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Voilà le début d'un des trois fils qui doivent tresser le projet Fragments
In Tenebris
On me tire de ma rêverie. Une main puissante, qui m’extrait rudement de mon fauteuil. J’entrouvre les yeux et j’aperçois le genre de visage que je ne souhaite pas apercevoir. J’inhale une nouvelle bouffée de vapeur bleutée, une dernière. Son arôme sucré envahit ma bouche, se colle à toutes les parois sur son passage, avant de s’éteindre. Je me souviens soudainement d’une sorte de cigarette, essayée furtivement il y a longtemps. Ca vous arrachait la gorge avant de faire le moindre effet. On a en a fait du progrès depuis.
L’homme m’arrache à ma bulle. C’est le moment où je réalise que j’étais bien, plongé dans un rêve agréable. Etrange, tout de même. On le sait toujours après coup, qu’on vivait un moment agréable, et jamais pendant. Il devait y avoir des lieux poétiques, des créatures sublimes. Le genre de filles qu’on ne peut qu’imaginer, en s’aidant de vapeur bleutée si nécessaire. Je sens comme l’effet d’une douche froide. Je devrais avoir la trouille, vu qui me tire de là , mais non, je me sens stupidement énervé. Un si beau rêve, on me le brise. Je paye assez cher pour avoir le droit d’en sortir moi-même, à petits pas. Mais ce ne sera pas pour ce soir, une deuxième personne me saisit par la taille et m’emmène brutalement dehors.
Si je ferme les yeux, je retrouve un moment des morceaux de rêves, des images fugitives. J’essaye de ne pas penser. Penser serait revenir au présent, songer au futur sans ne pouvoir y faire grand-chose, alors je préfère éviter. Mais les oreilles, elles ne peuvent pas mentir. Les accents du neo, ou retro jazz oriental – comment savoir ? Il n’y a plus vraiment de nom pour ça – se sont évanouis. J’entends juste le bruit irritant d’une grande artère. Les pas, les paroles, je n’ai pas envie de les entendre, de les comprendre. Résultat, chacun me fait l’effet d’un léger coup sur mon crâne, c’est une bataille perdue d’avance, je le sais. On ne peut pas gagner, quand deux molosses viennent vous arracher à un rêve artificiel.
On me projette rudement sur une banquette. J’aperçois fugitivement une longue silhouette, un engin puissant pour des gens qui ne le sont pas moins. Je soupire. Après tout j’ai le droit de faire mon numéro du gars paumé et complètement assommé. Je m’écroule sans un regard pour les deux baraqués. Un claquement, et nous voilà partis dans un léger feulement. Quelque chose en moi me dit que je devrais commencer à m’intéresser à la situation. Trop tard, pour le coup je suis réellement hors d’état.
Soudain je sens un contact froid sur mon bras, une piqûre fugitive. Je grogne, je crois. Puis je comprends ce que ça signifie. Un overdrive, pour me tirer de la drogue. Mes yeux croisent celui de la brute. Oui je le connais, et je vois un sourire se former sur son visage. Il sait ce que je vais vivre.
La sensation de tremper ses membres dans de l’eau trop froide. On gémit un peu, avant de les enfoncer un peu plus, sous contrôle. Mais là non, l’eau monte, glaciale à vous donner une sensation de brûlure, elle irradie mes membres et progresse sans que je puisse faire quoi que soit. Que faire, d’ailleurs, ce foutu truc est en moi, ce n’est pas du liquide ou je ne sais quelle sensation extérieure, ce truc progresse et se dilue dans mon sang. Et parvient à ma tête. Ma vision se brouille, et je me sens tiré, poussé violemment du fil de mes pensées. Une douleur sourde m’envahit, rebondit avec application entre les replis de mon cortex, se faufile entre mes sinus en m’arrachant des larmes. Et tout redevient net. Ma bouche est encore un peu pâteuse mais j’y vois à nouveau parfaitement, j’entends la voiture glisser à toute allure, et mes rêves sucrés sont bien évanouis. La brute me dévisage, elle s’appelle Mike, je m’en souviens à présent.
« Heureux de vous voir de retour parmi nous, Louis »