Tribersman, tu as écrit, dans ton précédent message...
Tribersman a écrit:
- La sélection Darwinienne s'applique. Que ce soit "Le plus fort gagne" ou "la synergie fait la force" dépend de l'optimisme/pessimisme de chacun.
Contrairement à ce que beaucoup de gens s'imaginent, Darwin n'a jamais parlé de survie du plus fort mais du plus adapté, ce qui n'est absolument pas la même chose. Le simple fait que tu te vautres dans cette approximation si grossière t'interdit de les invoquer, lui et son travail, pour servir ton argumentaire. Je m'étais abstenu de relever précédemment mais puisque tu sembles vouloir y revenir, tu ne me laisses pas le choix.
Tribersman a écrit:
c'est de ne pas partager notre culture dans d'autre langage qui la ferait disparaitre.
[...]
On ne devrait pas parler des besoins de notre langue mais de notre culture, et notre culture à besoin d'être partagée.
Que voilà un intéressant argument - et je le dis sans ironie aucune. Si je te comprends bien, tu considères que la langue n'est que le vecteur de la culture et que peu importe ce vecteur du moment qu'il y a transmission ? C'est un point de vue défendable mais que je ne partage pas pour deux raisons :
- d'une part, à mes yeux, la langue fait partie intégrante d'une culture ;
- d'autre part, une culture n'est pas qu'un ensemble d'informations, c'est quelque chose de plus intangible dans lequel la forme (la façon dont elle se manifeste) a autant d'important que le fond (ce qui se manifeste).
Quant à savoir si notre culture a
besoin d'être partagée... je dirais que dans un premier temps elle a besoin d'être perpétuée en étant transmise aux nouvelles générations de Français et qu'ensuite nous nous soucierons de savoir si des étrangers s'y intéressent ! Et vu combien le processus d'intégration de notre République semble grippé, ce n'est pas gagné.
Tribersman a écrit:
Un tel principe conduirait à un cercle vicieux de minimisation des langues étrangères, après quoi le pire serait de ne faire aucun effort pour apprendre d'autre langages et espérer imposer par magie notre langue aux autres.
Ou alors nous pourrions réhabiliter la très respectable, très ancienne et très effective profession d'interprète/traducteur qui nous a si bien servis pendant... à peu près toute l'histoire humaine jusqu'à il y a quelques décennies quand l'uniformisation linguistique a été entamée.
Tribersman a écrit:
C'est bien parce que "Citoyen du monde" entre en conflit avec ta logique nationaliste que j'ai utilisé cette formule.
[...]
autant l'identité nationale -un concept creux- et le langage se retrouvent bottés en touche par la possibilité d'un monde sans frontière et sans problème de traduction.
Puisque tu souhaites en parler tout de suite...
"Citoyen du monde" n'est pas en conflit avec
ma logique
nationaliste, il est en conflit avec la logique tout court.
Être
citoyen de quoi que ce soit signifie jouir de droits et être astreint à des devoirs envers la communauté dont on est citoyen. Or, aux dernières nouvelles :
- être terrien ne donne aucun droit concret, tout au plus moral si on se réfère à la Déclaration universelle des droits de l'Homme ;
- être terrien n'engage à aucune obligation envers la société planétaire.
Et pourquoi la Terre ne nous donne-t-elle ni ne nous demande-t-elle quoi que ce soit ? Parce qu'elle n'existe pas en tant qu’État et, ainsi que nous le stipule très clairement la définition du Larousse, un citoyen est une "
Personne jouissant, dans l'État dont il relève, des droits civils et politiques, et notamment du droit de vote (par opposition aux étrangers)." ; il n'y a pas de citoyenneté sans État, c'est aussi simple que ça.
Et pourquoi n'y a-t-il pas d’État "terrien" ?
Parce qu'un État est une forme de communauté organisée, notamment au niveau politique ; une communauté suppose une relative homogénéité culturelle ainsi que la volonté de vivre ensemble - la communauté est plus que la somme de ses partis, il ne suffit pas de mettre un certain nombre d'individus côte à côte pour prétendre qu'ils forment une communauté : il est nécessaire qu'ils aient suffisamment de choses en commun pour qu'ils se soudent les uns aux autres et qu'ils en aient l'envie (comme le résume le Larousse en nous définissant l’État comme une "
Société politique résultant de la fixation, sur un territoire délimité par des frontières, d'un groupe humain présentant des caractères plus ou moins marqués d'homogénéité culturelle et régi par un pouvoir institutionnalisé.").
La Terre, au dernier décompte, ce sont plus de sept milliards d'individus, issus d'horizons, de vécus, passés par des expériences tellement différents, divergents et parfois contradictoires qu'ils n'ont pratiquement aucun dénominateur commun hormis ceux qui relèvent de biologie inhérente à l'espèce.
Tu n'as rien en commun avec un Touareg qui voyage dans le Sahara, un Chinois qui travaille dans une ferme communautaire dans le Hunan et que sais-je encore ; les seules choses que tu partages avec eux sont tes besoins physiologiques et ton désir de les voir satisfaits.
Tu n'as rien à foutre, hormis éventuellement d'un point de vue intellectuel, de savoir si l'Azawad obtiendra son indépendance et si le Touareg aura une terre qu'il pourra appeler la sienne, ou encore de savoir qui sera le prochain maire de Changsha et quelles solutions il proposera pour résoudre les problèmes de sa municipalité. Tout comme
eux n'en ont rien à foutre de savoir que nous nous sommes débarrassés de Sarkozy l'année dernière et que nous avons de plus en plus de cons qui le regrettent, menaçant de lui permettre de revenir en 2017.
Leurs problèmes, les choses qui les préoccupent au quotidien, ne sont pas les tiens et inversement : que l'Azawad devienne indépendant ou non ne t'affectera pas le moins du monde, tout comme les Touaregs ne seront pas touchés par l'identité du prochain président de la République française, au contraire des autres Français qui, s'ils ont deux sous de bon sens (hypothèse audacieuse, je sais), devraient sérieusement s'en préoccuper parce que comme toi, ils sont
concernés au premier chef.
Tu ne formes pas une communauté avec les sept milliards de terriens parce que tu n'as rien en commun avec eux tous hormis l'appartenance à la même espèce. Former une communauté à une échelle planétaire nécessite de réduire l'être humain à l'animalité la plus primale, à savoir ses besoins viscéraux : manger, baiser, etc. Le matérialisme régnant dans nos sociétés est un outil supplémentaire en ce sens et c'est bien dans cette direction que tire le processus de mondialisation : réduire les humains à des
consommateurs, à savoir une somme de besoins à faire satisfaire par les multinationales... mais je m'éloigne du sujet.
Il n'y a pas - encore, et espérons-le, vu ce que cela signifierait, jamais - de communauté humaine mondiale. Qu'il le reconnaisse ou non, chaque être humain est le fruit, l'héritier et le représentant d'une culture particulière, celle de la communauté à laquelle il appartient. La nation est la forme la plus importante et élaborée de communauté viable et certainement pas un "concept creux".
La "citoyenneté du monde" n'est donc rien de plus qu'une formule de poseur prétendant à une certaine forme de modernité, d'avant-gardisme dans leur conception du monde alors qu'en fait ils ne sont que les idiots utiles de la machine à broyer les sociétés humaines et tout ce qui pourrait protéger l'individu ; sous prétexte de "libérer" celui-ci, elle ne fait que l'isoler et le rendre totalement démuni face à elle... mais je m'éloigne encore du sujet, tout ceci concerne plutôt la mondialisation dans son ensemble.
Tribersman a écrit:
Yves, je souhaiterais te poser une questions : En minimisant la dimension personnelle de la réponse, y a t-il une langue dans laquelle tu vois plus de vertus que le français ?
Puisque tu le demandes si poliment, et malgré que je ne souhaite pas discuter des mérites comparés de telle et telle langue - c'est tout de même la troisième fois que je le signale dans cette conversation - je vais te répondre.
Je parle couramment deux langues - l'espagnol et le français - et pratique (correctement à l'écrit et médiocrement à l'oral) l'anglais. On va donc dire que je suis versé dans trois langues sur les centaines (les milliers en incluant les idiomes les plus exotiques) qui sont parlées sur Terre ; j'ai assez d'honnêteté intellectuelle pour admettre que je n'ai aucune crédibilité pour juger catégoriquement le français supérieur à toutes les autres langues.
Néanmoins, mes connaissances (notamment historiques ainsi que celles, superficielles, en philologie) m'amènent à penser que le français jouit de vertus et de qualités particulières - par exemple son choix comme langue diplomatique, domaine qui ne tolère aucune imprécision ni malentendu tout en exigeant subtilité et finesse en abondance.