Tout Welles paraît contenu dans ce que chacun s'accorde à reconnaître comme son oeuvre majeure, "Citizen Kane". Même si c'est réducteur, c'est sans doute le meilleur portrait qui nous sera jamais peint de ce monstre ancien. Il s'y jette corps et âme et nous y dépeint mieux que nulle part ailleurs sa vision de l'existence, à mi-chemin entre fatalisme et dynamisme, entre désespoir et optimisme.
Avant d'être ce titan, cette image monolithique, cet être qui se pose, impressionne, impose, Welles fut un jeune homme vif, culotté et inventif, qui se tailla une place dans la société avec la célérité d'un squale d'envergure. Imperméable aux impératifs commerciaux, ne redoutant rien ni personne, il s'établit par des mensonges, se maintint par son talent.
Maîtrise des codes, expérimentations, manipulation du spectateur, autant de choses qui font toute la force de Welles, poussées jusqu'à l'excès, nous permettant d'entrer dans son monde de voyages et de drames, un univers fou, où l'émotionnel se mêle à l'intellectuel avec simplicité. Enrichissant, transformant le moindre film qu'il traverse ("Le Troisième homme" est illuminé par ses apports), il se caractérisa également, hélas, par le désordre dans lequel il géra ses projets. Cela, et le caractère "subversif" de maintes histoires, lui valut de voir sa carrière réduite à quelques grands titres.