Ben, on ne peut pas concilier le premier et le second degré en
permanence dans la même oeuvre. Enfin, c'est possible d'être à la fois franc et cynique, en fiction, mais c'est, comment dire ? ... une alchimie assez rare.
Attention, je ne parle pas d'humour, mais bien de dérision acide.
Voyez la trilogie originelle Alien : malgré toute la répugnance que m'inspire personnellement l'orientation prise par James Cameron, et les regrets lancinants que j'éprouve par rapport à
une certaine version du scénario de "Alien ³" par William Gibson, la série se tenait à peu près, au moins au niveau
ton.
Jusqu'à ce que Whedon et Jeunet viennent flanquer le bordel dans l'univers.
Ce qui tue "Alien Resurrection", ce n'est pas la volonté jusqu'au-boutiste de fusionner Ripley et l'Alien de manière plus évidente (alors que le 3 version Fincher réussissait déjà brillamment à ce niveau thématique, et
subtilement), c'est
le second degré quasi permanent.
La majeure partie des personnages sont des durs ! On la leur fait pas, à eux ! Il faudra se lever de bonne heure pour les surprendre, haha, ils ne sont pas nés de la dernière pluie ! Ils poursuivent chacun des objectifs complètement égoïstes, possèdent un capital "effroi et déconcertation" face à l'entité Alien proche du zéro absolu, pourrissent tout début d'atmosphère par des vannes viriles, et le moins qu'on puisse dire, c'est que les deux éléments féminins qui auraient pu apporter du recul par rapport à tout ça ne font qu'achever le sabotage. Call et Ripley sont clairement des figures plus que féministes, répliquant avec âpreté aux mâles roulages de mécaniques, et relevant, au final, du manifeste de lesbianisme le plus hors de propos.
Et là -dedans ? Hé bien, dans toute cette avalanche d'humour qui se voudrait âpre et qui ne réussit qu'à être mou, de badass'attitude mal gérée au possible, le véritable propos, les rares thèmes intéressants de "Alien Resurrection" se retrouve étouffés.
Voilà ce qui se passe quand on ne sait plus ce qu'on raconte, une histoire sincère ou une peinture au vitriol.
La fiction qui cherche autre chose que l'éclat de rire du moment, quelle que soit son envergure, suppose une certaine suspension d'incrédulité et une confiance placée dans le récit. Quand vous commencez à regarder un film sérieusement, vous ne voulez pas que tout le monde parle autour de vous. Quand vous lisez un roman dont vous souhaitez profiter, vous n'y cherchez pas tout ce qui pourrait clocher.
De nombreuses parodies, d'innombrables films comiques ne cherchent pas à rire des prétendues "menaces" ainsi que des personnages. Non, il faut que le spectateur y croie. L'humour n'est pas censé naître de ça, quand on ne souhaite pas un pétage de plomb grand-guignolesque à la "Hot Shots" (film que j'adore, hein, attention). Quand on cherche autre chose, quand on veut toucher le spectateur,
Bref, si on devait critiquer Souillon en termes de "vrai récit", on lui reprocherait d'entrechoquer constamment humour moqueur et premier degré en une mayonnaise d'autant plus casse-cou qu'elle se mêle de poésie et de moralisme pseudo-rebelle pseudo-nihiliste ("Ouais, la vie, c'est trop de la souffrance et on crève tous à la fin").
Mais voilà , il échappe à la critique sérieuse justement parce que "c'est un blog". D'où étouffement du questionnement dans l'oeuf.
Reste, dans tout cela, une interrogation : cette orientation pseudo-cynique et pseudo-rebelle est-elle volontaire et racoleuse, ou tout à fait inconsciente et sérieuse ?