CHAPITRE IV
Quel comédien... il aurait pu faire une putain de carrière. Nos regards s'accrochent et je sais ce qu'il pense. Vais-je le balancer ? La grosse question. Il est persuadé que non, il a raison, bien sûr. - Monsieur Rodaring, vous allez bien ? demande Jill. - Je-j'ai mal, gémit-il. Je lève les yeux au ciel. N'importe quoi. - Vous allez vous en sortir, je vous le promets ! assure Barry. J'éclate de rire, c'est un festival de conneries. - Quoi ? rugit le S.T.A.R.S., c'est quoi qui te fait marrer, Williams ? Il a bien accentué le " Williams ". Sur les onze flics restants, c'est le seul qui persiste à m'appeler Williams dans le seul but de me pousser à bout. Je lui réponds avec un bras d'honneur. - Williams ? Ce n'est quand même pas le dénommé Spike Williams ? demande Nathan en mimant un haut-le-coeur très convaincant. Ce gars est exaspérant, un vrai gamin. - Ne vous inquiétez pas, vous êtes en sécurité avec nous, affirme Barry. - Va dire ça à l'autre macchabée dans le magasin. Jill s'approche de moi et tente de me frapper. J'attrape son poing sans grande difficulté. - Tu veux danser ? demande-je en plaçant mon autre main dans le creux de ses reins. Fallait me le dire plus tôt... - Sale porc ! beugle-t-elle avant de se dégager, non sans me jeter un regard meurtrier. Je souris insolemment. - Oh, mon Dieu, souffle Nathan avant de fermer les yeux. - Il s'est évanoui, constate Rebecca. - A cause de ses blessures ? - Non, je pense que c'est sûrement à cause de Ripper, il doit être terrifié, explique Rebecca en évitant soigneusement de me regarder. - Il faut l'emmener à l'hôpital, il n'a pas l'air d'aller bien et on pourra peut-être retrouver le salaud qui m'a agressé ! Barry acquiesce et donne les ordres. Teddy Jericho et Brad Vickers, le quatrième membre des S.T.A.R.S. présent ici, porteront Nathan. On se met en route en direction du centre hospitalier. Nous marchons en silence dans les rues de la ville. Soudain, j'aperçois une vingtaine de zombies qui s'approchent. Je regarde Barry, il a pas l'air de vouloir les affronter. - C'est le chemin le plus rapide pour rejoindre l'hôpital, nous n'aurions plus qu'une seule rue à traverser, dit Jill en fixant les zombies qui marchent toujours vers nous. - C'est de la folie, ils sont trop nombreux, proteste Vickers. Barry se tourne vers Vickers et Teddy. - Posez Monsieur Rodaring, nous allons les abattre ! Burton sort son arme, tout de suite imité par les autres. - Feu à volonté ! Les keufs tirent et certains monstres s'écroulent pour se relever immédiatement. Les zombies accélèrent le mouvement. Je m'assois sur le trottoir près de Nathan qui a ouvert les yeux. Les flics, trop occupés à essayer de buter les saloperies, ne s'occupent pas de nous. - J'suppose que tu veux pas qu'on se fasse la malle, murmure-je pour entamer la conversation. - Tu supposes très bien, dit-il aussi bas que moi, j'ai envie de m'amuser avec eux. - Tu touches pas à la petite brune, préviens-je en le regardant. Il me considère un instant en silence. - Et pourquoi ? demande-t-il. - Tu le sais très bien, soupire-je. - Tu lui dois la vie... mais si tu la sauves, tu ne lui devras plus rien, n'est-ce pas ? - Exact. - Et bien, je crois que c'est le bon moment, dit-il avant de fermer les yeux. Je fronce les sourcils. Pourquoi il a dit ça ? Je regarde machinalement où en sont les autres. Bordel, ils sont en train de se faire massacrer ! L'autre fille, Chloé Marco, est par terre, deux monstres sur elle en train de la bouffer... le cannibalisme, faudrait que je tente, à l'occasion. Le Noir (j'ai oublié son nom !) qui s'est fait assommer et voler son flingue devant le supermarché a été démembré. Barry a sorti son couteau et essaie de repousser trois zombies. J'm'approche de la scène du carnage et je chope le monstre le plus proche par le col. J'hésite à lui coller une droite, il est franchement dégueu. Bon, tant pis, il faut savoir faire des sacrifices. Mon poing s'enfonce dans son crâne et rencontre son cerveau gluant. Putain, ce genre de truc, ça n'arrive qu'à moi. Mais bon, l'excitation du combat balaie ma répugnance du début. Je ramasse le flingue d'un flic, il a les tripes à l'air, j'pense pas qu'il m'en voudra, et, prenant le flingue par le canon, je frappe un zombie dans le ventre. Le crac que j'entends est vraiment jouissif, je lui ai défoncé sa putain de cage thoracique. Je sens l'haleine d'une autre saloperie sur ma nuque. Je balance ma tête en arrière, lui explosant le nez. Je me retourne et lui envoie un coup de pied dans le crâne. Ce dernier s'envole et va s'éclater avec un bruit mat contre le mur le plus proche. Je jette un coup d'oeil à Burton, il a buté deux des trois zombies qui étaient sur lui. Je cours à sa rencontre et en prenant appui les épaules de Brad, je me propulse, jambes en avant, vers le troisième zombie. Sous la violence du choc, le monstre s'écrase face contre terre. Quant à moi, je me réceptionne à peu près correctement et je m'assois sur le zombie. Il se débat dans l'espoir de me renverser. D'un geste devenu mécanique, je lui brise la nuque. Je me relève, un sourire aux lèvres, et je vois les flics faire de même, sans le sourire. Ils sont que huit. Les quatre S.T.A.R.S., Teddy et trois autres dont les noms m'échappent. Je tends mon flingue à Burton qui le prend, surpris. - Merci, murmure-t-il. - J'ai aucune chance contre vous huit, même avec un flingue. - Merci de nous avoir aidé, on aurait pas pu se les faire sans toi, Ripper... continue-t-il. Ouahouh, aurais-je gagné le respect de Mister Gros Gay ? Bon, restons fidèle à ma réputation. - T'enflamme pas, mec, si je vous ai aidés, c'est uniquement parce qu'après vous, ça aurait été mon tour de me faire bouffer... - Tu aurais pu t'enfuir, dit Jericho avec l'air de pas y toucher. Ouch, situation délicate, En face de moi, huit regards qui me scrutent, moqueurs. - Ouais, c'est pas tout ça, mais bon, on y va à ce putain d'hosto ? demande-je pour changer de sujet. Les autres hochent la tête, redevenant sérieux. Après une rapide redistribution d'équipements, on repart. L'hôpital est enfin en vue. - C'est quoi, ça ? questionne Jill en montrant une silhouette aux prises avec deux monstres du même modèle que celui du magasin. - J'pense qu'on appelle ça un mec. - Ta gueule, Ripper ! - Il faut l'aider, dit Barry. - Ouais, approuve Teddy Jericho. - Chevaleresques en plus ? Putain, j'suis tombé sur les seuls flics réglos de tous les États-Unis, vraiment pas de bol. - Ta gueule, Ripper ! Barry sort son Python et vise. - Tous aux abris, plaisante-je. - Tu veux que j'te plombe ? rétorque-t-il. - J'aimerais bien ouais, c'est ta cible qu'a le plus de chance de s'en tirer, par contre, les autres... BAM ! Dites-moi pas qu'il a osé me shooter ? Ah nan, c'est le gamin devant le supermarché qu'a fait feu. Un monstre vert s'écroule. Il tire une seconde fois et son compagnon bouffe le sol à son tour. - Hey, toi, là -bas ! hurle un flic. - Tu vas lui demander ses papiers ? Si ça s'trouve, il est pas en règle avec son flingue. - Tu vas fermer ta gueule, putain ! J'adore faire chier le monde, c'est viscéral. Le gosse nous fixe. Un ado aux cheveux bruns. J'ai déjà vu sa tête. Mais... quand ? Le faciès de Nathaniel " No " Rodaring se déforme sous l'effet de la colère. - Tu t'appelles Ripper. Cesse d'avoir tant de sentiments. Un tueur n'a pas à s'apitoyer sur ses proies. Cet ado... il est en rapport avec un de mes meurtres ? Je sais pas. J'en ai tant tué... Rodaring secoue la tête. - Tu as encore beaucoup à apprendre, mon cher élève... - Que fait-on pour le mioche ? - Tue-le. Je n'en ai pas envie pour l'instant, j'ai égorgé une petite fille hier. Le temps a cessé de couler entre moi et le gamin. Je le vois plus jeune, un petit enfant. Souvenir d'une autre époque. De la grande époque ? Il semble me reconnaître. Les yeux du gamin s'écarquillent. Il recule vers l'entrée de l'hôpital. - Tu permets ? - Quoi encore ? demande Barry, énervé. Je lui arrache son flingue des mains et je tire. La balle percute le mur à dix centimètres de l'oreille gauche du mec. Merde, j'suis plus aussi précis qu'avant, j'visais le côté droit... - La prochaine, tu la prends dans le fion, t'entends ? Le gamin, le visage blême, se précipite dans le bâtiment.
- Enfoiré ! J'attends pas que l'autre blondasse me décoche une deuxième bastos et je rentre en trombe dans le hall de l'hôpital. M'enfin, vu comment il vise, je devrais pas m'inquiéter. Tout allait bien, j'avais récupéré ce pistolet, j'allais faire un tour a l'hosto quand ces putains de saloperies de lézards de merde sont venus me faire chier... Tels des sentinelles, ils étaient postés a l'entrée du bâtiment, autour d'un cadavre de médecin fraîchement décapité. Et moi, dans mon enthousiasme d'avoir sur moi un flingue tout neuf, je les avait même pas remarqué. Et, pile au moment ou je commençais à en découdre avec ces deux cons, voila que la cavalerie arrive... Avec ce tueur blond. - Je vous présente mon élève, Spike Williams. Il a quelque chose à apprendre aujourd'hui. Ma tête me fait mal. - Je me présente : Nathan " No " Rodaring. La femme recule jusqu'au mur. - Je vais appeler les flics ! - Je vous présente mon élève, Spike Williams. Il a quelque chose à apprendre aujourd'hui. Je pense à la pomme. La pomme que je vois parfois dans mes cauchemars. La pomme épluchée, tachée de sang. Son environnement sonore est tissé de voix du passé. - Je vous présente mon élève, Spike Williams. Il a quelque chose à apprendre aujourd'hui. - Je vous présente mon élève, Spike Williams. Il a quelque chose à apprendre aujourd'hui. - Je vous présente mon élève, Spike Williams. Il a quelque chose à apprendre aujourd'hui. Des tirades qui se répètent. - Je me présente : Nathan " No " Rodaring. Ce type blond. - Je vous présente mon élève, Spike Williams. Il a quelque chose à apprendre aujourd'hui. Je l'ai déjà vu quelque part. Peu importe où. Ce type blond, ce Williams... Il m'a tiré dessus. Il va payer pour ça... Bon, je dispose de peu de temps avant que les flics arrivent. Le hall de l'hôpital est dévasté, seul un zombie se balade en titubant au fond d'une pièce. Il ne vaut même pas la peine que je lui fracasse la tête ! Aucune cachette pour les surprendre, les fauteuils sont renversés, le comptoir est trop haut, je me ferais descendre avant d'avoir pu faire quelque chose. Mon regard se pose sur le plafond. L'éclair de génie. C'est fait de grilles métalliques, parfait pour voir ce qui se passe en dessous. Faut que j'y accède. Tiens, j'ai de la chance, un escabeau est posé, en cas d'incendie. Y'a pas vraiment d'incendie ici, sauf peut être les flammes de l'Enfer qui se sont abattues partout dans la ville. Faudra que j'y pense à me casser de ce trou à zombies un de ces quatre. Je place l'escabeau au milieu, et pousse un carré du plafond. J'y monte sans grande difficulté. Je fais tomber l'escabeau par terre, au cas où un lézard sautant ou même pire, un flic, puisse jouer au Tyrolien. Je me poste au-dessus de l'entrée de l'hôpital. Hé, hé, la petite brune sera ma cible, j'ai vu comment elle rougissait à la vue de l'autre blond en sortant du supermarché. Je me vengerai de lui par la même occasion. Ils ne devraient plus tarder maintenant. J'ai le coeur qui bat la chamade, l'adrénaline pulse dans mes veines comme de la drogue, m'obligeant a écouter mon instinct de survie : tuer ou être tué. Parti dans mon délire, je n'entends pas ce bruissement de feuilles, qui se rapproche de ma jambe à une vitesse surnaturelle... Et quand des épines s'enfoncent dans mon mollet, m'arrachant un cri étouffé par l'idée de me faire repérer, je comprend que je suis attaqué. Je me retourne, ma batte prête à défoncer ce qu'il y a derrière, qu'il soit zombie ou lézard géant. Mais j'ai la surprise de constater que mon agresseur n'est autre qu'une... plante. Ses larges pétales rouges se déploient autour d'un gros bulbe. Elles sont garnies d'épines faisant office de dents. La fleur possède des tentacules épineux aussi, l'un est enroulé autour de ma jambe. D'un geste, je tranche l'appendice, puis j'écrase le bulbe, répandant de la purée de plante carnivore sur le plafond grillagé du hall. La créature végétale pousse un gargouillis infâme et fait silence. - Qu'est ce que c'est que ce truc ? J'ai atterri en Pandémonium ou quoi ? Et merde, je vais me faire repérer à cause de son jus puant ! A la seconde où je finis ma phrase, un flic entre, l'arme au poing. C'est le barbu. Il pointe son Magnum Colt Python de droite à gauche, croyant que je lui tends une embuscade d'amateur. Tu regardes pas dans la bonne direction, mec. Il fait un signe de la main derrière lui et le reste de la troupe arrive. Ils sont sur leurs gardes et ne lèvent qu'un instant les yeux vers le plafond d'où goutte la sève. Pour eux, c'est juste un liquide suintant. Je compte huit personnes. Le blond, décontracté, marche nonchalamment devant les autres, et dépasse le gros. Il y a aussi un autre mec, un grand type aux cheveux bouclés, je l'avais pas vu au supermarché. La petite brune arrive en dernière, apeurée. Tant mieux, ça va me rendre la tâche plus facile. Le barbu toise le blond d'un regard mauvais et lui lance : - Eh, Ripper, reste derrière moi, des fois que tu voudrais te faire la malle. Ripper... N'est ce pas ce tueur en série qui a été arrêté y'a pas si longtemps de ça ? Oh, j'ai peur... Ouahaha. Spike. Spike " Ripper " Williams. Les voix de mes cauchemars ne mentaient pas. Ripper se retourne et balance au flic barbu : - Dis donc, shérif, on dirait que t'aimes bien avoir un mec derrière les fesses. - Fais gaffe à ce que tu dis, une balle perdue est si vite arrivée... Eh bah, dis donc, c'est le grand amour entre eux ! Pendant ce temps, les flics se sont dispersés dans le hall. Une autre femme, un canon elle aussi, remarque le zombie au fond de la salle. - Eh, y'a un patient qui veut nous dire bonjour ! La femme ajuste son arme de poing et lui tire une balle en plein front. Tout le monde tourne la tête dans la direction du coup de feu. La fille brune est en dessous de moi. Le moment parfait. Je me redresse et je saute sur le carré métallique. Je passe à travers les lamelles d'aluminium brisées dans un fracas épouvantable et je me réceptionne à terre. Sans perdre une seconde, je me relève et passe mon bras autour du cou de ma cible, tétanisée par la surprise. Mon flingue est braqué sur sa tempe. J'ai réussi ! Le reste de la fine équipe se retourne et me braque. - Nom de Dieu ! Fais pas le con, gamin ! dit le barbu. - Cette fille sera froide dans quelques secondes si vous posez pas vos joujous à terre. Sacrée réplique ! - Il n'as pas tué le flic à qui il a chopé le flingue. Il est inoffensif... intervient le blondinet. Je le regarde en souriant et lui lance : - Tu tiens à prouver ta théorie ? Lui aussi me sourit. On dirait qu'il m'apprécie, bien que je sente que celle que j'ai dans mon bras a une espèce d'importance pour lui. D'ailleurs, elle tremblote de tout son corps et sa respiration s'est accélérée. L'odeur de la peur se dégage de ses cheveux. Délicieux... Je contourne le groupe, apparemment sur les nerfs, prêt à appuyer sur la gâchette. Ils semblent tous attendre l'ordre du barbu, sauf Ripper et l'autre inconnu aux cheveux bouclés. Le gros semble indécis. Il y a un ascenseur en état de marche à gauche, j'y vais doucement, en tenant la p'tite brunette contre moi. Elle n'oppose aucune résistance. Trop facile ! - Une dernière fois, mec, pose cette arme et relâche ce flic ! - Vous avez pas dit le mot magique... Ca y est, j'ai réellement pété un câble ! Je me glisse dans l'ascenseur avec ma victime, et j'appuie sur le bouton de l'étage supérieur. Juste avant que la porte ne se referme, je crie : - Lâchez-moi, et elle restera en vie ! Un bruit sonore m'indique que la porte est refermée. L'appareil commence à monter. La fille prend pour la première fois la parole, et, d'une voix chevrotante, me dit : - Pitié, ne me tue pas... J'expire sur sa nuque. - N'aie pas peur. C'est juste... un jeu.
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Dernière édition par Raphychou le 15 Mai 2005, 20:16, édité 1 fois.
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