Te refuses-tu à saisir ma pensée ou l'as-tu mal comprise ? Je vais me répéter (et détailler par la même occasion).
Raphy a écrit:
Je considère qu'il est impossible de prédire le comportement de chacun, d'abord parce que l'on ignore toujours des facteurs constitutifs de la personne (d'ailleurs, la personne elle-même ignore certains facteurs constitutifs, je renvoie à l'inconscient), ensuite parce qu'il y a une part de hasard dû à ce que j'appelerais une certaine "chimie aléatoire" du cerveau, et pour finir, surtout, parce que nous changeons
Je ne suis pas un fataliste. Un fataliste croit au destin. Je ne crois pas au destin, rien d'inéluctable ni de surnaturel dans ma vision de la chose.
Et surtout, le fatalisme est connoté ! Il se rattache à la notion de prédestination, laquelle est tout ce qu'il y a de plus logique et raisonnable, mais se trouve embourbée dans un imbroglio judéo-chrétien impliquant le libre arbitre.
Quand un homme veut changer, il peut changer. Il n'est pas condamné à agir éternellement d'une manière ou d'une autre.
Mais la décision d'évoluer dans une direction réclame un ensemble de conditions préalables pour être entérinée. Et ces conditions, terreau du changement, varient selon les individus. Pour avoir envie d'
être d'une manière ou d'une autre, il faut avoir suivi un cheminement particulier préalable : nos désirs sont eux aussi conditionnés par ce que nous sommes. Pour certains, la vie idéale, c'est une petite maison, un couple stable, un enfant. Pour d'autres, c'est le succès, la fortune, les voyages, ou que sais-je encore.
Je crois que nous pouvons changer et choisir, mais pas dévier de la route. Ce n'est pas contradictoire ; le changement est seulement prévu à l'origine dans la direction de la route.
Bien sûr, cette conclusion ne vaut que si l'on considère que le futur est unique, fixe. Dans une vision plus arborescente du temps, les changements sont pris en compte.
Mais la chose reste valable : nous faisons nos choix en fonction de ce que nous sommes.
Tu peux dire, par contre, que je suis
déterministe. Et là encore, ce n'est pas tout à fait exact : le déterminisme au sens philosophique suppose, m'est avis, une compréhension des mécanismes qui amènent l'homme à être ce qu'il est et à agir comme il agit. Comme s'il y avait, en la matière, des lois scientifiques. Or je crois ces mécanismes fondamentalement insondables. On peut éclaircir certains processus, mais la plupart sont hors de portée du sujet concerné comme des personnes qui souhaiteraient l'analyser.
Je ne joue pas sur les mots, je précise ma conviction : si l'homme est déterminé, c'est de manière incompréhensible.
Zohar a écrit:
En résumant ta pensée, Raphaël, tu es comme le mathématicien du livre Prélude à la fondation :
Tu dis que le destin de chacun est fixé depuis le début de l'univers et ce que l'on nomme hasard est tout simplement ce que nous ignorons. Toutefois, même si nous connaissions tous les facteurs à l'Å“uvre dans le déroulement du temps, la puissance de calculs nécessaire pour le prévoir dépasserait les possibilités de l'univers.
Là , par contre, je me dois d'approuver. Oui.
Le temps tel que je le vois est fixe, j'ai d'ailleurs du mal à considérer qu'il puisse être autrement, qu'il y ait un présent
objectif (mais on peut penser différemment, Grhyll m'avait jadis exposé qu'à son sens, le passé était inexistant, de même que le futur, qu'il n'y avait que le présent... et en un sens, pour l'humain, ce sera toujours le cas).
Du coup, l'avenir, l'avenir que chacun se choisit, ou va se choisir, chacun l'a déjà choisi, en quelque sorte, et s'y est déjà dirigé.
Mais pour ce qui est de la prison de l'identité, je ne parle pas d'espace-temps fixé. Je me borne à dire que nos choix sont conditionnés par notre identité, et qu'ils ne pourront donc jamais faire preuve d'une liberté absolue. Bien sûr, il y a la liberté relative de choisir en fonction de ce que nous désirons, mais justement, c'est ce que nous désirons, et nos désirs sont ce que nous sommes. Encore des liens, encore des barreaux (et là , on rejoint la doctrine bouddhiste : le désir nous enchaîne).
Par contre, je ne suis pas d'accord avec le mathématicien Hari Sheldon pour ce qui est du hasard, j'y viens justement...
Zohar de Malkchour a écrit:
La mécanique quantique prouve tous les jours qu'il existe une part de hasard. Ce n'est pas un problème de calcul ni de méconnaissance des facteurs, c'est tout simplement que la nature est ainsi.
Je pense t'avoir déjà parlé d'un dispositif pour créer du hasard : Il s'agit d'une vitre semi-réfléchissante vers laquelle un faisceau de lumière est orienté. Ce faisceau n'envoie qu'un seul photon à la fois. Au contact avec la vitre, les photons constitutifs du faisceau sont donc soit réfléchis soit libres de passer. Et ceci est imprévisible. On a alors des suites totalement hasardeuses de 0 et de 1, comme par exemple : 0010110100111011100.
Je m'en souviens.
C'est ce que je tentais de dire par "chimie aléatoire".
Je crois à la part de hasard, c'est le point principal sur lequel je suis en désaccord avec Sheldon. Le hasard est ce qu'il est, le hasard, rien de plus, rien de moins. Il a sa place logique dans la vision arborescente du temps comme dans sa conception linéaire.
Mais là encore, ce n'est pas de "notre" ressort. D'ailleurs, qui est "notre" ? Où se situe le contrôle, s'il n'est ni dans l'identité, ni en dehors de celle-ci ?
Histoire de ne pas me contenter de préciser, je vais également faire une parenthèse sur la vision de Baruch de Spinoza...
Ce penseur était convaincu que non seulement nous étions déterminés, mais qu'il était possible de découvrir en quoi. Et que c'était même le devoir de l'homme, et la voie d'une certaine liberté relative, que de découvrir en quoi. Car sans savoir ce qui le forge, l'homme reste en butte à la superstition.
Spinoza aurait considéré votre serviteur comme un idiot mystique s'éloignant volontairement de la puissance de l'action et niant une certaine autonomie humaine pour mieux placer son sort entre les mains inexistantes d'entités supérieures.