Je rompts le silence sur la nouvelle coqueluche des médias en matière de mangasse: Dreamland. Je le vois et en entends parler partout: sur M6, sur internet, dans les librairies, tout le monde s'exalte ou s'insurge du "premier manga français" selon Pika (Aïe, ça y'est, je l'ai écrit).
Alors, moi pas peur, moi aventurier, j'ouvre ladite première bande-dessinée du "mangaka de Montpellier".
Ma première réaction a été plutôt positive, j'avoue que je m'attendais à pire. Les expressions des personnages sont correctes et le dessin est relativement dynamique et pas trop moche. Je passe sur la ressemblance évidente des personnages avec ceux de One Piece, Shaman King et Rave. Cependant, le véritable hic vient lorsque je commence à rentrer dedans et à le lire...
L'histoire semble simple: un garçon, Terrence, a de sérieux penchants pour une nana. Normal à son âge, il est lycéen. Evidement, il est trop timide pour s'en approcher et se réfugie dans son monde de rêves: dreamland ou il devient le "contrôleur du feu".
Je trouve les dialogues plats et sans saveur. On a parfois l'impression de parcourir un forum à la jeuxvideo.com ou tous les 11/15 ans analphabètes s'entre-tuent. C'est dommage, il avait quelque chose à faire avec la jeunesse d'aujourd'hui, mais je trouve qu'on tombe ici dans la pâle caricature. Aucun gag ne fait mouche, je n'ai pas ri. Le pire étant celui ou le héros lâche un pet énorme en classe et ses potes de s'exclamer: "mais t'as le cul moisi ou quoi ?!"
Les situations s'enchaînent et les scènes émotionnelles ne touchent pas, surtout avec la fille en question. Il pourrait y avoir une certaine sensibilité dans le travail, comme par exemple dans les histoires d'Adachi ou même de Katsura, mais Reno brosse son histoire sentimentale à la va-que-ch'te-pousse en multipliants les clichés. Ou peut-être est-ce dû également au manque de consistance des personnages ? Toujours est-il qu'on accroche guère aux tribulations de Terrence.
Autre point noir: les décors. On me serine que l'histoire se passe à Montpellier. Je veux bien, certaines cases l'indique par un "Place Intelle à Montpellier", mais OU sont les case de mise en situation ? La plupart du temps, les personnages flottent dans des cases et il faut revenir plusieurs pages auparavant pour comprendre qu'ils sont au lycée, parce qu'une case l'a indiqué en illustrant rapidement un bâtiment. Les japonais savent pertinament illustrer leurs histoires avec des décors maîtrisés à l'excès. Ici, rien. Je ne me souviens que d'une page avec un manège et un kiosque à journaux, un bâtiment perdu au début, et plus rien. Le reste des décors est esquissé en trois traits brouillons, jetés de temps en temps dans les pages. Ce qui devrait poser l'histoire, la rendre crédible, la rend encore plus floue qu'elle ne l'est au départ en la perdant au milieu d'un monde esquissés peu convainquant. C'est crispant, lorsqu'on voit que l'auteur sait se débrouiller en décors mais ne s'en sert pas.
Enfin, je terminerais sur la volonté ridicule de Pika à éditer cette BD dans un sens oriental de lecture. Déjà que, pour le professionnel ou l'amateur hardcore, il est évident que Reno a encore un mal fou avec la narration et le sens de lecture occidental, pourquoi l'inverser et rendre les défauts encore plus flagrants ?
En définitive, le "premier manga français", ou devrais-je dire "la-première-bande-dessinée-occidentale-s'inspirant-à -l'excès-du-manga-et-ayant-eu-une-campagne-publicitaire-tonitruante", ne casse pas vraiment des briques comme, hélas, je m'y attendais. Bref, je l'ai reposé, un peu déçu de ne pas avoir été agréablement surpris et me suis jeté sur Les dessins de la vie de Hirosuke Kizaki, chez Soleil Manga. Un excellent investissement.
_________________
|