Titre original : Flags of our Fathers, par Clint Eastwood.
Un titre mal traduit, une tagline débile, une campagne de presse totalement mal orientée, ce film est bien parti pour entrer parmi les martyrs du cinéma. Et c'est bien dommage.
On est tenté de croire (moi-même ce fut mon cas en voyant l'affiche) à une énième bouse américano-hollywoodienne dans la lignée des regrettés (littéralement) We Were Soldiers, Black Hawk Down ou même Saving Private Ryan (que je persiste à considérer comme un film qui ne vaut pas la pellicule pour le pendre). Hé bien non, finis les héros et finie la belle armée yankee.
Le film tourne bien plutôt autour de la "création" des héros, par une simple campagne médiatique. C'est un des rares films de guerre, à ce titre, à traiter en parallèle la guerre et la paix, et de manière très intéressante. Il présente les remords, voire les souffrances d'hommes dont on fait des héros alors qu'eux-mêmes ne se voient pas comme tels. Le film montre bien comment les héros médiatiques sont une construction "dont le public a besoin pour comprendre la guerre". Puis, après la guerre, ils sont oubliés.
Il y a pas mal de E.M. Remarque dans ce film, autour des thèmes, centraux dans A l'Ouest rien de nouveau, de la "génération perdue" et de la camaraderie comme motif principal de la lutte pour les soldats (et non le patriotisme). Ces thèmes sont surtout évoqués à la fin du film, dans une conclusion qui peut peut-être semblée un peu "posée là ".
Eastwood a un génie scénique incontestable ; il l'exploite très bien dans ce film, où il réussit à être poignant sans forcer, juste en posant bien ses personnages, ses thèmes, ses scènes. Il utilise aussi très bien la narration décousue. Bref, cinématographiquement parlant, il y a aussi à mon sens pas mal à voir.
On peut peut-être reprocher à Eastwood de ne pas aller assez loin dans sa pensée, avec le constat un peu triste qu'on ne cesse pas totalement d'être Américain. Car malgré son hypocrisie, la campagne de "création des héros" a sa justification, et les soldats yankees restent des "braves" même si on ridiculise le héros façon "image d'Épinal". D'aucuns verront dans cette modération le fait qu'Eastwood veut juste faire réfléchir sans être radical ; le film y arrive bien, il est vrai, et les nuances peuvent de ce point de vue sembler une force. Mais pour ma part, j'en reste tout de même un peu déçu et c'est pourquoi je ne vois pas dans ce film la force cyclopéenne d'un Kubrick ou, si on parle littérature, d'un Remarque ou d'un Barbusse. Manquer de percussion, c'est tout de même un comble quand on parle de guerre, non ?
Mais n'exagérons rien, Flags of our Fathers n'est pas non plus un pétard mouillé et je recommande fortement d'aller le voir.
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