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MessagePublié: 22 Sep 2006, 02:31 
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Jeune Padawan
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Inscription : 21 Juin 2005, 13:50
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Localisation : Ici et là -bas, vous ne pouvez pas comprendre !
Ce qui suit est repris du magnifique dossier de Peter Dourountzis, du site FilmdeCulte.com.

Michael Mann est né en 1943 à  Chicago, en Illinois. Il grandit dans la banlieue du "Patch", l’un des quartiers les plus difficiles de la ville. Mann se souvient de cette époque: "Une douzaine d’enfants seulement, sur les 365 élèves que comptaient l’école, suivaient régulièrement les cours. J’en faisais partie". Il se spécifie dans la littérature anglaise et découvre The Joyless Street, film méconnu et pourtant Å“uvre phare du cinéma muet, réalisé en 1925 par Georg Wilhelm Pabst, qui déclenchera chez lui une véritable vocation. Après des études à  l’Université du Wisconsin, et jugeant les écoles de cinéma américaines trop éloignées de sa sensibilité, il se rend en Angleterre pour suivre les cours de la London International Film School. Cette formation lui permet dès 1965, après être resté six ans de plus à  Londres et y avoir fondé sa propre maison de production, de faire ses débuts dans la publicité. Mais le milieu ne le passionne pas, et il décide d’utiliser le peu d’argent gagné pour tourner des documentaires. C’est à  Paris, en plein mois de mai 68, qu’il trouve à  l’improviste le sujet de son documentaire Insurrection. C’est encore en France, à  Cannes, qu’il est enfin remarqué, son second documentaire, intitulé Janpuri, obtenant même le Prix du Jury au Festival.

PETIT ECRAN DEVIENDRA GRAND

Pourtant, tout s’enchaîne mal. Michael Mann arrive difficilement à  vivre de son métier et divorce de sa première femme, avant de rentrer aux Etats-Unis. De retour à  Los Angeles, il démarche pendant près d’un an les chaînes de télévision et les studios de cinéma, clamant un peu partout qu’il serait capable d’écrire des scénarios et de les tourner en moins de trente jours. Sans succès. Il est alors contraint de tourner un troisième documentaire, alimentaire cette fois, intitulé Seventeen Days Down the Line, pour la chaîne ABC. Un travail de bas étage qui le décourage définitivement. Il a abandonné l’idée de faire du cinéma depuis quelques semaines lorsqu’il rencontre Robert Lewin, scénariste sur diverses séries américaines comme Rawhide, Mission: Impossible ou encore Le Fugitif. Lewin lui fait confiance et l’aide à  écrire les quatre premiers épisodes de Starsky et Hutch. La série devient le grand succès public que l’on connaît. Vient ensuite l’écriture de cinq épisodes de Police Story, que Michael Mann décrit comme étant la "Rolls-Royce des séries de télévision". Il crée rapidement sa propre série intitulée Vega$, avec Robert Urich dans la peau d’un détective, et confie la réalisation à  Richard Lang (réalisateur par la suite d’épisodes de Beverly Hills ou encore de Melrose Place). Mais les deux hommes ont un désaccord artistique et Mann quitte la série prématurément.

KEEP TRYING

C’est seulement en 1978 que Michael Mann passe à  la réalisation avec le téléfilm The Jericho Mile (Comme un homme libre). Il impose à  ABC sa volonté de réaliser lui-même, sous menace d’abandonner l’écriture des séries en cours. La chaîne accepte, et il reçoit pour son téléfilm un Emmy Award, ainsi que le très convoité Prix du Meilleur Réalisateur de Télévision de l’Année, décerné par la Director’s Guild of America (ndr : un organisme très puissant aux Etats-Unis, qui réunit tous les réalisateurs de télévision, de documentaire, de théâtre et de cinéma). Il s’agit d’une Å“uvre de fiction mise en scène dans un style documentaire (l’action se déroule en prison et les détenus participent au tournage), Mann reconnaissant être un grand admirateur du cinéma des années 70 de William Friedkin (qui a débuté à  la télévision lui aussi), et tout particulièrement French Connection. Il ne passe à  la réalisation de son premier long-métrage qu’en 1981 avec Thief (Le Solitaire), sélectionné au Festival de Cannes. L’échec public et critique de son second film, intitulé The Keep (La Forteresse noire), cumulé aux innombrables clashs survenus durant le tournage, l’obligent cependant à  revenir à  la télévision. Beaucoup pensent que sa carrière est terminée, mais Michael Mann accède très vite et contre toute attente à  une célébrité internationale en créant et produisant la série Miami Vice (Deux flics à  Miami).

LE DERNIER CINEASTE

La série bouleverse la télévision et devient un phénomène culturel mondial. La photographie, les costumes, le montage, le son et la musique forment un nouveau cocktail explosif. Plusieurs cinéastes tenteront l’aventure, parmi lesquels Abel Ferrara (Bad Lieutenant), Rob Cohen (CÅ“ur de dragon, Fast and Furious) ou Paul Michael Glaser (Running Man), et la chaîne MTV s’en inspirera largement pour sa mise en images. Mann retourne au cinéma en 1986 avec un troisième film noir intitulé Manhunter (Le Sixième Sens), premier volet de la trilogie en devenir de Thomas Harris (Le Silence des agneaux, Hannibal), et original revisité en 2002 par Brett Ratner (qui reprit le titre du livre, Dragon Rouge). Par la suite, il abandonne définitivement la télévision au profit du grand écran. Côté vie privée, il se marie en 1995 à  l’actrice Diane Venora (Heat, Révélations).

INFLUENCES

Le statut de Michael Mann est particulier à  Hollywood : ses Å“uvres sont appréciées par la critique et le public, sans pour autant rencontrer un succès systématique. Sa réputation d’intransigeance semble réellement justifiée: il n’hésite pas à  s’opposer avec fermeté aux représentants des grands studios, aux syndicats (ils n’aiment pas que Mann cumule les postes: scénariste, producteur, réalisateur, opérateur), ou à  exiger de son équipe qu’elle enchaîne des journées de seize heures de travail. Mais si Michael Mann est consciencieux, il sait également prendre son temps. En vingt ans, il n’a tourné que sept longs-métrages pour le cinéma. Publiée récemment, voici, à  titre purement informatif, la liste de ses dix films préférés, qui offre très certainement l’une des meilleures approches pour saisir l’essence de son cinéma :

- Apocalypse Now (Coppola)
- Le Cuirassé Potemkine (Eisenstein)
- Citizen Kane (Welles)
- Dr. Folamour (Kubrick)
- Faust (Murnau)
- L’Année dernière à  Marienbad (Resnais)
- La Poursuite infernale (Ford)
- La Passion de Jeanne d’Arc (Dreyer)
- Raging Bull (Martin Scorsese)
- La Horde sauvage (Peckinpah)

FILMOGRAPHIE :

COMME UN HOMME LIBRE

(The Jericho Mile - Etats-Unis, 1979)
Avec Peter Strauss, Richard Lawson

Comme un homme libre, sa première fiction, met en scène Peter Strauss dans le rôle de Rain Murphy, détenu au pénitencier de Folsom, et passionné de course à  pied. Doué, il sera même convié par les dirigeants de l'établissement à  suivre un véritable entraînement en vue des Jeux Olympiques. Mais l'homme n'a pas le droit de sortir pour s'entraîner, et tous les détenus l'aident à  construire une piste dans l'enceinte même du pénitencier. Il gagne les qualifications mais se voit interdire la participation aux Jeux, à  cause de sa condamnation pour meurtre. Le rêve est brisé. Pourtant, Murphy organise, avec l'énergie du désespoir, une course à  l'intérieur de la prison, et s'élance, seul concurrent en piste. Deux ans avant l'oscarisé Les Chariots de feu de Hugh Hudson, Michael Mann, âgé de 36 ans, signe un téléfilm réaliste et très documenté sur l'univers carcéral. Il y découvre le parler-prison et se sensibilise à  la mentalité des prisonniers et aux conditions d'incarcération (sensibilité dont il se servira pour caractériser ses personnages du Solitaire, de L.A. Takedown et de Heat). En tournant dans l'enceinte même de la prison, le film obtient un design et un réalisme inédits à  la télévision américaine, à  la limite du reportage, au point de troubler les spectateurs. Certains Américains sont aujourd'hui encore persuadés d'avoir vu un documentaire, et non une fiction, le 18 mars 1979, soir de la diffusion sur la chaîne ABC...

LE SOLITAIRE

(Thief - Etats-Unis, 1981)
Avec James Caan, Robert Prosky, James Belushi

Réalisateur récompensé, Mann se voit rapidement offrir un budget de huit millions de dollars pour mettre en scène le sujet de son choix. Après s'être assuré du contrôle total du projet et avoir réclamé le director's cut, Mann décide de réaliser un scénario qu'il vient d'écrire, adapté du livre autobiographique de Frank Hohimer, alors incarcéré pour vol, intitulé The Home Invaders. C'est James Caan, qui a débuté dans El Dorado d'Howard Hawks (1967), et acteur fétiche de Francis Ford Coppola (Les Gens de la pluie, Le Parrain), qui interprète Frank, un braqueur professionnel, spécialisé dans le vol et le recel de diamants. Après avoir passé de nombreuses années en prison, Frank n'aspire plus qu'à  mener une vie tranquille avec sa femme et ses enfants. Mais sous l'influence néfaste de Leo (Robert Prosky), qui veut s'adjoindre ses services, Frank se laisse corrompre pour un dernier braquage, pensant que ses problèmes d'argent seraient ainsi résolus. Bien évidemment, sa version du rêve américain tourne au cauchemar, et Frank perd à  la fois sa femme, sa liberté, son indépendance et son rêve. Pour augmenter le réalisme du film, Mann fait appel à  de nombreux criminels à  la retraite, dont le célèbre gangster de Chicago John Santucci, qui incarne pour l'occasion un ripou de la police. Le Solitaire est immédiatement considéré comme l'un des meilleurs films noirs américains et ce, en dépit de la déception au box-office. En se démarquant astucieusement de la sentimentalité épique de la trilogie des Parrain et des films à  personnages machos et bavards (dont Quentin Tarantino reprendra le flambeau, une quinzaine d'années plus tard), Mann parvient à  renouveler le genre, tombé en désuétude. A noter également dans ce film les premières apparitions au cinéma de James Belushi, Dennis Farina et William Petersen.

LA FORTERESSE NOIRE

(The Keep - Etats-Unis, 1983)
Avec Scott Glenn, Robert Prosky, Ian McKellen

Après la réalisation du Solitaire, Michael Mann souhaite réaliser un second film réaliste: un "street picture" comme il l'explique lui-même. Il lit pour cela pas moins de 270 scénarios, sans pour autant trouver ce qu'il recherche... Il décide alors de changer son fusil d'épaule et commence l'adaptation de The Keep, un roman d'horreur qu'il désire mettre en scène de manière expressionniste, pour un budget de six millions de dollars. Le matériau surnaturel de l'histoire le pousse à  traiter le sujet comme un conte de fées, mélangeant onirisme et cauchemar. Il effectue cependant un travail considérable de recherche sur les camps de concentration en général, et sur Adolf Hitler en particulier, allant même jusqu'à  rencontrer toutes les personnes encore vivantes lui ayant parlé... Le film raconte les aventures de soldats faits prisonniers par des Nazis et enfermés dans un camp de retranchement en Roumanie pendant la Seconde Guerre Mondiale. Fondant son scénario sur ce côté noir de l'être humain, avec l'excellent Scott Glenn en vedette, il réalise un étonnant film gothique, aux allures de fable politique, alliant émotions et psychologie. Le casting comprend également Ian McKellen, et Gabriel Byrne, jeune acteur de 23 ans qui vient de débuter dans Excalibur de John Boorman. La Forteresse noire rencontre de nombreux problèmes sur le tournage (dont le décès du chef des effets spéciaux), prend un retard considérable de six mois, connaît dès sa sortie un cuisant échec (1,2 millions de dollars de recettes) et les foudres de la critique. L'expression cynique "un pas en avant, deux pas en arrière" est employée dans de nombreuses revues de cinéma et Michael Mann, moribond, se voit obligé de retourner à  la télévision.

DEUX FLICS A MIAMI

(Miami Vice - Etats-Unis - 1984)
Avec Don Johnson, Philip Michael Thomas

Mais Mann ne renonce pas au cinéma pour autant et prépare déjà  son troisième film, en marge de ses projets télévisuels. Il est en train de travailler sur l'adaptation du livre Dragon Rouge, de Thomas Harris, lorsque son agent lui envoie un script concept d'une série de télévision intitulée Gold Coast. Intéressé, il tente de le traiter dans un format de long-métrage puis renonce, jugeant finalement le format série plus approprié. Il change le titre pour Miami Vice et engage les deux acteurs principaux: Don Johnson (Sonny Crockett) et Philip Michael Thomas (Ricardo Tubbs). Comme s'il s'agissait de l'un de ses propres films, Michael Mann décide de tout: des décors au montage, en passant par les costumes, la caractérisation des personnages, la lumière, le son, la musique et l'esthétique. Le résultat est un énorme succès. Une longévité de cinq saisons et une véritable révolution culturelle, profondément ancrée dans les années 80. Aujourd'hui, la série apparaît certes comme une multitude de clichés à  n'en plus finir, mais ces clichés, ce sont Mann et les producteurs de la série qui les ont en grande partie créés... On peut toujours s'amuser à  compter les vedettes à  avoir fait une apparition dans la série: Julia Roberts, Bruce Willis, Laurence Fishburne, Ving Rhames, Annette Benning, John Leguizamo, Bill Paxton, Wesley Snipes, John Turturro, James Brown, Isaac Hayes...

LES INCORRUPTIBLES DE CHICAGO

(Crime Story - Etats-Unis, 1986)
Avec Dennis Farina

Parallèlement, et sans porter concurrence à  Deux flics à  Miami, Mann produit une nouvelle série intitulée Crime Story, censée ne durer qu'une saison. Dennis Farina (ancien policier de Chicago devenu acteur, que Mann reprendra dans Le Sixième Sens) y incarne Michael Torrello, un détective au sens de la justice très personnel. Le personnage est basé sur la véritable expérience de Chuck Adamson, un policier de Chicago qui avait déjà  été conseiller technique sur le tournage du Solitaire. Si Mann n'est pas aussi certain du succès de cette série que de la précédente, il en adore le concept: un flic violent infiltre un gang de braqueurs lié à  la Mafia (ce qui n'est pas sans rappeler Donnie Brasco). Contre toute attente, la série connaît du succès et les producteurs, contre l'avis de Mann, étirent le concept jusqu'à  son appauvrissement, au cours d'une deuxième et dernière saison catastrophique. Mann ne regrette pourtant pas aujourd'hui d'avoir créé Crime Story, et salue même l'excellent travail effectué au cours de la première saison. Le pilote de 1986, réalisé par Abel Ferrara, est en effet un excellent film policier de 120 minutes. L'esthétique est d'ailleurs assez proche du Solitaire: réalisme accentué par l'écriture de dialogues égrillards, lumière encrassée, utilisation de la caméra à  l'épaule et violence licencieuse. Un braquage du gang de Crime Story est même plan par plan identique à  celui du Solitaire.

LE SIXIEME SENS

(Manhunter - Etats-Unis, 1986)
Avec William Petersen, Brian Cox, Dennis Farina, Tom Noonan

Après cette nouvelle expérience télévisuelle, qui apporte à  Mann gloire et argent, il reprend enfin son scénario adapté du roman de Thomas Harris. L'histoire est celle de Will Graham, profiler sur une affaire de serial killer, et met en scène pour la première fois Hannibal Lecter, le psychiatre anthropophage (devenu célèbre par la suite sous les traits d'Anthony Hopkins). Si Mann apprécie le livre, c'est parce que le romancier est, comme lui, obsédé par le réalisme de la violence, et qu'il a effectué un travail impressionnant de recherche sur les tueurs en série, directement auprès des archives du FBI. Mann est ravi de retourner au "street picture", et pense immédiatement à  William Petersen pour incarner l'enquêteur Will Graham. Depuis son apparition dans Le Solitaire, l'acteur n'a tourné que dans un seul film : Police Fédérale Los Angeles de William Friedkin, excellent film policier, injustement critiqué à  l'époque, pour sa violence et son réalisme justement. Mann travaille en collaboration avec Harris et obtient son approbation pour changer divers éléments du livre, dont la fin (celle du livre étant, selon Mann, devenue un cliché des thrillers: le tueur feint de mourir avant de revenir livrer duel avec Graham). Autre changement, le titre Dragon Rouge devient Manhunter (à  cause de l'échec de L'Année du Dragon de Cimino, mais surtout par peur que les spectateurs éventuels puissent croire qu'il s'agit d'un film de kung-fu !). Le film récolte de bonnes critiques mais chute inexplicablement au box-office (seulement huit millions de dollars de recettes). Les films de Mann son encore trop froids, trop réalistes, trop compliqués peut-être, bref pas assez hollywoodiens pour obtenir un grand succès public.

L.A. TAKEDOWN

(Etats-Unis, 1989)
Avec Scott Plank, Michael Rooker, Alex McArthur


Si Mann n'enchaîne pas immédiatement sur un autre film, ce n'est pas à  cause du revers financier du Sixième Sens, mais tout simplement parce qu'il n'a pas de sujet qui le motive. Lorsque qu'en 1989, Patrick Markey, jeune régisseur sur Le Solitaire, se lance dans la production, il demande à  son ami Michael Mann s'il a un projet à  réaliser. A bien y réfléchir, Mann voit alors une opportunité de retravailler son scénario intitulé Heat, écrit à  la fin des années 70, et laissé depuis à  l'abandon. L'histoire lui vient de son ami policier Chuck Adamson, toujours lui, qui avait abattu le véritable Neil McCauley (incarné par Alex McArthur dans le téléfilm puis plus tard par Robert De Niro dans Heat), à  Chicago, en 1963. Mann fonce tête baissée, malgré le faible budget et les conditions difficiles de tournage, et réalise le film en moins de vingt jours. Programmé à  une diffusion tardive sur NBC, et rebaptisé L.A. Takedown, il n'obtient qu'une très faible audience. Lors de sa sortie dans les vidéoclubs l'année suivante, le film passe inaperçu, disponible sous plusieurs titres différents (Crimewave, L.A. Crimewave, Made in L.A. ou encore Showdown in L.A.!). Son titre définitif se trouve être néanmoins le choix préféré du réalisateur. Aujourd'hui, le film n'a pour seul intérêt que sa ressemblance avec Heat, et Mann ne garde de cette expérience que le souvenir d'un cauchemar long de trois semaines. Il remarque: "Comparer L.A. Takedown à  Heat revient à  comparer un café froid à  un expresso raffiné". La désillusion est si grande que Mann refuse de signer le film. Il est crédité au générique sous le fameux nom d'emprunt Alan Smithee.

LE DERNIER DES MOHICANS

(The Last of the Mohicans - Etats-Unis, 1992)
Avec Daniel Day-Lewis, Madeleine Stowe, Wes Studi

C'est en retournant dans son quartier d'enfance, pour retrouver ses marques, que Mann trouve l'idée de son prochain long-métrage. Il retrouve la bobine 16mm d'un film de 1936, réalisé par George Seitz, et intitulé Le Dernier des Mohicans, adapté du roman best-seller de James Fenimore Cooper. Pris de mélancolie, il décline la réalisation du Silence des agneaux, le second livre de Thomas Harris, et s'empresse d'acheter les droits du scénario de 1936, signé Philip Dunne. Lorsqu'il débute sa propre adaptation, il a conscience que le roman de Cooper a déjà  été adapté six fois avant lui (deux fois pour la télévision et quatre fois pour le cinéma), mais parvient néanmoins à  convaincre les producteurs d'en faire un nouveau film d'aventure épique. L'histoire se déroule en Amérique du Nord, en l'an 1757, pendant la guerre coloniale opposant Anglais et Français. Hawkeye, dernier descendant de la tribu indienne des Mohicans, sauve la fille d'un officier anglais, aux prises avec les dangereux indiens Mohawks. En pleine guerre, une romance impossible se noue entre les deux personnages. Le Dernier des Mohicans est cette fois plus hollywoodien que les autres, et ce à  différents niveaux: narration, esthétique, musique. Le film tranche considérablement avec le style Mann: les couleurs sont vives, l'action est plus présente, la musique plus classique et la mise en scène plus accessible. Michael Mann prouve à  la profession qu'il n'est pas limité à  un seul genre et que ses films peuvent toucher un grand nombre de spectateurs (72 millions de dollars de recettes pour 30 millions de budget).

HEAT

(Etats-Unis, 1995)
Avec Al Pacino, Robert De Niro, Val Kilmer, Jon Voight, Diane Venora

Malgré ce succès, il faut attendre trois années pour que Heat sorte en salles, et quatre de plus pour que Révélations voit le jour. Deux dates pourtant importantes dans l'histoire du cinéma américain, chacune annonçant le renouveau (ou plutôt l'exhumation) d'un genre. Si Mann prend son temps, c'est pour éviter de revivre l'expérience de L.A. Takedown. Dès 1993, il reprend son scénario intitulé Heat, l'affine, le peaufine, et intensifie les recherches. Pour le personnage de l'inspecteur Hanna, Mann s'inspire d'un policier aux stupéfiants à  la retraite, et grand enquêteur dans le milieu de la drogue. Il interviewe également de nombreux policiers de carrière, et découvre chez eux un point commun: le virus de la chasse. Souvent au détriment de leur propre vie affective, ces hommes lui avouent être des accros du travail. Parallèlement, il interroge quelques braqueurs, tous anciens détenus, et découvre divers éléments dont il se servira pour le personnage de McCauley. Ces hommes se posent régulièrement la même question: "How did I screw up my life this bad?" ("Comment ai-je pu merder ma vie à  ce point?"), et compensent leur grande angoisse de l'existence, et leur peur de retourner en prison, par leur professionnalisme au travail. Beaucoup lui feront la même réponse que Cheritto à  McCauley dans le film: "For me, the action is the juice" ("Pour moi, l'excitation vient de l'action"). Michael Mann est séduit par cette philosophie et se passionne pour le sujet. Il commence déjà , un an avant le tournage, à  faire des repérages et à  penser au casting.

Outre ses deux stars principales, le cinéaste redonne sa chance à  Jon Voight, excellent acteur tombé dans l'oubli dans les années 80, malgré une longue carrière et trois nominations à  l'Oscar du meilleur acteur. Avec Heat, où il incarne avec une incroyable sobriété le tenancier mafieux d'un tripot, abîmé par l'alcool et la prison, Jon Voight relance complètement sa carrière (il tournera par la suite avec De Palma, Stone et Coppola, avant de retrouver Mann pour un rôle dans Ali). Son personnage est directement inspiré de la vraie vie d'Eddie Bunker, grand criminel de carrière. Dans True Romance de Tony Scott, Mann découvre Tom Sizemore et Val Kilmer, deux superbes acteurs jusque là  injustement confinés aux seconds couteaux, et les place aux côtés de Robert De Niro pour former une équipe explosive. Mann reprend donc au calque les schémas pessimistes du Solitaire et de L.A. Takedown. Mais Heat est bien plus qu'une troisième variation sur le même thème, c'est la version aboutie de deux tentatives insatisfaisantes pour le cinéaste. Et si le film est un remake avoué de L.A. Takedown, il n'en est pas moins plus complexe, plus fouillé et plus long d'une heure. Avec Heat, le cinéaste renoue avec le polar melvillien des années 60, et brise la volonté des studios de ne produire que des films d'action calibrés pour l'été. Le public, attiré par l'étincelant face à  face De Niro - Pacino, lui donne finalement raison: les recettes du box-office s'élèvent à  plus de 187 millions de dollars dans le monde. Banal et ennuyeux pour les uns, chef d'Å“uvre pour les autres, Heat divise la critique. Mais le film apparaît d'ores et déjà  comme un classique du cinéma américain.

REVELATIONS

(The Insider - Etats-Unis, 1999)
Avec Al Pacino, Russell Crowe, Christopher Plummer, Diane Venora

Pendant la préparation de Heat, Michael Mann rencontre Lowell Bergman, producteur de l'émission 60 Minutes sur CBS, et commence avec lui à  développer la possible adaptation d'un fait réel sur un grand trafic d'armes à  Marbella. Mais le projet est repoussé, faute de temps. En 1995, alors que Mann est en post-production, Bergman lui parle d'une affaire sur laquelle il enquête, qui incrimine la compagnie de tabac Brown & Williamson. Tenu par le secret professionnel, Bergman ne peut révéler sa source, mais confesse à  Mann qu'il s'agit d'un homme lié à  l'industrie du tabac. L'homme en question refuse de témoigner, craignant pour sa vie. Mann est intéressé par l'affaire et propose d'en faire un film assez rapidement, profitant de l'exclusivité de l'information. Mais à  la même période, Marie Brenner, journaliste à  Vanity Fair, publie un article intitulé "The Man Who Knew Too Much" ("L'homme qui en savait trop"), et dévoile au grand public l'affaire qui fait scandale aux Etats-Unis. L'article divulgue également le nom de la source: un certain Jeffrey Wigand. Mann achète les droits de l'article et demande à  Eric Roth, talentueux scénariste (Forrest Gump de Robert Zemeckis), de l'aider à  écrire le film. Les deux hommes bénéficient également des confidences exclusives de Bergman et Wigand, et subissent diverses pressions pour que le film ne voit jamais le jour. L'histoire est la suivante: Jeffrey Wigand, ingénieur au sein de la société Brown & Williamson, l'un des sept géants de l'industrie du tabac, découvre que la compagnie est non seulement au courant de l'addiction que provoque la nicotine, mais qu'elle en accentue l'effet. En comparant la cigarette à  la drogue, et en accusant les sept géants de s'être parjurés devant la Cour Suprême, Wigand se met en danger. Il est licencié, reçoit des menaces de mort, sa femme le quitte et il a peur de ce qui pourrait advenir de lui s'il témoignait devant un tribunal. Bergman, journaliste à  CBS, tente de le convaincre de témoigner et lutte pendant des semaines contre le FBI, la presse américaine et sa propre chaîne CBS pour faire exploser la vérité au grand jour.

Pour incarner le journaliste jusqu'au-boutiste et résigné, Mann rappelle Al Pacino. Mais c'est pour le personnage de Wigand que Mann débusque la perle rare. Russell Crowe, acteur originaire d'Australie et découvert dans le sublime L.A. Confidential de Curtis Hanson, explose à  l'écran. Méconnaissable avec les cheveux blancs et les joues bouffies, il interprète un homme paranoïaque et impulsif, qui ne sait plus à  qui faire confiance. Michael Mann, d'abord pressé de sortir le film, décide finalement de ne rien précipiter et de faire un maximum de recherches en amont. Il choisit d'inclure à  l'histoire une psychologie fouillée des personnages. Pour accentuer le réalisme, Mann décide de traiter cette psychologie au cÅ“ur du film, par la conceptualisation plutôt que par le réalisme cru. Certains moments sont exagérés, dramatisés à  l'extrême, non pas par les mots, mais par la mise en scène. Les émotions sont peintes sur les murs (superbe scène où Wigand, dans l'hôtel, repense à  tout ce qu'il a perdu) et sur les visages. La caméra colle au personnage de Wigand, et pousse le spectateur dans la même paranoïa. Mann utilise intelligemment sa mise au point pour isoler son personnage de tout le reste et accentuer sa solitude et son angoisse. Pour conserver intacte l'énergie de l'affaire, Mann demande à  certaines personnes de jouer leur propre rôle dans le film, comme par exemple l'Attorney Général du Mississippi Michael Moore. Et anecdote amusante (et symbolique), Mann et Roth ont tous les deux arrêté de fumer pendant la préparation du film... Avec Révélations, Michael Mann ressuscite le genre politico-policier avec un brio qui avait tant manqué aux productions depuis Z de Costa-Gavras (1969) et Les Hommes du Président (1976) de Pakula, ou plus récemment JFK (1991) d'Oliver Stone. Le film reçoit sept nominations aux Oscars.

ALI

(Etats-Unis, 2002)
Avec Will Smith, Jamie Foxx, Jon Voight, Mario Van Peebles

Ali est comme le titre l'indique un biopic (biographie romancée) du boxeur noir américain Mohammed Ali. Le projet Ali circulait depuis des années dans les tiroirs des grands studios avant que Michael Mann ne se décide à  le mettre en scène. Bien avant lui, plusieurs cinéastes, parmi lesquels Oliver Stone, Barry Sonnenfeld ou encore Spike Lee, avaient tenté de le réaliser, sans succès. Jugé trop cher et peu rentable, le film, évalué à  110 millions de dollars de budget, est rapidement laissé de côté. Rattaché au projet par l'intermédiaire de Sonnenfeld, Will Smith crie haut et fort que c'est le rôle de sa vie, et qu'il est prêt à  tourner ce film avec n'importe quel réalisateur aux commandes. Spike Lee qui, comme pour son Malcom X, comptait confier le rôle à  Denzel Washington, son acteur fétiche, critique vivement le double choix Mann - Smith dans la presse. La polémique se propage rapidement, avant même qu'un scénario définitif ne soit écrit. C'est Mohammed Ali lui-même qui, admirant le travail de Mann, insiste pour que l'acteur Will Smith l'interprète dans le film, et pour que Michael Mann le mette en scène. Pour se préparer au rôle, Will Smith s'entraîne six heures par jour contre de vrais boxeurs, pendant plusieurs semaines, et atteint le poids de 110 kilos. Mohammed Ali, qui suit de près son entraînement, dit de lui, admiratif: "c'était un chanteur et un acteur, maintenant il est devenu boxeur". Comme Robert De Niro chaussant les gants de Jake La Motta 21 ans plus tôt dans le Raging Bull de Martin Scorsese, Will Smith réussit une performance physique incroyable. En réalité, Ali n'est pas plus un biopic que Révélations était un docu-fiction. Comme pour ses précédents films, Mann se désintéresse du portrait élogieux du célèbre boxeur, au profit de celui d'un homme radical en des temps radicaux, se débattant dans une culture changeante, adoptant ainsi un point de vue très personnel. Michael Mann insuffle sa philosophie inamovible au milieu de tous ces éléments emprunts du réel, et offre une véritable vision d'auteur, plutôt qu'un trop fréquent travail de mise en images hollywoodien.

COLLATERAL

(Etats-Unis, 2004)
Avec Tom Cruise, Jamie Foxx, Jada Pinkett, Mark Ruffalo, Javier Bardem

Rien n’était fait pour rassurer à  l’annonce du projet. Ni l’aspect de film mineur ou celui de film de commande, ni la relative déception d’Ali, encore moins ce pitch improbable. Pour le meilleur, on pouvait espérer un Phone Game tendu, pour le pire une resucée du Chacal, déjà  tristement misérable. Les premières images présentaient d’ailleurs un Tom Cruise aux cheveux curieusement argentés, clone alarmant de Richard Gere, sur les traces d’une métamorphose aussi réussie que celle de Crowe pour Révélations. Un Cruise toujours aussi prompt à  cavaler après la reconnaissance de son talent, tentant inlassablement au travers de sa course effrénée d’accrocher les meilleurs cinéastes, de faire oublier son statut indélébile de star mondiale. Si Michael Mann, par sa simple présence aux commandes, sait insuffler la confiance aveugle, restait à  éclaircir la crédibilité de ce scénario douteux. Prétexte à  filmer Los Angeles, on le pressentait, prétexte à  prolonger l’univers de Thief (Le Solitaire) et de Heat, on en salivait, mais qu'y avait-il à  espérer d’un thriller où, dès l’ouverture, les cartes étaient dévoilées? Aucune importance. La virée nocturne que nous propose le cinéaste regorge de bien plus de surprises et d'exhortations qu’un primitif scénario à  tiroirs. Et pour les Cruise sceptiques, sachez que le film est à  l’image des personnages: Jamie Foxx siège au premier plan, volant du film entre les mains, authentique premier rôle jamais réduit à  un faire-valoir. Cruise, en retrait sur le siège arrière, n’en est d’ailleurs que plus à  son aise. Mêlant retenue et puissance, il livre une interprétation charismatique emprunte de spleen et de fureur, alchimie étonnante et détonante.

Ceux qui ont vu L’Enfer du dimanche d’Oliver Stone ne devraient pas s’étonner de la performance de Jamie Foxx. Affecté pour seul accessoire d’une paire de lunettes, il s’en sert à  merveille pour composer un Clark Kent maladroit, dissimulant avec talent une autre facette de son personnage, un homme de la trempe de Vincent, sorte de Superman ordinaire et moderne, un simple quidam qui ne fonctionne pas sur l’apathie mais sur la survie et l’improvisation. Une fois désinhibé de sa peur de mourir, c’est un plaisir insoupçonné que de le voir reprendre le contrôle de son taxi et de sa vie, de mesurer les risques qu’il encourt et d’en prendre d’autres en conséquences. Cette progression des personnages tout au long du film, leur interaction toujours changeante, toujours trouble, est une vraie réussite. Collateral donne le sentiment d’avoir été sculpté avec minutie scène après scène, et compilé comme autant de courts-métrages réussis, emperlés les uns à  la suite des autres. Chaque section se suffit à  elle-même, et pourtant chacune tire sa richesse des précédentes. Une horlogerie précise habituellement absente des thrillers, ceux-ci favorisant le plus souvent l’intrigue et la tension qu’elle génère à  la psychologie des protagonistes. S’il arrive certes parfois qu’un personnage interpelle dans ce qu’il laisse entrevoir de sa nature, où dans ce qui pourrait se révéler intéressant si l'on développait plus avant son univers, il est rare d’arriver au bout de deux heures de fiction avec ce sentiment de densité, d'aboutissement, où tout serait dit. En quelques heures, Max et Vincent sont eux-mêmes confrontés à  une facette de leur personnalité dont ils ignoraient l’existence, et qu’ils nous ont révélée.

Pas une minute n’est ici gâchée par une scène d’exposition pachydermique ou déjà  vue. La première course de Max, qui le mènera quelques minutes plus tard sous le joug de Vincent, offre une jolie scène intimiste avec Jada Pinkett Smith. Max est maladroit mais sincère, cliché mais humain. Plus tard, la caméra le piègera à  maintes reprises dans sa redondance caractéristique, où il reprend à  son compte les répliques des autres. Michael Mann réussit une fois de plus le tour de force de compiler les scènes de dialogues sans jamais lasser, générant même une tension et un malaise croissants. Dans l’intimité à  la fois incongrue et propice du taxi, ces deux inconnus qui n’ont à  priori rien en commun, parviennent à  discuter et se confier des souvenirs et des fantasmes inavoués. On repense aux couples De Niro-Pacino (Heat) et Pacino-Crowe (Révélations) sur la même ossature. Mann troque le ton adolescent des blockbusters, où punch lines et blagues faciles abondent, pour celui plus adulte de la confidence et de la psychanalyse. Le cinéaste s’extrait régulièrement du piège de la standardisation hollywoodienne, ne tombe dans l’action quâ€™à  contrecÅ“ur, empruntant à  son personnage de tueur à  gage son code de l’honneur de la violence, se contentant de l’inexorable, du fatalisme de l’entreprise. Il faudra tuer, il faudra le montrer, il faudra faire face, de plein fouet. Pas d’ellipse, pas de montage ultra-cut, pas de contre-champ sur le regard de victimes apeurées. Mann filme la mise à  mort avec respect et fascination, à  juste distance entre le spectacle d’un acte dévastateur et le choc viscéral d’une violence à  l’état brut. Guidé par les comédiens et les situations extrêmes qui les enclavent, il dépeint une violence jamais étalée aussi brutalement depuis Heat. Jamais l’action ou le scénario ne prennent le pas sur l’identité et les valeurs des personnages.

Un réalisme accru par le rendu numérique qui, plutôt que de tirer le film vers un aspect documentaire, le noie d’autant plus dans un trip sous néons, où chaque lumière se révèle à  l’œil comme une perdition dans l’immensité de la ville. Dans un océan d’éclats électrisants, au vert ecchymosé, au bleu rocailleux, laissant échapper des flairs réalistes, de beaux reflets composites, Mann va plus loin que jamais dans son exploration de Los Angeles. En s’aventurant à  la rencontre de la ville, en s’égarant dans les méandres de ses avenues désertes, abandonnant le soleil qui avait fait le succès de Miami Vice au profit d’une noirceur post-apocalyptique, aux reflets parfois carpenteriens. Il croise la route de buildings baignés de réverbérations métalliques et de coyotes lâchés en pleine civilisation, maîtres de la faune nocturne, symboles de ce souffle libertaire, décadent et contradictoire propre à  cette Amérique désertique. Dans cette nuit colorée où la pâleur de la lune s’efface derrière la crépitation des immeubles, où la lumière des projecteurs n’existe que dans le chatoiement palpable des néons, Collateral s’offre comme un western urbain dont seul Michael Mann ose encore la transposition, et laisse glisser ce taxi jaune et rouge comme on verrait s’envoler, dans un autre genre cinématographique, l'un de ces rouleaux de paille balayés par le vent. La sauvagerie, les racines, dans cet univers urbain, dépouillé d’humanité, où résonne pourtant comme un écho un étrange souffle de vie, gigantesque, une énergie intense, colossale, incommensurable, écrasante, à  la fois partout et nulle part, agissant sur et tout autour de ces personnages insignifiants. Un univers de béton et de baies vitrées, aux yeux acérés, qui observent du haut d’une vraie altitude, ces insectes se déchirer. Los Angeles ville fantôme.

DEUX FLICS A MIAMI

(Miami Vice - Etats-Unis, 2006)
Avec Colin Farrell, Jaime Foxx, Gong Li, Naomie Harris, John Ortiz

Qu’attendre d’un blockbuster au budget démesurément gonflé notamment pour cause d’intempéries lors du tournage, réalisé par un formaliste de génie à  partir d’une série télévisée démodée qu’il a produite vingt-deux ans plus tôt ? Réponse : une Å“uvre à  part, un objet invendable auprès du grand public - qui lui a d’ailleurs réservé un accueil plutôt tiède -, à  mi-chemin entre le film d’auteur le plus exigeant et le produit calibré pour faire de l’audience. D’un côté, Michael Mann peut être le plus grand cinéaste américain actuel, dont chaque nouveau film (Heat, Révélations, Ali…) approfondit un peu plus l’œuvre et les thématiques, dont la personnalité transpire dans chaque plan, chaque scène; Michael Mann qui prolonge ses expérimentations formelles sur l’image et le son ; Michael Mann qui introduit dans son film, comme il l’avait précédemment fait, des scènes romantiques d’une intensité rare. Dans ces moments, le cinéaste retrouve la beauté des plus beaux instants de Heat (la scène où Val Kilmer aperçoit sa femme au balcon, par exemple). De l’autre, un scénario anémique qui, s’il distille une belle ambiance, se révèle dénué de toute surprise, de toute profondeur, de toute personnalité. Comme si Michael Mann, encouragé par le succès de son précédent film (Collateral), avait choisi de prolonger ses expérimentations en épurant encore un peu plus son scénario, voire en le laissant carrément de côté en cours de route.

Cette constatation est d’autant plus triste que l’on sent bien la patte du cinéaste… On s’en doute, même réalisé à  partir d’un script anémique, un film de Michael Mann ne peut que dépasser le niveau habituel du blockbuster sans âme, genre dans lequel n’importe quel faiseur aurait inscrit le film. Images HD de toute beauté, personnages élevés au rang d’icône sans jamais apparaître pour autant comme des héros invincibles, puissance des dialogues, gunfight final majestueux, bande-son sublime, etc. Mais le tout ne prend pas, et l’histoire peine à  s’inscrire dans un environnement (Miami) dont le cinéaste ne parvient pas à  faire un personnage. Malgré la beauté des plans de nuit, et la gestion de l’espace impeccable (chaque plan est d’une lisibilité incroyable), Miami n’est jamais élevé au rang de personnage, comme cela avait pu être le cas avec Los Angeles dans Collateral. Alors on se console devant la réussite de l’interprétation (Jamie Foxx, notamment, est impeccable) et de certains dialogues, devant la beauté des derniers plans, ou l’émotion que dégage l’histoire d’amour… C’est peu, et c’est énorme à  la fois. On regrette, et on tripe également. Miami Vice ne plaira quâ€™à  peu de monde, décevra la plupart des spectateurs, c’est aussi ce qui fait son charme et son intérêt. Déception ? Un peu… Mais avec Michael Mann à  la barre, la déception conserve un peu de panache !

NB : Illustrations à  venir

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(James Remar-Ajax dans Les Guerriers de la Nuit de Walter Hill)


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MessagePublié: 22 Sep 2006, 09:12 
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Le Choléra
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Inscription : 28 Avr 2004, 15:58
Message(s) : 276
Tout à  fait d'accord avec toi sur le fait que Michaël Mann, c'est le MEILLEUR... c'est ben connu, Michaël is Da Mann... par contre, carrément pas d'accord sur Miami Vice, pour moi, c'est son meilleur film

Tu reproches le fait qu'il n'ait pas réussi à  faire de Miami un personnage comme L.A dans Collatéral... or, Collatéral se passait intégralement à  L.A alors que dans Miami Vice, y'a tout un tas d'autres lieux. J'pense vraiment pas qu'il a voulu faire de Miami un personnage (d'ailleurs, il la représente même pas comme elle est réellement)

Le scénario... franchement, je crois que c'est fait exprès et tant mieux : par exemple, il n'a pas de fin (le méchant se barre, on saura MÊME PAS qui est la taupe etc...) et puis bon, j'te connais pas mais t'es peut-être jeune et donc tu connais peut-être pas vraiment la série, mais, dans la série, c'était souvent pareil, il nous laissait sur notre faim assez souvent... on voit pas la "grande enquête de leurs vies" mais juste une tranche (le film n'a pas de début, donc, pas de fin)

Et puis merde, ce film, je l'ai vu 4 fois, c'est comme une drogue pour moi, il a des plans qui me font littérallement planer (le trajet jusqu'a Cuba avec Sonny et Isabella :shock: ) et des détails de la mort (Farrell qui regarde l'horizon au loin dans la maison de l'indic, au moins aussi puissant que le regard de Kilmer avec sa femme ou Cruise devant les coyotes)

Ce film, mangez-en, c'est mon préféré de Mann (donc mon préféré tout court)

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MessagePublié: 22 Sep 2006, 11:44 
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Jeune Padawan
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Inscription : 21 Juin 2005, 13:50
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Excuse moi Bloody, vraiment pardon, mais comme je l'ai dis en intro, tout le post n'est pas de moi. Donc, certains propos ne sont pas de ma pensée.

Si je te dis que pour moi un film de Michael Mann massacré (La Forteresse Noire et Miami Vice) sont largement plus aboutis que les director's cut officiels d'un tacheron.

Je ne peux te donner mon avis sur Miami Vice pour la simple et bonne raison que ce n'est pas la version intégrale (qui sort en DVD). J'aime le côté "pas de début, pas de conclusion" et l'histoire d'amour Farrell-Li est magnifique (comme le couple Caan-Weld dans le Solitaire, Petersen-Griest dans Le 6ème Sens, Day Lewis-Stowe dans Le Dernier des Mohicans...).

Un excellent film, malgré qu'il soit massacré.

Voila, on est sur la même longueur d'ondes Bloody.

PS : J'adore la série d'origine (peut-être bien ma préféré avec Le Prisonnier, Les Envahisseurs, Hill Street Blues, NYPD Blue, Profit, Deadwood, Rome, Six Feet under, The Shield et Twin Peaks) et Mann a réussi (logique, puisqu"il est en le créateur officiel) la meilleure adaptation cinématographique d'une série TV, avec les deux films de La Famille Addams et Le Fugitif.

Vive Mann et en attendant le magnifique bouquin qui lui ait consacré chez Taschen.

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MessagePublié: 26 Sep 2006, 23:36 
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Jeune Padawan
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Inscription : 21 Juin 2005, 13:50
Message(s) : 57
Localisation : Ici et là -bas, vous ne pouvez pas comprendre !
Le livre tant attendu est enfin sorti !

Verdict : Le Livre de l'Année !

Très beau livre dans le sens le plus litteral du terme. Une magnifique iconographie où la beauté donne dans l'ambiguïté artistique (est-ce une photo ou une peinture ?). On en apprend beaucoup sur l'oeuvre de la "Bête". C'est Taschen, donc un grand livre de qualité. D'autant plus fort que c'est le premier livre français consacré au Monstre Sacré (en attendant le livre de Thoret chez les Cahiers)

Bémol relatif : Aucune image sur L.A. Takedown et le fait que l'on en parle en seulement deux lignes (en même temps, on sait que Mann le "renie" plus ou moins) et aussi le fait que Miami Vice n'est que survolé (hormis les photos).

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