Je pense que tu t'embrouilles à cause de ces histoire de téléportation, de physique quantique... Or, la question est purement philosophique. Laissons tout cela de côté, et revenons sur l'exemple d'Yves, bien plus parlant et excluant toute interprétation "paranormale" :
Citer:
Disons qu'on a donné votre apparence physique à quelqu'un par chirurgie plastique. Parfaite reproduction. Il avait déjà votre gabarit et une gueule qui ressemblait à la vôtre, on l'a retaillé pour qu'il soit strictement identique.
Ensuite, on vous a disséqué - au sens figuré, hein. Votre passé, vos opinions, votre vision du monde. On a eu recours à l'hypnose régressive pour que vous déballiez des trucs que vous aviez "oublié". Et ensuite, on a lavé le cerveau de la personne remodelée à votre image pour le "configurer" avec ce qu'on avait appris sur vous.
Bien entendu, on peut adresser deux reproches à cette méthode :
1) Elle est très grossière et imparfaite ;
2) Elle est insoutenablement lente.
Imaginez-vous en train de voir votre copie se modeler jour après jour, tout en sachant que vous allez disparaître, et donc que vous êtes déjà inutile... ce serait proprement horrible.
Maintenant, supposons que l'on améliore le procédé décrit plus haut. Je dis bien
améliorer - c'est à dire, le rendre plus rapide et plus parfait, sans rajouter le moindre phénomène quantique ou paranormal. Voici grosso modo ce que donnerait la "méthode Yves" améliorée : on sort un corps adulte vierge d'un bocal, on le modèle selon votre apparence physique exacte (jusqu'à la moindre égratignure), puis on effectue un scan de votre cerveau, et on reprogramme le sien de façon quasi-instantanée, jusqu'à ce qu'il soit identique au votre, et ce jusque dans la moindre synapse. On a rien changé au principe de la méthode, on l'a juste customisée à l'extrême, de façon à pouvoir produire une copie de façon parfaite *et* instantanée. Pas de paradoxe temporel ou autres phénomènes bizarre, donc.
Il n'y a donc aucun transfert. Le corps original reste concient, et le corps copié
devient conscient. Les deux consciences sont identiques à t = 0, mais rien ne les relie, pas plus que des frères jumeaux ne sont reliés. Car des jumeaux ne doivent pas se partager la même conscience, que je sache... Eh bien, notre copie est juste un "super frère jumeau", parfaitement identique de corps et d'esprit. A t = 0, tout du moins.
Si je résume par ailleurs ton message, tu sembles raisonner ainsi : Il y a d'abord la conscience, le "moi". Ensuite, on attribue un corps à cette conscience. Bien entendu, si on lui attribue deux corps, ça coince. C'est peut-être précisément parce que le corps (cerveau inclus)
précède la conscience, et non pas l'inverse. Nous avons deux corps, deux cerveaux identiques, et dans chacun de ces cerveaux
nait la conscience. Deux conscience similaires au début, mais absolument pas reliées. En fait, tu vois la conscience comme une entité, alors que je la vois comme un phénomène. Le cerveau est une entité, mais le traitement et la transmission d'informations sont des phénomènes. Et un phénomène est indépendant du support physique où il se produit.
Donc, en gros, le sentiment d'exister tel que tu l'entends, à travers une "conscience-entité", est une illusion. A toi de le contredire, si tu y parviens.
Raphaël > C'est sur la base de cette réflexion que je me dis qu'il n'est pas si terrible de mourir, même si mort = disparition totale. Au fond, mon être n'est fait que de souvenirs et d'expériences... le goût d'un bon steak, par exemple. Des gens ont mangé des steaks avant moi (n'y voyez aucun sous-entendu), d'autres en mangeront après, je ne fais donc pas de soucis de ce côté-là . Je m'inquiète davantage pour mes sentiments plus personnels, dont je ne suis pas certain qu'ils existent chez d'autres : si je disparais, ils pourraient bien disparaître pour de bon. Je suis donc poussé à les immortaliser d'une manière ou d'une autre (c'est d'ailleurs ce que font les artistes).
A ce propos, je serais tenté de dire que c'est la peur de mourir qui te pousse à écrire : si tu meurs, l'engouement et la fascination que tu éprouves envers les univers d'heroïc fantasy disparaîtra avec toi. Bien sûr, il y a d'autre fans du genre, mais leur vision n'est sans doute pas aussi spécifique que la tienne : tu dois donc écrire pour la transmettre et l'immortaliser. A l'inverse, le fan de fantasy "modeste", qui n'estime être qu'un fan parmis tant d'autres (commun, remplaçable...) ne ressentira pas le besoin d'écrire : ce qui est déjà publié suffit à apaiser son angoisse face à la mort. Tout au plus se contentera t-il de faire de la propagande pour perpétuer son fandom, comme une fourmi dépersonnalisée, par opposition au loup solitaire qu'est l'écrivain émancipé. Notez, avant de me lancer des pierres, que je ne fais pas l'apologie de l'un par rapport à l'autre : tout le monde est "fan passif" pour certaines choses, et "fan actif" pour d'autres.
Qu'en penses-tu ?