Eltanin

Tout à  l'heure, je prenai en main Tintin au pays des Soviets et eut soudain une sorte d'illumination en rapprochant sa couverture du première arcane du Tarot de Marseille, à  savoir le Mat ou arcane sans numéro.



Plusieurs éléments communs apparaissent au premier coup d'oeil:

• les personnages: un homme et un chien.
• les couleurs principales: bleu, rouge et jaune.

Outre ces ressemblances, on s'intéressera aux spécificités de la couverture de Tintin: même si c'est une caricature, les proportions du visage sont parfaitement respectées (rapport oreille-nez, place des yeux par rapport au crâne...). Tintin n'a ni bouche ni sourcil, ce qui renforce la présence des organes sensoriels tel que l'odorat, la vue (sans émotion exprimée) et les oreilles. Inversement, Milou est doté de la parole et exprime les opinions qui devraient être celles de son maître et est doté d'une bouche et de sourcil qui permette d'exprimer ses émotions. Les couleurs sont des bottes rouges (le sol) et un costume bleu (le ciel) qui signifient un être aux pieds bien ancrés dans la terre et inspiré. La boutonnière et le col forment un 7, reprenant la forme suggérée par les bâtons du mat, qui est aussi le chiffre divin. Enfin, la mèche dorée de Tintin est semblable à  une flamme qui sort de son crâne...

Je ne suis guère convaincu par ta comparaison. Par contre, je me range tout à  fait à  ton opinion en ce qui concerne la flamme, le 7, et surtout la dépersonnalisation de Tintin opposée à  la caractérisation de Milou. Serait-ce une manière de conserver le piment d'une personnalité fraîche dans la bande dessinée tout en faisant de Tintin lui-même une coquille vide dans laquelle le lecteur peut se projeter ?



Dans la première case de Tintin portée à  la connaissance du public, le chien est déjà  là . Déjà  expressif, alors que le jeune homme est déjà  neutre (et très laid dans cette version, oui). Et Milou parle déjà , émettant un commentaire stupide, mais qui épice la case, là  où Tintin se contente de reposer comme une poupée de chiffon, tenant vaguement un journal entre ses mains.

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La première case de l'histoire les représente sur un quai de train. Force est de constater qu'à  ses débuts, Hergé était loin d'être le meilleur dialoguiste mais la naïveté des philactères fait tout leur charme. Dans le cas présent, le commentaire sur les puces est stupide, certes, car les puces ne sont pas uniquement russes évidemment, mais cela souligne les craintes qui existaient alors vis à  vis de l'Est à  l'échelle d'un chien. On se souviendra d'autres oeuvres littéraires qui soulignent cette peur de l'immigrant de l'Est dont Dracula de Bram Stoker est l'un des plus célèbres. L'objet de Tintin est aussi d'une certaine manière d'aller voir si la réputation de ces pays était méritée. Ce qui est amusant, c'est de se rappeler qu'à  l'époque on accusait Hergé de faire de l'anticommunisme primaire pour se rendre compte après coup que sa peinture du monde soviétique était à  peine caricaturale...

Le principe de la "coquille vide", qui fait d'ailleurs tant de ravages dans les productions théâtrales et cinématographiques, me semble peu plausible dans la mesure où il n'y a pas vraiment de personnage à  la psychologie bien défini dans toute l'histoire et la plupart se manifestent par leurs actions. À méditer cependant.

Mon interprétation sur l'analogie entre le Mat et Tintin ne se veut évidemment pas une certitude mais juste une hypothèse. Reste à  savoir si ce choix et ces ressemblances ont été assumées par leur auteur ou si elles sont le fruit d'un travail inconscient.