La critique d'Onfray dans
Le nouvel Obs' me paraissait assez pertinente :
Michel Onfray a écrit:
Moi, BHL, je suis de gauche ; or je pense ceci ; donc ceci est de gauche ; dès lors, quiconque ne pense pas comme moi est un homme de droite ; or tout homme de droite est, en dernière analyse, un vichyste...
Bon, après, par contre, il lui reproche son côté gauche caviar, et on a envie de lui parler de l'hôpital, de la charité et toussa. Sans compter que chez BHL, c'est un côté complètement assumé, mais passons.
Historiquement, enfin depuis la IIIè République, disons, la gauche s'est surtout remarquée dans son combat en faveur des ouvriers, des mineurs... Seulement, maintenant, la classe ouvrière n'existe pratiquement plus, la société a changé, et heureusement ! Il n'y a sans doute rien de plus aliénant et dégradant pour l'homme que le travail à la chaîne, et personnellement, en tant que socialiste, je ne peux que me réjouir de cette disparition. Quand Finkielkraut dit "Les ouvriers jetés à terre par les délocalisations, qui en parle vraiment ? Tout le monde s'en moque !", il correspond exactement à l'idée que je me fais de la droite antimoderne : on ressort d'anciens combats correspondant à une lecture de la société complètement dépassée, c'est Nicolas Sarkozy : l'ouvrier travailleur contre le patron voyou et son parachute doré. Ceci dit, cette défense du mythe de l'ouvrier n'est pas l'apanage de la droite, on la retrouve également dans une certaine gauche, en particulier à l'extrême-gauche qui aime beaucoup, elle aussi, faire du malheur des gens son fonds de commerce, qui a
besoin du malheur des gens pour exister, pour moi, le socialisme ce n'est pas cela.
D'où le "brouillage des pistes",
ces hommes de gauche à droite comme le titre Marianne. Il est certain que si l'on veut défendre les ouvriers, le candidat Sarkozy était un bien meilleur choix que la candidate Royal. L'ouvrier français a disparu en même temps que Mitterrand, remplacé par des machines et l'ouvrier du tiers-monde, ce n'est donc pas un hasard si l'on retrouve la garde rapprochée de l'ancien président socialiste dans l'entourage du président Sarkozy. La droite est, et a toujours été, le maintien de l'ordre établi, il ne s'agit même pas pour Nicolas Sarkozy de permettre à l'ouvrier de s'élever dans la société mais de le faire travailler plus ! Quelle brillante avancée sociale ! Qu'on ne s'y trompe pas, en ce sens, Nicolas Sarkozy est l'héritier direct des royalistes défendant leurs privilèges.
Ceci dit, à la droite résolument antimoderne du locataire de l'Elysée, j'opposerais une droite chrétienne (dont Christine Boutin est une très mauvaise caricature) agissant avant tout par charité chrétienne, d'où, paradoxalement, des avancées pleines de contradiction sur les questions de société. Les héritiers naturels de la démocratie chrétienne en France sont bien entendus Valéry Giscard d'Estaing et François Bayrou. Si l'on doit à VGE les lois Neuwirth et Veil, il faudra attendre 1981 et le retour des socialistes au pouvoir pour voir la suppression de la peine de mort ainsi que de l'alinéa 2 à l'article 331 (voté sous Vichy, à peine modifié à la Libération) supprimant toute distinction entre relations homosexuelles et hétérosexuelles. On retrouve la même contradiction chez François Bayrou, farouche opposant au PACS (comme la quasi-intégralité de la droite) qui a proposé dans son projet présidentiel une union civile ayant exactement les mêmes droits que le mariage... avec un nom différent.
Assez parlé de la droite, qu'est-ce qu'être de gauche, aujourd'hui ? Il est certain que ce n'est pas s'approprier le dreyfusisme. La gauche n'a pas plus de droit sur Dreyfus que la droite sur Guy Môquet. Ceci dit, BHL lance des pistes de réflexion intéressantes, en particulier sur la "crise des banlieues" qu'il qualifie de crise sociale. S'il est certain que le "jeune de banlieue" (comme il convient de le nommer) n'a rien d'un Gavroche, ce qualificatif me semble néanmoins parfaitement pertinent. Je vais reprendre une réflexion du brillant philosophe Raphaël Lafarge dans sa folle jeunesse :
Le Duce Lafarge a écrit:
La majorité des dépressifs de la société actuelle [...] sont des enfants gâtés de pays riches qui dépriment uniquement parce qu'ils sont embourbés dans une oisiveté de mauvais aloi. Tu ne verras jamais de mentalités pareilles au Tiers-Monde.
(Raphy renie ce qu'il a écrit, si vous vous posiez des questions)
Hé bien non, ce n'est pas parce que l'on ne vit pas dans un pays pauvre que l'on n'a pas de problème, que l'on n'a pas le droit de se plaindre, ce n'est pas parce que l'on vit dans un pays où l'on peut subvenir à ses besoins les plus élémentaires que l'on n'a pas le droit d'en demander plus. Et c'est à mon avis une différence fondamentale entre la gauche et la droite qui existe toujours ; pour moi, la gauche, c'est l'accès de tous au
vrai nécessaire : le pain et le livre pour reprendre Péguy, pas seulement le pain ! J'aime beaucoup quand BHL dit : "
Le pire, pour moi, c'est quand Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de l'Académie française, va dire à la télévision russe : « L'origine de la crise des banlieues, c'est la polygamie. » C'est quand les policiers français osent, avec des jeunes de banlieues, un tutoiement qu'ils ne se permettraient avec aucun d'entre nous." Je n'apprécie pas beaucoup BHL mais sur ce point, je suis parfaitement d'accord avec lui. Je suis sans doute profondément stupide et idéaliste, mais je n'arrive pas à concevoir que l'on brûle des voitures pour le plaisir et ce, encore une fois, contrairement à monsieur Sarkozy. Et la prison ne saurait en aucun cas être une solution, ce qu'il faut donner à la banlieue, avant tout, c'est le goût du livre, au risque de faire dans le lyrisme.
Autre point de réflexion : le cosmopolitisme, c'est un sujet qui a été complètement oublié par le parti socialiste, et c'est bien dommage. Je déteste le nationalisme, je trouve la Marseillaise à chier, je pense qu'il n'y a rien de glorieux dans la prise de la Bastille et l'idée que l'on attache des idéaux à un bout de terre m'écÅ“ure. Et il s'agit là encore d'une différence fondamentale entre la gauche et la droite malgré le ridicule avec lequel la candidate socialiste a tenté de s'approprier le drapeau tricolore. Souvenez-vous du slogan de l'UMP aux dernières élections européennes : "
Avec l'Europe, voyons la France en grand !", des partisans du non, comme du oui, au référendum qui sortaient tous des arguments purement nationalistes, il n'a jamais été question de l'Europe dans le débat mais toujours de la France, des deux côtés, et même à l'extrême-gauche qui de plus en plus renie l'internationalisme de Marx en se livrant à des discours avec de forts relents de nationalisme, le plombier polonais n'y est jamais bien loin. A mon sens, c'est le cosmopolitisme, avant toute chose, qui est la marque de fabrique de la gauche, et c'est pour cela que je suis un fervent partisan de la construction européenne, dont l'un des principaux mérites
est de fonctionner comme une machine à refroidir cette passion nationale.