouclée en 24 épisodes. Sans ellipses temporelles, ni "téléportations". Que ce soit chronologiquement ou spatialement, Fate/Stay Night est uni, solide et compact.
L'une des premières conséquences en est de brouiller les repères sur le rythme que l'on pouvait attendre. Ainsi, ce qu'il serait convenu d'appeler "l'épisode d'introduction", premier épisode où le personnage principal et son entourageeontst exposés en dix minutes, suivies de dix minutes de basculement avec comme apothéose cinq minutes où le surnaturel fait irruption, tient en respect les problèmes qui ont causé le basculement et où on peut s'attendre à avoir des explications dans le second épisode... cet "épisode d'introduction" s'étale sur trois épisodes. Rien que ça. Aucun sentiment de lenteur. "Progressif" est le maître-mot, mais soutenu par une régularité soumise à la logique. On ne s'ennuit pas, on se fait absorber inexorablement.
En clair, Fate/Stay Night ne lâche pas tout d'un coup et on peut déjà noter la maîtrise avec laquelle les choses sont introduites, exposées, dévoilées, expliquées et entrent en jeu. Il en résulte un édifice à la construction irréprochable, aux fondations exceptionnellement stables.
Venons-en au contenu à proprement parler. Nous avons a priori une série qui va indéniablement s'inscrire dans le genre "Combat & Magie". Après tout, le Saint Graal, déjà , ça donne le ton. Les Maîtres sont a priori des magiciens. Et les Gardiens sont là pour combattre.
Inutile de prétendre le contraire, Fate/Stay Night remplit plus que largement le cahier des charges à ce niveau-là . Les affrontements entre les Gardiens sont spectaculaires ; ces petites bêtes disposent de talents cachés redoutables et redoutés, extrêmement variés, qui assurent que le spectacle soit au rendez-vous.
Mais ce n'est pas là le fil rouge de la série, ni le principal intérêt que je lui trouve.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, Fate/Stay Night va nous mettre au premier plan une histoire relationnelle, le développement d'une relation pour être exact. Une relation amoureuse qui ne dira pas son nom pratiquement jusqu'à la fin.
Accusez-moi d'y être sensible uniquement parce que je n'ai pas été nourri de Love Hina et autres animés sentimentaux, mais franchement, la façon dont la relation en question se construit m'a intéressé, touché, ému, bref, c'est ça qui me vient à l'esprit quand j'évoque la série. Une relation qui se voit appliquer le même traitement qu'au scénario dans son ensemble. Et là encore, nous sortons des sentiers battus pour retourner aux sources, aux fondamentaux, avant leur corruption et leur transformation en clichés.
Si je ne devais citer qu'un seul exemple, ce serait celui du coup de foudre. Nous n'avons pas là le coup de foudre stéréotypé, romantique dans le sens le plus guimauve et péjoratif du terme. Nous avons là un vrai coup de foudre, que j'hésite à qualifier de réaliste vu que je ne saurais en être sûr ne l'ayant pas éprouvé moi-même, mais auquel je peux croire.
Les personnages concernés ne vont pas plus se tomber dans les bras, soumis à l'impitoyable diktat scénaristique. Ils vont s'observer, se faire des idées l'un sur l'autre, les confronter, essayer de se comprendre, se manquer, se retrouver à tâtons, reculer volontairement ou involontairement, avant de s'avancer à nouveau timidement... Et, grâces soient rendus aux dieux, le burlesque, deus ex machina si souvent utilisé à tel point qu'il semble devenu obligatoire, sera épargné à cette histoire.
En clair, comme je l'ai dit plus haut, cela touche, et c'est là le principal pour ce genre d'histoires. Loin de l'eau de rose, une vraie relation que l'on voit éclôre.
Et là où la maîtrise que j'ai déjà saluée devient vraiment fabuleuse, c'est que c'est aspect très prosaïque est intimement et symbiotiquement lié à l'aspect surnaturel. Il l'utilise, s'en sert comme ressort... et lui pique la place sous les projecteurs. La Guerre du Saint Graal devient un élément de décor, qui explique, rend possible, justifie, mais le vrai enjeu se situe ailleurs, dans cette si simple, humaine et "normale" histoire d'amour.
Rien que pour ça, Fate/Stay Night mérite d'être vu, pour peu qu'on n'ait pas consciencieusement démoli sa sensiblité et blasé son esprit en le soumettant à un traitement de revêtement "macho cynique" que rien n'émeut, qui affecte le ricanement devant les scènes d'émotions.
Mais rassurez-vous, nos pulsions plus basiques seront satisfaites. N'ais-je pas dit que la série remplissait très largement son cahier des charges dans le registres "Meulage & effets spéciaux" ?
Nous avons donc nos sept Maîtres, engagés dans la Guerre du Saint Graal. A priori, chacun est un magicien, afin d'avoir su et pu invoquer son Gardien. Les Gardiens sont des âmes héroïques, qui ne se sont pas dissoutes à leur mort en tant qu'humain mais ont survécu sous cette forme. Ils ont acquis des qualités surnaturelles liées au mythe qu'ils ont suscité et sont rattachés à sept archétypes héroïques : l'Archer, l'Assassin, le Berserker, l'Epéiste, le Lancier, le Magicien et le Voltigeur. A noter que le Saint Graal veille et que chaque Maître recevra un Gardien issu d'un archétype différent, de sorte que la diversité - et donc les chocs spectaculaires et tactiques - soit bien là .
Un tel champ est riche, extrêmement riche. Et cette richesse ne sera pas ignorée. Mieux, elle sera même fructifiée. Car Fate/Stay Night, ce sont ausi de sacrées audaces, d'incroyables prises de risque. "Qu'importe que l'on viole l'Histoire si c'est pour lui faire de beaux enfants !" a du être écrit en lettres d'or, police 200, sur le mur du studio. Sauf que là , ce n'est pas l'Histoire qui est prise avec passion et violence, ce sont les mythes, qui en sortent... réorientés, éclairés sous un jour inédit... et ça passe ou ça casse. En ce qui me concerne, ça passe pour la plupart, mais certains de mes contacts à qui j'ai fait découvrir m'ont signifié que pour eux, ça cassait... Là encore, je ne peux qu'implorer l'ouverture d'esprit, la réceptivité à l'audace et à l'innovation - même si, comme je le dis, moi-même j'ai assez mal accepté certains points.
Dans tous les cas, un réel travail sur les mentalités, influencées à la fois par le lieu mais aussi par l'époque d'où peuvent provenir les personnages, est sensible. Une part non négligeable de la complexité de l'histoire d'amour que je vante plus haut vient incontestablement de ce que lui, Emyia Shirô, est un lycéen japonais de la fin du XXe siècle, et qu'elle, Sabre, est une femme chevalier du Haut Moyen Age européen...
A ce stade, vous devez avoir compris que Fate/Stay Night aime bien nous donner l'impression qu'il enfonce des portes ouvertes pour bifurquer au dernier moment et abattre un jeu inattendu au dernier moment. Les fameux clichés évoqués plus haut n'échappent à ce traitement : ils semblent bien là , oui. Et ils seront tous démontés au final, la situation apparemment imposée par le cliché justifiée par un tout autre biais, cohérent, original ou inattendu, mais en aucun cas par l'appel au convenu.
Gilgamesh, âme héroïque qui a une âme de poseur
Le résultat, concrètement, est une oeuvre graphiquement splendide. Le seul point noir est la scène massacrée où il a bien fallu faire plaisir au fils du PDG - précisemment parce que c'est le fils du PDG - qui voulait absolument monter qu'il savait (mal) incruster une (mauvaise) animation 3D.
Puisque nous évoquons la pure esthétique, la bande son mérite elle aussi d'être signalée. Comme on peut s'y attendre, les inspirations et les ambiances évoquées s'efforcent de se montrer aussi variées que les horizons dont proviennent les protagonistes.
Bon, après cette envolée dithyrambique, remettons les pieds sur terre.
Il est important de noter que Fate/Stay Night s'inscrit dans un plus vaste ensemble, le Fate Project. Présent sur plusieurs supports, il s'agit d'autant de versions légèrement décalées et différentes les unes des autres du même événements - cette Guerre du Saint Graal - mais qui se veulent complémentaires dans le sens où elles sont alternatives les unes aux autres.
En clair : la base est commune, et certaines informations sont valables pour plusieurs, voire toutes, les variantes.
Et malheureusement, les auteurs eux-mêmes se perdent un là -dedans, négligeant de reprendre des données d'une version à l'autre, nuisant ainsi considérablement à la compréhension qu'on peut avoir de certains points de l'intrigue et obligeant à se contenter "d'indices" que l'on peut être bien en peine d'interpréter correctement.
Cela laisse dans tous les cas un goût d'inachevé et de brouillon sur certains points de la série, et c'est extrêmement dommage.
Autre point noir lié à "l'environnement" de la série, ses racines de jeu hentai.
En elles-mêmes, les séquelles concrètes qu'elles laissent sont mineures et fort heureusement ne nuisent pas la série. Le fait que Shirô vive seul dans une vaste demeure héritée de son père où peu à peu tous les personnages féminins, ou presque, vont venir s'installer donne lieu à quelques scènes humouristiques et ne parasite pas la série ; l'épisode 14 est le virage le plus mal négocié, outre le fait qu'on y trouve la scène massacrée par le dragon en image de synthèse du fils du PDG, mais cela reste un épisode sur vingt quatre.
Non, là où cette origine se montre plus pesante, c'est qu'on effleure le fan-service, évité de justesse, il faut bien l'avouer - mais évité tout de même. Encore une fois, accusez-moi de ne pas être assez blindé, mais j'ai par moment eu extrêmement peur d'être déçu en voyant la série qui m'avait si agréablement surpris et touché s'embourber - mais craintes se sont avérées infondées, mais bref.
Tout ça pour dire que Fate/Stay Night, c'est bon, c'est bien. Un esprit ouvert, un site dédié à visiter après visionnage pour obtenir réponses aux agaçantes questions irrésolues par oubli du studio sont tout ce qu'il vous faudra. Bien sûr, ce n'est pas l'oeuvre du millénaire, et on évite pas les erreurs - mais la plupart sont surtout une question de goût.
Mangez-en, il y a de fortes chances pour que vous ne soyez pas déçus - enfin, si, peut-être, vu combien je me suis montré élogieux, vous allez vous imaginer des choses qui ne sont pas... je ne devrais peut-être pas poster ce message, finalement.
