Eh oui, encore une artiste issue tout droit des contrées nippones. J'ai découvert l'un de ses récents romans, "Parfum de glace", tout à fait par hasard et, enchanté par le voyage, j'ai prolongé mon exploration avec deux autres oeuvres, "Hôtel Iris" et "La Grossesse et autres nouvelles".
L'univers de Yôko Ogawa est le quotidien le plus banal. Que le cadre de ses intrigues se situe presque toujours au Japon n'est en rien un obstacle à la lecture, en ceci que se sont à des éléments anodins, presque clichés, auxquels l'auteur fait référence pour nous introduire dans son récit : le climat, des paysages urbains, des portraits d'hommes et de femmes banals.
Et puis, au sein de ce quotidien, quelque chose craque, se dérègle, d'une façon ou d'une autre : la grossesse inattendue d'une grande soeur, un scandale provoqué par une prostituée ou la mort d'un amant. Et c'est là que les héroïnes d'Ogawa vont commencer à se pencher sur cette vie quotidienne pour commencer à en dicerner les innombrables petites failles.
Ce genre de scénario n'est pas neuf, la chose est certaine. Mais l'écrivain a l'habileté de ne jamais traiter deux fois du même sujet. Ses narratrices ne sont "ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre". L'une d'entre elle découvrira sa propre féminité à travers un masochisme qui la sauvera de son existence morose tandis qu'une autre tentera, avec des dizaines d'années de retard, de comprendre celui qu'elle aimait.
L'écriture de Yôko Ogawa est extrêmement simple, épurée, sans pour autant ce côté distant qui me rebute très souvent dans la prose nippone. Elle est également très féminine. Pas de machisme derrière ce commentaire, mais, pour un individu du sexe masculin (ce que j'étais encore aux dernières nouvelles), il est frappant que les façons d'appréhender le monde et les autres ne sont pas tout à fait celles en lesquelles on se reconnaît, ce qui provoque un décalage troublant.
Tout les textes d'Ogawa se déploient dans différentes directions, sans que jamais on ne puisse deviner où l'on se dirige. On reconnaît certains univers à la Roald Dahl, des intrigues familiales ou même des ambiances de thriller psychologique. Et c'est surtout cela qui compte : l'ambiance. On nous fait comprendre dès le début que le dénouement de l'intrigue importe finalement peu, que seul compte ce monde, cet univers qui s'installe sous nos yeux et dont, une fois le livre fermé, il reste très difficile de se dégager.
Les écrits de Yôko Ogawa sont mon énorme coup de coeur du moment. Je tiens tout de même à préciser que la plupart de ses oeuvres, "Parfum de Glace" mis à part, renferment une bonne dose de violence, physique ou psychologique, qui ne laisse pas intact. C'est la seule réserve que j'émets sur un auteur absolument exceptionnel que j'invite toute personne un peu curieuse à découvrir, si vous ne la connaissez pas encore.
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