Tout part d'un livre. "Les Âmes Grises" de Philippe Claudel, oeuvre qui a accumulé les prix littéraires en 2003-2004. Vous l'aurez compris, le long métrage éponyme dont nous traitons ici en est l'adaptation directe.
Le scénario a été rédigé par Claudel lui-même en collaboration avec le réalisateur, et le résultat est impeccable. Cela est compréhensible quand l'on lit
l'explication de la genèse de l'oeuvre disponible sur Yahoo.fr :
Yves Angelo a écrit:
"Philippe (Claudel) m'avait fait lire les cent premières pages des Âmes grises, à une époque où l'histoire n'était pas encore en développement. Il n'était même pas sûr de poursuivre ce début de roman. Mais j'ai tout de suite été troublé par l'atmosphère. Je ressentais comme une impression d'enfermement dans une pièce dont les murs deviendraient poreux à une moisissure qui, peu à peu, envahirait tout. Philippe Claudel a laissé son texte pendant un an, puis il l'a repris. Je l'ai lu. Deux ou trois semaines après, j'ai eu envie d'en faire un scénario. J'ai commencé une vingtaine de pages et il s'y est remis, pour écrire un scénario."
Nul doute, quand on voit le film d'Yves Angelo, que les grands esprits se sont ici rencontrés. Les deux créateurs ont lancé une chose extraordinaire qui a été enrichie et développée par leur équipe toute entière : une ambiance grisâtre mais forte, loin dans le passé et cependant poignante. On est projeté dans les drames de l'époque et, outre la peinture d'une France campagnarde perdue dans un violent changement, au-delà de la vision d'esprits égarés (comparable à celle que l'on trouve dans "Le Corbeau" de Clouzot), on découvre une exposition concise des abus et des folies de ces temps de chaos.
Personnages fins, acteurs monstrueux (Jacques Villeret en tête, dans ce qui est, je pense, le meilleur rôle de sa carrière), photographie travaillée, au service du film, bon rythme et belle intrigue.
Je n'émets qu'une réserve : la fin peut décevoir.