Toutes les villes fantômes possédaient à leurs abords des arbres morts gratifiés d'un pendu, et celle-ci ne faisait pas exception. Qui plus est, le condamné à mort était réduit à l'état de squelette, ce qui datait les lieux mieux qu'un test au carbone 14. Comme pour ajouter au lugubre, une seconde carcasse dans un pire état (les os étaient à ce moment-là rongés par des coyotes sauvages) était crucifié au tronc desséché.
L'arbre était situé à cent mètres d'une pancarte proclamant l'inexistante population des lieux, et la raison pour laquelle nous nous intéressons à ce végétal aussi mort que le reste, c'est que, tel un écho tordu de la pancarte ornée d'un grand Kanar, l'arbre était surmonté d'une forme maigre.
Mais... où il est passé ?
Tyrnel DragonNoir était fort occupé à croiser les bras, son blouson jeté
négligemment sur une épaule (en fait, dans ce vent sec, faire tenir un blouson sur une épaule comme une sorte de cape de guerre était une gageure, il avait fini par le fixer à l'aide d'un clou rouillé trouvé aux environs). Physiquement, cette personne ressemblait à un nommé Raphaël Lafarge d'un autre univers, sauf que ce n'était pas Raphaël Lafarge d'un autre univers parce que Raphaël Lafarge ne s'insère plus dans des récits, sa thérapie post-nosgothique le lui interdit. C'est Tyrnel, donc, le quasi-sosie de Raphaël à part qu'il a les cheveux noirs, les pupilles rouges, qu'il est bien plus pâle et maigre, et qu'il est trèèès androgyne. Tapette. Tafiole. Vous imaginez le truc. Et si vous l'imaginez pas, il y a
des dessins.
Pourquoi s'intéresse-t-on à Tyrnel, l'être le plus dépressif et le plus rachitique du monde ? Parce qu'il ne va pas tarder à voir son frêle corps ravagé par les attaques les plus dévastatrices de Kanar. Et vice-versa, d'ailleurs. Intéressons-nous donc un peu à Kanar.
Aussi semblable au nommé Ranakel d'Ambre que Tyrnel l'est à Raphaël (mais à l'envers... enfin, presque), Le-Kanar est passé par Traumen et par pas mal d'autres mondes. Érudit profitant des connaissances de nombreuses dimensions,
playboy à ses heures, adepte occasionnel de la bonne baston.
Ces deux êtres d'exception étaient donc fixés là , sur leurs piètres piédestal, et fixaient des directions opposées, n'apercevant pas, même du coin de l'oeil, leur adversaire prédestiné.
C'était le commencement d'une confrontation unique...