Elle s'en sera payée, des titres, celle qui est sans doute maintenant l'Islandaise la plus connue de la planète : lutin, fée, idole déjantée, geyser, sirène des sons, j'en passe et des meilleures.
Royalement indifférente aux réactions qu'elle peut susciter, de l'adoration éperdue à la haine la plus farouche, la demoiselle suit, depuis pas mal de temps maintenant, son petit bonhomme de chemin, et n'en finit pas de composer, d'expérimenter, de tenter, bref de créer.
L'histoire de Björk commence avec l'album Debut. Enfin pas vraiment. Björk Gundmundsdöttir (moi aussi j'aurais voulu un nom de famille pareil
) est tombée dans la musique quand elle était toute petite, selon l'expression consacrée. De chansons pour enfants en groupes punks alternatifs, elle finit par percer avec le groupe punk des "Sugarcubes", qui connaît un succès aussi fulgurant que passager.
Cependant, la chanteuse rêve d'une carrière solo et débarque donc en Angleterre, avec dans sa valise les textes et les partitions qui fourniront le matériel de Debut, album qui oscille entre la pop, la house et les variétés internationales.
Björk s'est fixée un programme : ses deux premiers albums exploreront les univers musicaux avec lesquels elle est familière avant qu'elle ne se lance dans son propre style. De fait, après début, Post continue sur cette lancée, on y retrouve pêle-mêle du jazz, une balade électro, des parodies de slow... Le tout porté par les arrangements et surtout la voix assez inimitable de Björk elle-même. Car c'est sans doute à cele que l'on peut immédiatement identifier un morceau de l'Islandaise : des arrangements très particuliers, souvent arythmique, syncopée, et des instruments semblant fonctionner en oppostion, très souvent soulignés par des beats discret. Le tout porté par une voix étonnante, qui passe sans cesse du murmure à des trilles délirantes, entrecoupée par des respirations saccadées. Et c'est souvent ce dernier élément qui soulève les haines ou les passions.
Toujours est-il que la sauce semble prendre, la chanteuse entamant ensuite Homogenic, l'un de ses albums les plus étranges, dans lequel les instruments acoustiques, en particulier les violons, tiennent une place beaucoup plus importante que dans ses précédents albums, et forment une sorte de "techno organique", pour reprendre l'expression de la compositrice. Le tout sur des textes à la fois très simples et totalement déjantés.
Björk est sur les rails, et se lance dans des projets parallèles. Elle touchera donc au cinéma, avec Dancer in the Dark, mélo de Lars Von Trier (qui lui vaut d'ailleurs le prix d'interprétatio féminine à Cannes, tandis que le film reçoit la Palme d'Or), dont elle compose la bande sonore. Son album suivant, Vespertine, est peut-être le plus difficilement accessible, et a parfois des allures d'improvisation, tant au niveau de la voix que des instruments, et laisse une impression... glaçante, au sens littéral du terme.
Enfin, très récemment, celle qui est à présent reconnue comme une figure majeure de la musique contemporaine fait le pari assez gonflé de ne plus jouer que sur un seul registre : celui de la voix. De ce projet naît Medùlla qui, à grand renfort de logiciels de traitement du son, explore les possibilités vocales humaines, Björk s'entourant pour le coup de divers artistes de plusieurs nationalités.
C'est ça le monde de Björk, un patchwork un peu barré, dans lequel il n'est sûrement pas facile de rentrer. Seulement, une fois que l'on accepte de juste se laisser porter par la musique, on découvre des morceaux d'une richesse insoupçonnés au départ, écoutables dix, quinze, vingt fois, chaque nouveau passage nous révélant quelques petits détails auxquels on n'avait pas prêté attention la première fois.
Et puis, surtout, dans un contexte pas forcément évident, Björk a décidé d'innover en permanence, quitte à se donner droit à l'échec. Personnellement, je lui en suis reconnaissant, chaque nouvel album étant une surprise, un objet nouveau et intriguant, porté par une voix pas vraiment de ce monde.