Aussi, en réponse à DN : je pense que le grand moment de l'antagonisme franco-anglais, plus que la querelle dynastique du Moyen-Age, est l'époque moderne. On passe d'un conflit entre familles à un conflit entre nations ; concept qui n'existait pas en tant que tel à l'époque des Plantagênets...
Pour bien comprendre la querelle plus récente, qui n'a plus trait à la prétention au trône de France, il faut prendre en compte une très importante doctrine de la politique extérieure anglaise dès l'époque moderne : celle de la balance of powers, ou équilibre des puissances. En gros, il faut que les puissances continentales européennes soient de force à peu près égale, pour que nulle ne puisse devenir un danger pour l'Angleterre, qui pendant ce temps-là développe sa puissance maritime. C'est un élément essentiel de la défense de l'insularité chère à l'Angleterre.
Autre élément de cette défense : la maîtrise des côtes. Il est évident que, de par sa position géographique, c'est la France qui est la plus à même de menacer l'Angleterre d'un débarquement. Mais les côtes des Flandres ont aussi une grande importance pour la maîtrise de la Manche ; et, si les Anglais sont résignés à la présence de la France en Normandie, Pas-de-Calais etc. ils n'accepteront par contre jamais sa présence en Belgique et Hollande, notamment à Anvers, "poignard tourné vers l'Angleterre" : c'est une des principales causes de l'opposition acharnée de l'Angleterre à Napoléon.
Pour autant, l'Angleterre à l'époque moderne n'a jamais voulu l'écrasement complet de la France, car cela remettrait en cause la balance of powers. Il serait faux de croire que l'Angleterre s'oppose à la France parce que c'est la France et que l'Anglais, viscéralement francophobe, ne parle que de delenda est Parisis, à la manière de Caton. Si l'Angleterre a souvent été contre la France sous Louis XIV et Louis XV, c'est que ceux-ci voulaient augmenter la puissance de la France sur le continent, chose que l'Angleterre ne voulait pas, pour protéger sa propre sécurité. Mais quand, vers la fin de la guerre de Succession d'Espagne, la France est en position difficile et que l'Empire fait connaître ses prétentions au même trône d'Espagne, les Anglais, initialement hostiles à la France car voulant éviter la formation d'un empire franco-espagnol, signent une paix séparée avec la France, car ils veulent également, sinon plus, éviter la formation d'un empire germano-espagnol...
De même, lorsque, suite à la défaite de la France en 1815, la Prusse demande le démantèlement de la France, l'Angleterre, qui a pourtant été son adversaire le plus acharné, s'y oppose. Car la défaite de la France n'est pas une fin en soi : il ne faut pas qu'une autre puissance vienne prendre une place hégémonique sur le continent. C'est pourquoi l'Angleterre trouvera à s'entendre avec le retors Talleyrand, pour contrer l'expansion prussienne ou russe dont elle s'inquiète désormais...
Et c'est cette même raison qui, en grande partie, poussera l'Angleterre à se rapprocher de la France fin XIXème. Tout au long de ce siècle, l'Allemagne a été la puissance montante sur le continent ; et voilà , à la toute fin du siècle, que le nouveau kaiser annonce son intention de faire de l'Allemagne une grande puissance maritime... Dès l'affaire Schnaeblé (~1880), qui aurait pu mener à une nouvelle guerre franco-allemande, la reine Victoria assure la France de son soutien, face à un Bismarck qu'elle compare à ... Napoléon, pour son ambition excessive. La mort dudit Bismarck sera la fin de son habile système diplomatique destiné à isoler la France, et dès 1904, c'est - sur la base de questions coloniales regardant l'Egypte et le Maroc - la signature de l'Entente Cordiale entre France et Angleterre.
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